«En France, on privilégie le droit du sang»
Jean-Vital de Monléon est pédiatre et anthropologue. Il est le créateur et le responsable de la plus grande consultation de France d'accueil d'enfants adoptés, à Dijon (Côte-d'Or). Auteur du livre pour enfant les Deux Mamans de Petirou (1) et de Naître là-bas, grandir ici (2), il est également membre du Conseil supérieur de l'adoption.
Où en est l'adoption en France ?
Depuis deux ans, on constate une diminution importante du nombre d'adoptions. Cela s'explique notamment par la lutte contre le trafic d'enfants, dans le cadre de l'adoption internationale, ce qui est tout à fait louable, mais on a peut-être été un peu trop suspicieux et tatillons à ce sujet. L'adoption nationale, quant à elle, demeure très limitée. Je déplore que notre société ne soit pas bienveillante à l'égard des enfants adoptés. Il y a beaucoup de racisme et de misérabilisme. Et de stigmatisation, comme cette façon de penser que chaque enfant adopté deviendra forcément un adolescent obsédé par la recherche de ses origines.
Pourquoi l'adoption nationale est-elle si limitée ?
En France, on privilégie le droit du sang. Lorsqu'un enfant est placé en famille d'accueil ou en foyer après décision d'un juge, les magistrats et les éducateurs font tout pour préserver les liens biologiques, parfois de façon excessive. Les démarches conduisant à la déchéance des droits parentaux, afin que l'enfant soit adoptable, sont donc exceptionnelles (*), et quand elles aboutissent il est généralement trop tard. Normalement ces démarches sont possibles au bout d'un an, mais elles ne sont effectuées en réalité qu'au bout d'environ trois ans. Les enfants ont alors 7 ou 8 ans et il devient beaucoup plus difficile de les faire adopter.
Que recherchent les familles ?
L'adoption n'est pas un geste humanitaire. Il s'agit pour la plupart d'entre elles de pallier une infécondité (célibat ou couple stérile), dans le but de créer une famille ou de l'agrandir. La plupart souhaitent adopter un enfant jeune et ne pas attendre trop longtemps. Il faut compter neuf mois pour obtenir l'agrément, délivré par le conseil général, puis patienter encore bien davantage après pour voir l'enfant arriver.
Comment peut-on améliorer le système ?
Jusqu'à maintenant, les gouvernements se sont surtout intéressés à l'aspect quantitatif et pas qualitatif. Je pense notamment à l'information et à la formation des familles, à travers les consultations d'orientation et de conseil à l'adoption (Coca) comme celles que j'organise au CHU de Dijon et qui sont trop peu développées. Il s'agit d'un soutien médical et psychologique apporté aux familles adoptantes. Nous rendons un énorme service et pourtant nous ne faisons que survivre.La secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, souhaite augmenter ces consultations.Je suis content qu'on y accorde enfin de l'intérêt, mais je pense qu'il est préférable de donner véritablement des moyens aux consultations qui ont fait leur preuve plutôt que d'en créer partout aveuglément.(1) Avec Rebecca Dautremer, éd. Gautier-Langereau, 2001. (2) Ed. Belin, 2003. Source : Libération.fr - BRISSAUD Elise http://www.liberation.fr/france/010187921-en-france-on-privilegie-le-droit-du-sang
(*)je suis sans doute guère objective (de part mon vécu d’enfant et maintenant de maman adoptive), mais je pense que les liens du sang ne sont pas primordiaux quand on réfléchit au bien-être psy-affectif de l’enfant…