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Conférence au Salon Européen de L'Education : Quelle école voulons-nous en Europe ?

Publié le 27 novembre 2008 par Capesphysiquechimie
Intervenants :

  • Nathalie MONS, universitaire française, spécialiste de l'étude comparée des systèmes éducatifs

  • David GREGER, tchèque, Directeur du Centre de recherche sur la scolarisation

  • Petra PACKALEN, finlandaise, Senior adviser, Finnish National Board of Education

  • José A.RODRIGUEZ LASA, conseiller technique, chargé de mission pour la France au ministère de l'Education à Madrid

  • Andreas SCHLEICHER, chef de la division des indicateurs et analyses. Direction de l'éducation de l'OCDE
On entend peu souvent un discours clair, et crédible, sur les systèmes éducatifs étrangers. Le discours, en France, se résume souvent à une idôlatrie, certainement justifiée, des systèmes du nord de l'Europe, mais sans rappeler par exemple que le cas finlandais n'est pas transposable à la France : ne serait-ce par le fait que la population de la Finlande est de 4 millions d'habitants ; c'est tout de même moins de la moitié de la population de la région parisienne.
Les intervenants de cette conférence ont présenté chacun quelques-unes des spécifités éducatives de leurs pays respectifs, en débattant autour de quelques grandes questions, très actuelles dans le débat de la communauté.
1 - La question de l'évaluation des compétences des élèves
- L'évaluation est en Finlande standardisée, c'est à dire qu'elle consiste en des tests à l'échelle nationale. N Mons souligne les effets négatifs de telles évaluations :
  • le risque d'un teaching to the test, c'est à dire la mise de côté par le professeur de toutes les compétences sous-évaluées par le test, et le "bachotage" du reste
  • le risque de démotivation des enseignants, mesurée par sondage auprès d'enseignants britanniques.
- L'autre solution est l'évaluation à une échelle locale, mais on comprend les problèmes inhérents à l'organisation d'une évaluation dont l'évaluateur est lié à l'évalué. Car ces évaluations, en plus de servir l'élève dans son apprentissage, lui indiquant qu'il a atteint un stade dans l'acquisition de ses compétences, servent aussi (et surtout, dans le cas d'évaluations terminales) à évaluer le système éducatif en lui-même : mesure des inégalités entre différents publics, entre établissements, mesure des effets d'une réforme...
Nécessité, donc, d'un outil d'évaluation, tout le monde est d'accord, mais d'un outil d'évaluation externe, qui produirait des résultats utiles, autant pour l'élève que pour les statisticiens.
En Finlande :
- La Finlande a choisi des évaluations standardisées, mais à l'échelle d' échantillons choisis parmi toute la population. Bien-sûr, comme en France, un certificat clot les études secondaires et ouvre la porte de l'université. Le programme institutionnel finlandais impose deux types de contenus :
  • des contenus traditionnels : maths, sciences...
  • des contenus transversaux : social, culture, développement durable, sous forme de travaux qui unissent plusieurs disciplines, et plusieurs enseignants. D'une manière générale, le système finlandais semble privilégier ce travail de groupe.
- A ce sujet, l'intervenante finlandaise souligne l'échec dans l'institution d'une évaluation terminale finlandaise : certaines écoles ne traitent pas les thèmes transversaux, non évalués... Teach to the test ! Et puis, le choix fort du travail en groupe étant fait et assumé en Finlande, comment une évaluation individuelle peut apprécier le travail réalisé sur ces compétences collectives ?- P. Packalen conclue en proposant de revoir l'évaluation, afin de résoudre cette contradiction du système.
2 - Quel recrutement des enseignants permet de recruter les meilleurs ? Vers une autonomie pédagogique ?
Le directeur de l'éducation à l'OCDE rappelle quelques principes pour obtenir un recrutement de qualité :
  • D'abord, avoir un salaire enseignant, et suffisant
  • Proposer des opportunités de carrière, en permettant la formation tout au long de la vie professionnelle
  • Plus de coopération avec les universités, tout au long de la carrière
  • Plus de responsabilités au sein des établissements
  • Plus d'opportunités de travail d'équipe
  • Plus de liberté pédagogique
Selon lui, il est très facile de répartir de façon aléatoire les enseignants à travers un territoire (sic), mais comment faire pour que les meilleurs énseignants travaillent dans les établissements aux publics les plus difficiles ?
- La question de la liberté pédagogique est posée. Il est remarqué qu'un mouvement de marche arrière s'opère en ce moment en Europe, vers un retour à des programmes plus détaillés, sous la forme par exemple du socle commun. Pourtant, aucun consensus théorique ou empirique ne confirme le choix d'une ou l'autre des politiques.
En Espagne- Il se met en place la formation continue des enseignants, avec un système incitatif : un enseignant qui cumulera 100 h de formation pendant 6 ans bénéficiera d'une reconnaissance salariale ; au contraire, un enseignant qui aura failli à son devoir de formation continu verra son salaire perdre 15%.
