Quel titre pour une pareille journée!
En pleine période de crise planétaire, à l'heure où l'on annonce une augmentation record du nombre de chômeurs ainsi que des fermetures d'entreprises, pendant que le froid tue nos sans-abris qui préfèrent rester dehors plutôt que de rejoindre une nouvelle forme de ghettos et de réservoir des exclus, inhumain et indigne, alors que de terribles attentats secouent Bombay et font redouter le pire en terme de conflits futurs, une petite note d'optimisme ne peut faire que le plus grand bien... Surtout si l'on essaie de s'affranchir d'une naïveté béate et en attente de grands miracles inattendus, en s'appuyant sur les raisonnement de grands experts de l'économie et de la finance qui savent combiner approche globale et pragmatisme de proximité, je veux parler de Michel Camdessus, ancien Président du FMI de 1987 à 2000, qui poursuit ses missions d'éclairage de l'opinion publique et des gouvernants en matière de finance et d'économie, et de Philippe Dessertine qu'on ne présente plus à ceux qui ont fréquenté les bancs de l'Institut des Hautes Finances ou qui l'écoutent de temps en temps sur Europe1.
Ces deux experts ne prétendent rien inventer lors de leurs dernières interventions... Philippe Dessertine dénonce depuis plusieurs années les aberrations du système qui consiste à générer de la valeur monétaire non pas à partir de créations de richesses, mais au contraire sur de la dette. Le type de dénouement que nous venons de connaître n'a rien d'étonnant pour lui, ce qui le surprend davantage, c'est qu'il ne soit pas survenu plus tôt. Lors de son intervention d'hier à Strasbourg, il comparait le système à un grand bateau qui ne tanguait pas avant de couler définitivement, et qu'on a donc chargé à bloc et même surchargé, jusqu'à ce qu'il coule d'un coup, brutalement emmenant tous les passagers dans son trajet vers le fond.
Les experts le savaient mais on n'a rien fait pour empêcher cela, malgré les mises en garde, les avertissements. Et c'est là que les propos de Michel Camdessus prennent tout leur sens : pour lui, les réformes véritables et profondes ne peuvent être mises en oeuvre qu'en période de crise.
Il est donc temps de poser des limites, mais pas seulement au fonctionnement et à l'architecture du système financier. Il faut aussi poser des limites sur nos propres manières de vivre. Instaurer une forme de rigueur, à ne pas confondre justement avec l'austérité ou le retour en arrière vers des modes de vie archaïques. La rigueur dont parlent nos deux experts dans l'entretien ci-dessous (extraordinaire de retrouver un document qui les réunit tous les deux, et qui date de quelques jours seulement!) se comprend surtout comme un sens des responsabilités retrouvées, comme l'affirmation d'un libéralisme assumé parce que responsable. Car il ne s'agit pas seulement de sortir de la crise, il faut aussi surtout "préparer l'avenir de la jeunesse", respecter ses engagements vis à vis des pays les plus pauvres, soutenir les entreprises, tout cela sans revenir à ce système aberrant qui vient d'exploser, mais en s'obligeant à un discours transparent sans vaines promesses (comme celle de l'augmentation du pouvoir d'achat... quelle idée! quel mensonge!) mais en appliquant les règles d'une "bonne gestion" fondée sur des indicateurs mesurables et des décisions régulées.
En somme, remplacer par une refondation du système économique ce que Michel Camdessus compare non sans humour au "règne des voleurs de poule" avec d'innombrables zones de non-droit et une tendance généralisée à vivre bien au dessus de ses moyens depuis vingt années continues de déficit budgétaire, et des dépenses qui s'élèvent à 20% au-dessus des recettes.
Et le ciment de cette nouvelle réalité se résume en un mot : la solidarité. SO-LI-DA-RI-TE, à ne pas confondre avec le refrain d'une certaine Ségolène éblouie par la fra-ter-ni-té...
Faire tomber tous les murs qui enferment les nations dans un protectionisme les conduisant tout droit vers les dangers du totalitarisme et du repli sécuritaire.
Inventer une cohésion internationale, fondée sur une gouvernance mondiale avec des "garde-champêtres ", pas seulement informelle comme dans le cadre du G20, mais qui s'appuie sur des traités... Revenir aux formules de Keynes, et de Jean Monnet.
La solidarité devrait rapidement pouvoir se développer, puisque cette fois, tout le monde est concerné, (hormis quelques exceptions qui stockent les liquidités), et la baisse du pouvoir d'achat qui se met en place va nous obliger à réorganiser nos vies, puisque nous serons au pied du mur... Les difficultés ne seront plus réservées aux autres... Boire de l'eau du robinet, modifier ses déplacements et ses modes de transport, sa manière de se nourrir, ce sont quelques exemples simples, mais qui pourraient devenir évidents. Parce qu'en période de crise on retourne à ses fondamentaux. Il faut simplement recréer certains réflexes oubliés qui ne rendaient pas nos aïeux plus malheureux, et créer les formes du vivre mieux, tout en pouvant compter sur ses voisins, ses proches tout comme ils pourront compter sur nous. Il ne faut pas confondre avec un retour en arrière, il s'agit juste de préserver les générations futures par l'appréciation de nos fondamentaux.
Ces nouveaux réflexes vont être de plus en plus naturels. Non pas par excès d'altruisme, ce serait bien nouveau, mais parce qu'il va falloir apprendre à vivre avec une certaine "frugalité" qui nous épargnera de la pauvreté.
La crise conduit au retour du sentiment d'humanité..., à des murs qui tombent, à des portes qui s'ouvrent. L'heure du chacun pour soi pourrait voir son achèvement. D'ailleurs, selon Michel Camdessus, on pourrait retrouver la trajectoire de la reprise au quatrième semestre 2009.
Et cette solidarité mérite aussi celle des pouvoirs publics qui doivent s'astreindre à un discours de vérité, à des actions transparentes, bref... à un gouvernement responsable vis à vis des générations futures. Le gouvernement passe son temps à s'entourer d'experts, expérons qu'ils écouteront ceux-là (Sarkozy a une oreille attentive vis à vis des théories de Michel Camdessus). Et espérons surtout que la période durant laquelle nous allons réapprendre la solidarité ne sera pas gommée ensuite si les années fastes reviennent. Eclairer les consciences est urgent et indispensable. Une population qui comprend l'intérêt d'agir ensemble commence enfin à regarder d'un autre oeil le monde qui l'entoure, et reconnaît les bénéfices de l'Europe, par exemple...
A tous ceux qui se plaignent que les hommes et femmes politiques sont des concentrés d'égos repliés sur leurs propres intérêts, prenez votre destin en main, il y a de quoi faire avec des yeux ouverts et un coeur à l'écoute... Nous n'éradiquerons pas la misère du jour au lendemain, simplement nous serons capables d'apporter de plus en plus de solutions échangées, qui, par l'effet papillon pourront agir de manière infinie sur tant d'autres!
Ci-dessous la vidéo dont je parle plus haut, et qui inspire en partie ce billet.