Mercredi 26 novembre, sur France 2, au cours du journal télévisé de 20 heures, un débat oppose pendant neuf minutes Frédéric Lefebvre et Noël Mamère, tous deux membres de la Commission sur le service public de la télévision.
M. Lefebvre rappelle les propos du Président : la télévision publique renonçant à diffuser de la publicité après 20 heures, il s’ensuit une augmentation des recettes pour ses concurrents sur ce marché et il est donc équitable de les taxer au profit de la télévision publique. Mais M. Lefebvre s’égare ensuite en déclarant qu’il y a désormais plus de deux cents chaînes sur ce marché. Ce nombre est peut-être exact mais il est malhonnête de sous-entendre que leurs parts dans le gâteau publicitaire sont d’égale importance. Il serait plus correct de ne considérer comme concurrents sur ce marché que les chaînes généralistes et de comparer leurs parts respectives dans les dépenses de publicité. J’ignore si toutes ces valeurs sont connues avec précision mais il en existe assurément quelques estimations. Il me semble assuré que la croissance des recettes publicitaires de TF1 consécutive à un retrait quasi-total de la télévision publique sera très largement supérieur à 3%. Si bien que Noël Mamère qualifie ainsi la politique présidentielle : « ce dont Martin Bouygues rêvait, eh bien le Président de la République l’a fait ».
Arrive ensuite le joker magique de la crise. Celle-ci n’existait pourtant pas lorsque, le 8 janvier 2008, not’bon maître, ex abrupto, sans aucune concertation avec les intéressés, sauf peut-être son ami Martin Bouygues, a annoncé une très importante diminution de la pub sur France Télévision. Ah, quelle merveille que cette crise, qui absout toutes les sottises de la politique ondoyante menée par notre génie omniscient ! M. Lefebvre déclare : « ce qu’a dit le rapporteur, Christian Kert, à partir du moment où il y a la crise économique, il faut pouvoir s’adapter à la réalité, ne pas taxer les gens qui n’ont pas reçu les recettes ». Mais c’est tout le contraire : en période de crise, TF1 ne voit peut-être pas ses recettes publicitaires progresser mais la disparition d’un concurrent de la taille de France Télévision est pour elle tout bénéfice. Quand le gâteau se rétrécit, une bouche de moins à nourrir est plus appréciable qu’en temps d’abondance et profite à tous, mais surtout au plus gros. De plus, une taxe, exprimée en pourcentage et non en valeur absolue, n’a pas à voir ce pourcentage diminuer puisque son montant suit fidèlement les variations de son assiette, à la baisse comme à la hausse. Et pourquoi, en ces temps de disette, prévoir un plafond de la contribution en cas d’excessive augmentation des recettes, puisqu’on nous dit qu’elles sont vouées à péricliter ?
Les deux députés débattent ensuite du mode de désignation du Président de France Télévision. M. Lefebvre proteste alors de la vertu de notre Président : « on sort de l’hypocrisie, il faut bien le dire, chacun le sait, le CSA nommait avec des tractations dans les couloirs». Ceci ne l’empêche pas, quelques secondes plus tard, d’affirmer : « avis conforme, si ça a un sens, ça veut dire que le CSA pourra parfaitement s’opposer au choix du Président ». Et comment le voudrait-il puisque, chacun le sait, comme vient de le reconnaître M. Lefebvre, il n’est pas indépendant ?
En fait, ce que M. Lefebvre appelle de la franchise n’est que de l’impudence. Pour utiliser le registre de la grossièreté qui sied si bien à notre président, il lance à la tête du citoyen de base : « je te lèse et je t’emm.. ». Mais ne vous avisez pas de lui répondre sur le même ton, vous risqueriez d’être condamné, vous félicitant que la Bastille ait été rasée. Je laisserai le mot de la fin au porte-parole de l’UMP : « Franchement, dire que c’est une régression [..], si ce n’est stupide, c’est de mauvaise foi ». Fichtre, il est orfèvre en la matière, le Lefebvre !