Si ce que l’on a appelé les lumières du 18ème siècle ont eu comme effet d’éclairer les consciences, force est de constater que celles-ci sont en train de régresser. Notre société croit s’épanouir en cédant aux sirènes de la consommation et devient de ce fait de plus en plus dépendante vis-à-vis de ses besoins d’avoir. L’avoir et le désir qu’il induit priment plus que jamais dans les aspirations occidentales, l’idée même d’une décroissance économique et la peur généralisée qu’elle entraine en sont un vivant exemple. Il y a quelques mois je traitais sur Agoravox et sur un ton humoristique de l’irruption prochaine d’une probable décroissance. Ca y est, on y est !
Peut-on aborder la situation actuelle en imaginant qu’il ne s’agit que d’une crise parmi tant d’autres ? Est-on comme certains l’annoncent en train de changer de société. ?. Le désir de consommer, d’avoir, de posséder va-t-il continuer à être le moteur de l’activité économique, ou l’individu est-il en train de modifier son rapport à la consommation ? Est-il si déraisonnable de s’imaginer que le consommateur serait entré dans une phase privilégiant dans ses comportements, l’essentiel au superflu ? Serait-on en train d’entrer dans une phase de conscientisation des comportements d’achats pouvant amener à terme à une décroissance maitrisée ? Personne ne peut répondre à ces questions, mais ne pas se les poser serait une forme de politique de l’autruche. Si, au contraire, les comportements du consommateur s’avéraient être entrés dans une phase de changement, nous serions en train d’assister en direct à un affaiblissement des dogmes, à commencer par celui qui consiste à s’imaginer qu’il ne peut y avoir de société pérenne sans croissance économique forte. La vision d’une croissance obligatoire forte et soutenue relève t-elle d’une approche rationnelle et pragmatique, où d’une vison dogmatique ? Où en sommes-nous en 2008 dans toutes les formes de dogmes ?
Le dogme religieux Chrétien et principalement Catholique Romain qui a prévalu jusqu’à la fin du 19ème siècle s’est vu remplacer par les dogmes politiques. Toutes les formes politiques ont été visitées, explorées, appliquées et parfois dénaturées durant le 20ème siècle : Socialisme, Capitalisme, Libéralisme, Centrisme, Environnementalisme, nationalisme, fascisme… L’affaiblissement des dogmatismes politiques a commencé au milieu des années 1980. L’absentéisme électoral en était un indicateur. Mais rien ne s’est substitué à ces dogmatismes, laissant ainsi place à un grand vide de pensée. Une chose est sure, ce ne sont pas les dogmes, religieux ou politiques, qui permettront de répondre à la crise actuelle. Ce ne sont pas eux non plus, qui permettront d’élever le niveau de conscience. Pourtant, pour ce qui concerne les dogmes politiques, on semble assister depuis quelques mois à une certaine déstructuration de la pensée politique, comme si l’immense espoir de 2007 (Les 84% de participation) avait laissé place à une certaine amertume. « Entendez-vous dans les campagnes mugir ces féroces désespoirs ? » « Aux larmes, citoyens » semble être le nouvel hymne.
La nouvelle mode politique se tournerait elle vers le pragmatisme ? Les militants socialistes viennent d’élire une nouvelle 1ère secrétaire. Verra-t-on dans les prochains mois des propositions pragmatiques permettant de relancer le débat politique. L’absence d’opposition n’est jamais saine pour une démocratie. Quel est aujourd’hui l’état des partis en France : Un PS sans programme ; un PC qui n’est plus que l’ombre de lui-même ; un FN qui s’écroule (On ne va pas s’en plaindre), mais ne nous leurrons pas l’extrême droite Française a toujours fait partie du paysage politique ; Des Verts qui palissent ; Un MODEM qui n’a pas encore l’ADSL ; Une UMP dans laquelle les composantes (Gaullistes, libéraux et centristes…) tentent de vivre ensemble et d’exister. Le refuge politique des dogmatismes serait il en voie d’extinction ? Quand Bertrand Delanoë prône les vertus du libéralisme, est-on toujours dans le dogme socialiste, dans une approche socio démocrate ou dans une approche politicienne. Quand Ségolène Royal fait les yeux doux à François Bayrou est-ce une manœuvre ou la vision d’une nouvelle société. Et quand notre Président adopte des mesures qui seraient perçus dans le monde économique comme concurrence déloyale, est on toujours dans une pensée de droite ou dans une approche pragmatique des situations ?
Si les dogmes disparaissaient, l’on ne pourrait que s’en réjouir mais que resterait-il comme forme de pensée ? Le niveau de conscience de l’individu est-il suffisamment développé pour lui permettre d’affronter une société qui offrirait plus d’ouvertures au questionnement que de réponses.
Quels sont les nouveaux vecteurs de pensée, si l’on accepte de ne plus raisonner de manière dogmatique, si l’on accepte d’approfondir les raisonnements plutôt que de se contenter de l’aspect superficiel des choses.
Où est la notion de conscience dans ce monde de prêt à penser qui fait jacasser l’Homme sur tous les sujets, l’amenant à privilégier les réponses toutes faites, aux réflexions, questionnements et interrogations introspectives qui seules, pourraient lui permettre d’élever son niveau de conscience ?
Ou est la notion de conscience quand l’individu se contente à partir.des informations qu’il reçoit (souvent par le biais des médias) d’exprimer, non pas le fond de sa pensée, mais la superficielle interprétation qu’il en a entendu ou faîte ?
Ou est la notion de conscience dans la montée des individualismes qui amènent l’individu à s’imaginer qu’il n’a pas besoin des autres pour vivre, oubliant ainsi son origine grégaire ?
Agit-il dans ces situations en conscience ou de manière non consciente ? « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire » disait Wittgenstein. «Penses par toi-même « disait Kant au siècle des lumières. Les lumières ont-elles la même intensité aujourd’hui qu’hier ?
L’homo sapiens occidental du 21ème siècle semble plus, dans sa vie quotidienne, continuer à privilégier les réponses et les certitudes qu’à utiliser la partie intelligente de son cerveau. Imaginons les progrès que l’homme ferait s’il utilisait ces capacités cognitives, non émotionnelles, pour se découvrir avec la même intensité que celles qu’il a utilisées pour accomplir ces 130 dernières années toutes les découvertes, industrielles, économiques, médicales, technologiques, culturelles… Imaginons les progrès que ferait l’humanité si l’on consacrait autant de moyens et d’énergie à élever le niveau de conscience qu’on en a consacré à toutes les découvertes du 20ème siècle. Imaginons les progrès que l’Homme ferait s’il cessait de se laisser bercer par le son des dogmes pour privilégier la réflexion et le questionnement à la réponse.
Doit-on réinventer le siècle des lumières pour y parvenir ?
Etre en conscience, c’est comprendre et découvrir que l’Homme n’est que partie d’un tout indissociable. N’est ce pas parce qu’au fil du temps, l’Homme s’est éparpillé, grisé au son des sirènes des dogmes, qu’ils soient religieux ou politique, qu’il en a oublié sa quête de la vérité. L’Homme ne pourra véritablement se réconcilier avec lui-même que dès lors qu’il aura compris, que le verbe être prime sur le verbe avoir et que l’avoir, se doit de rester au service de l’être et non l’inverse, comme trop souvent, notre société nous le démontre. L’élévation du niveau de conscience de chaque individu serait de nature à assurer un progrès qui réconcilierait potentiel économique et potentiel humain. Alors à quand un Grenelle de la conscience ?