- Concernant la formation initiale (avant le recrutement, en France, c'est l'IUFM), l'Espagne s'oriente vers un niveau L3 (Bac+3, niveau licence), dans la discipline choisie et en pédagogie.- Le problème actuel de l'Espagne est le nivellement important de son public scolaire : 80% des élèves ont un niveau correct quand 20% sont en grandes difficultés. Les politiques égalitaires ne résolvent pas cette bipolarisation, et la question de l'individualisation des enseignements est posée (adapter le programme au public...).
En Finlande :- Le recrutement se fait dans les établissements par le chef d'établissement.- Un équilibre sest fait entre l'offre et la demande de postes.- Le système fonctionne, mais peut-être est-ce lié à une spécifité finlandaise- Très faibles disparités entre établissements (- de 5%)- Le métier de professeur bénéficie une bonne image. Mme Packalen raconte que la plupart des enfants, quand on leur demande ce qu'ils veulent faire plus tard, répondent professeur (sic). Mécaniquement, ce sont donc les meilleurs éléments qui deviennent professeur, même si le salaire reste modeste (salaire et conditions de travail sont spécifiés dans des conventions collectives). Là encore, il n'y a pas d'explication sinon l'hypothèse traditionnelle. Elle peut être due à la grande autonomie des professeurs : il n'y a pas d'inspecteurs en Finlande !- La formation des professeurs est ressentie par les finlandais comme étant de haute technicité, notamment en science de l'apprentissage.- L'un des défauts de ce système concerne la formation continue, au bon vouloire des municipalités qui ont obligation de formation de leurs enseignants... Dans les faits, certains enseignants ne reçoivent jamais de formation, et comme il n'y a pas de contrôle, aucune donnée à ce sujet.
En République Tchèque :- Comme en Finlande, recrutement local.- Déséquilibre entre offre et demande, tel que 20% des personnels des établissements sont non qualifiés.- Pire, le personnel formé en formation initiale fuit avant son embauche vers le privé.- Pas de formation continue.
La question de l'autonomie est donc posée : le recrutement des enseignants se doit-il d'être local, réalisé par le chef d'établissement, ou national, comme en France ? Selon Andreas Schleicher (OCDE), il faut développer le capital humain : reconnaître le professorat comme une ressource humaine, développer le partage des pratiques. Finalement, ne plus cloîtrer le professeur entre les murs.
3 - Vers une autonomie des établissements ?N. Mons, à une chef d'établissement du public qui vante les mérites de l'accroissement du pouvoir donné au chef d'établissement, et qu recrutement par ceux-ci des enseignants :
Souvent, les gens, quand ils voient de la lumière, ils restent. Et puis, si ça se passe mal, ils s'en vont !
Ca paraît logique.
Cependant, les études se contredisent, et il faut les poursuivre afin de savoir si l'autonomie des établissement a un effet sur l'efficacité des pratiques éducatives. La question est politique : qu'est-ce que l'autonomie scolaire ? Quelles sont ses limites ? Quels acteurs sont concernés ?
D'autres pistes sont aussi suggérés par d'autres exemples de réussite européens, notamment la voix des liens entre Monde de la Recherche et Ecole. Attention donc à ne pas transporter de façon triviale des systèmes éducatifs d'un pays à un autre : préférer à des questions trop fines, du type le mode de recrutement des professeurs, des questions plus globales sur le système en entier. 
En Espagne :
- Système très centralisé, malgré les réformes qui vont dans l'autre sens. L'état, très protecteur devant l'inconnu, nuit au développement de nouvelles démarches pédégogiques.- Les proviseurs sont élus par un conseil d'établissement (composé d'élèves, de professeurs, de représentants de la municipalité) tous les 4 ans, avec possibilité pour l'administration rectorale de reconduire le proviseur si la gestion de son établissement a été correcte.- Nécessité d'une plus grande perméabilité de l'école aux parents : pour l'instant, les parents espagnols se déplacent uniquement quand il y a un problème.- Nécessité d'accentuer les mesures de soutien scolaire, voire de soutien familial.
En Finlande :- La grande autonomie des municipalités leur permet, à leur échelle, d'agir individuellement, au niveau d'un seul élève en difficulté (scolaire, familiale...). La raison est avant tout culturelle, la taille de ce pays donnant à ces habitants un autre rapport avec la hiérarchie, un rapport de proximité bienveillant (semble-t-il). Il est plus facile de coopérer et de s'accorder autonomie mutuelle quand on est proches.
En République Tchèque :- pas ou peu d'intervention des parents dans le milieu scolaire- Attention aux effets pervers de l'autonomie : la grande sélectivité des élèves par les établissements, et des établissements par les parents. Se pose le problème de l'équité.
Ma conclusion, personnelle : une bonne réforme est une réforme qui remet en cause le principe d'égalité, et qui assume Equité et Qualité. Qualité des formations, initiales et continues, des enseignants, et équité, entre élèves, plutôt qu'un égalitarisme qui empêche les meilleurs et écrase les plus faibles.Une conférence excellente, à mon sens, parce que chacun des intervenants ont selon moi abordées des questions que le climat social français rend impossible à poser.

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