Je termine aujourd'hui le Journal de Kafka, hier le jeu MGS4, demain le dernier tome des Passagers du vent, la semaine d'avant le dernier épisode de Californication saison 1, encore avant Paradiso ou Six Feet Under et des milliers d'autres histoires, fictions, étapes d'une vie décalée que je mène en parallèle de l'autre, celle-là non-fictive, sans grand intérêt.
Et je déteste terminer les choses, buter contre le point final d'une fiction qui, pour moi, se sera diffusée sur plusieurs jours, semaines parfois. J'ai eu le temps de laisser les personnages rentrer en moi et inversement. Ce point final non seulement les en décolle, mais en plus les décapite, il n'est plus possible de compléter ces visages qui n'avaient alors pas même eu le temps de s'afficher entièrement dans mon imaginaire, pixel après pixel. Arrivé en fin de livre, la dernière page souvent, c'est toujours le même procédé, la même situation qui se présente, mes yeux pressés par le temps freinent des quatre fers, les mots se laissent engluer, lettre par lettre, je ralentis le plus possible ce mouvement incompressible qui me laissera seul à l'orée du point final, inéluctable. Encore, toujours, ce point final là : même en ralentissant ma lecture je ne peux pas l'éviter.
L'autre jour, H. me demande si je ne deviens pas dingue à force d'accumuler autant d'efforts, sur la durée, pour un seul texte (Coup de tête). Je lui réponds que non, que c'est le contraire, que c'est le jour où Coup de tête sera complètement achevé qu'il me faudra trouver quoi faire, ne pas devenir complètement fou.
Ce matin, les relectures des première et deuxième partie se sont succédées, comme chaque jour où je ne bosse pas. Peut-être que ça n'a aucun rapport, peut-être que la question du point final est étrangère à cette situation là, mais le fait est qu'aujourd'hui, ce matin, et cette après-midi encore, ces relectures ont été, sont, plus lentes, plus attentives. Un coup de frein plus diffus, qui me permet de mieux débusquer les erreurs, les fautes et les mauvaises formulations. Parce qu'il s'agit également de combler comme on peut (c'est à dire mal) les frustrations liées à d'autres fictions, celles là non-écrites, sur lesquelles je ne peux pas avancer, parce que j'en suis tenu aux réécritures, aux corrections, alors que j'aimerais simplement me laisser aller sur une page vierge, démarrer une histoire qui n'aurait pour but que de s'éteindre avant sa fin. J'aimerais pouvoir m'enthousiasmer pour quelque chose de neuf et non ressasser les mêmes scènes, images, impressions en permanence. C'est aussi pour ça que je me laisse aller à traverser des textes courts, parfois éphémères, je m'y aère, ne serait-ce que pour quelques jours, puisque ces heures de création pure ne sont jamais très nombreuses.
Et d'ici demain trouver un autre livre vers lequel embarquer, une autre histoire, d'autres personnages, évidemment périssables mais qu'importe, parce que j'ai besoin de fiction pour avancer et que j'ai froid sans elle(s).