Alexandre Dumas raconte avec beaucoup d’humour l’histoire du cochon du théâtre de la Porte Saint-Martin. Monsieur Harel, directeur de l’endroit, était assez crasseux. Allergique à l’eau mélangée de savon, il l’évitait le plus souvent possible, et dégageait une odeur caractéristique. Dumas, en accord avec mademoiselle Georges, s’associa pour offrir au directeur, le jour de sa fête, un petit cochon tout rose et bien vivant. Couronné de diamants, orné de nœuds de pierreries et d'un petit bouquet au côté, le charmant mais remuant animal fut offert à l’intéressé. La scène se déroulait dans la salle à manger, et Harel, enchanté, s’empressa d’embrasser l’animal et de le placer sur une chaise haute, maintenu par une écharpe de mademoiselle George. Le porc fut baptisé du doux nom de Piaff-Piaff et bourré de friandises. Il devint l’ami du directeur, sa chose, son égal !
Un jour de répétition, Harel vint vers Dumas, lui disant, enthousiaste : – Vous ne savez pas, mon cher ? J’aime tant mon cochon que je couche avec lui. Et l’auteur de répondre :– Je viens de le rencontrer, il m’a dit exactement la même chose ! Mais l’animal n’en fit qu’à sa tête… de cochon, et commit mille méfaits, dévorant une boîte de cigares ou le rideau de scène, et poussant même l’ourtrecuidance à quelque peu s’abandonner sur les toilettes de mademoiselle Georges !
Un tribunal de théâtre se réunit et rendit une sentence capitale. Un charcutier fut appelé et ses couteaux n’étaient pas des accessoires de théâtre ! Sentant l’approche de la mort, Piaff-Piaff hurlait, et Harel, se précipitant vers Dumas, l’interpella, fort inquiet :– Mais c’est mon pauvre Piaff-Piaff ! Puis, comprenant l’origine du bruit :– Mais on l’égorge, pauvre bête ! Et, après une pause :– Avez-vous recommandé au charcutier de mettre beaucoup d’oignons dans le boudin ?… J’adore l’oignon dans le boudin! Ite missa est.