Elles ont fait le constat pour leur compte et celui de leurs contemporaines de la grande difficulté à vivre des femmes. Prises qu'elles sont, à tout âge, dans les filets des images idéales imposées, puis intégrées, elles sont poussées à lutter en permanence dans des combats perdus d'avance, parce inatteignables. Les auteurs proposent un regard lucide sur la condition féminine aujourd'hui, et osent en montrer les facettes cachées et taboues, qui produisent bien des dégâts.
"La société entretient avec la femme des rapports sado- maso. En cherchant à briser son corps et son esprit, son esprit par son corps, la société lui impose un corset invisible. Apparemment libre, la femme, en vérité, ne peut plus ni marcher, ni respirer, ni manger, ni vieillir, ni finalement vivre. Anorexique, boulimique, dysmorphophobique, elle s’étiole, abime sa santé, sa joie de vivre, et, dans des cas extrêmes, meurt de cette quête impossible. La femme doit comprendre que ce n’est pas elle qui est en cause, ce n’est pas d’elle qu’elle doit douter, c’est de la société actuelle. Pour libérer la femme du corset invisible, c’est la société qu’il faut changer. (p.190)"
Libérées du "corset" par leurs mères et leurs grands-mères, voilà les femmes d'aujourd'hui emprisonnées dans un autre, plus pervers et peut-être plus nocif, et qu'elles s'imposent elles mêmes pour être toujours "plus".
Les mères et les grands mères ont gagné leurs droits contre les hommes, les filles et les petites filles semblent devoir continuer la lutte contre elles-mêmes, et c'est là que ça se corse !
Il est sans doute temps de tirer la sonnette d'alarme et de tenter de réfléchir pour faire en sorte que cette violence cesse ou change de cible.
C'est ce que tentent de faire les deux auteurs de cet ouvrage, en quatre chapitres assez convaincants et faciles à lire :
Le piège du féminisme : Il ne s'agit pas là de dénigrer les luttes et les avancées réelles qu'elles ont engendrées mais de reconnaître ce qu'elles ont fait bouger et comment, d'observer ce qui se passe sans tabou, et de constater qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire.
L'esclavage moderne : je citerai deux extraits qui traduisent bien le contenu de cette deuxième partie construite de manière originale en une sorte de compilation de différents articles sur la condition de la femme aujourd'hui. Certains sont très droles et savoureux comme "La femme est un chasseur solitaire" : "L'ODYSSEE DU YAOURT"
"Pour une femme aujourd'hui, il s'agit d'être belle, soignée, intelligente, bonne mère, bonne épouse, bonne intendante, bonne maîtresse de maison, bonne employée, bonne manageuse, bonne vendeuse. Toute femme qui ne répond pas à chacune de ces conditions pense qu'elle a échoué face aux opportunités offertes par le féminisme." (p;69)
"Le paradoxe est étonnant : les femmes aujourd'hui ont conquis leur dignité, leur indépendance, leur maturité et, en même temps, ont une piètre image d'elles mêmes."(p:142)
Le corset invisible : C'est le cœur du livre et je pense que ces quelques pages méritent vraiment d'être lues. Ce texte est un réquisitoire contre la violence faite au corps des femmes et à leur féminité.
Il fulmine contre la croisade menée pour éradiquer la cellulite, phénomène naturel érigé en véritable malédiction à bannir,
il accuse la dictature des régimes d'engendrer boulimie et anorexie,
il dénonce l'interdiction de vieillir, qui fait mener une guerre perdue d'avance contre les rides à coup de crèmes et de chirurgie esthétique,
il fustige la manière dont la ménopause est promue au rang de véritable maladie à soigner avec des hormones dont on ne sait pas si elles ne provoquent pas, elles, justement, de vraies nouvelles pathologies...
Une quatrième partiepropose des portraits de femmes dans lesquels chacune d'entre nous peut se retrouver un peu...
La conclusion nous laisse un peu sur notre faim, parce qu'elle ne propose pas vraiment de solutions à la sortie de ce piège infernal qui vient de nous être exposé...
"La condition féminine aujourd'hui n'est plus définie par la soumission et le problème du pouvoir, mais par le corset invisible que chaque femme porte en elle."
Le site du livre.
Une interview d'Eliette Abecassis à propos de ce livre sur Evene,
Un autre entretien sur SecondSexe,
Ophélie Gimbert le cite dans son article Les nouveaux féminismes,
"Trop c'est trop et les auteurs démontrent avec intelligence que c'est aux femmes de faire une nouvelle révolution face à ces intenables diktats sociaux" nous dit céciliatlit.
Laure nous en parle sur un ton un peu mitigé, trouvant quand même ça et là quelques passages bien vus.
Un beau billet sur Le journal d'une amazone, qui nous renvoie à la lecture de King Kong Théorie.
Jaqlin en parle aussi sur Lecture/Écriture.
Un post enlevé sur tout est éphémère (ou pas).
Karin nous propose un billet qui illustre le propos à merveille,
tout comme soeur anne, avec en prime, une jolie photo !
D’où déprime, d’où épuisement, d’où révolte.
Je voudrais bien savoir comment me révolter sans tout casser, moi."
Béatrix a aimé, mdo et Sandrine aussi.