A
l’occasion d’une conférence de presse en vue du test
Angleterre – Nouvelle Zélande samedi prochain, le
sélectionneur kiwi Graham Henry et le centre Ma’a Nonu sont
revenus sur ce qu’ils considèrent comme un incident, pour ne
pas dire un crime de lèse-majesté, survenu samedi dernier lors du
match entre le Pays de Galles et les All Blacks.
Comme vous avez pu le voir sur ce blog, les joueurs Gallois sont
restés immobiles pendant de longues minutes après l’exécution
du « Kapa o Pango » des All Blacks, les défiant du regard sous les
cris enthousiastes d’un Millenium Stadium électrisé.
Graham Henry a prévenu qu’il ne souhaitait pas que
l’équipe Anglaise et son public se comportent aussi mal
samedi prochain. « Respectez notre Haka » a-t-il peu ou prou
déclaré, appuyé par Ma’a Nonu, dont les origines Samoanes ne
l’empêchent pas d’épouser la cause du chant rituel
maori.
Le comportement des équipes et de leurs supporters face au Haka
stigmatisé par le staff néo-zélandais fait l’objet
d’une polémique très vive au Pays du Long Nuage blanc, qui le
vit comme un affront difficile à supporter.
En
toisant du regard les Blacks, les Gallois n’ont pas seulement
manqué de respect aux joueurs, ils ont aussi insulté la culture et
l’histoire néo-zélandaises…
C’est dû moins l’impression qui ressort à lire les
interventions des internautes sur les forums et certains articles
de la presse néo-zélandaise. Il faut reconnaître que les médias
britanniques, qui savent parfois se montrer un chouilla
provocateurs, n’ont pas contribué à apaiser le début de
polémique, en publiant plusieurs éditoriaux ne caressant pas
précisément le kiwi dans le sens du poil.
Nous autres Français sommes bien placés pour porter un regard
nuancé sur la question : lorsque les Blacks viennent jouer contre
le XV de France, ils rencontrent la plupart du temps un public
respectueux et – il faut le reconnaître – fasciné par
le Haka. D’un autre côté, les tricolores ont manifesté
l’un des comportements les plus provocateurs jamais adopté
face à ce chant lors d’un quart de finale de coupe du monde
mémorable à plus d’un titre.
Aussi, les remontrances et avertissements professés par Graham
Henry nous paraîtront sans doute un peu exagérés. Après tout, le
Haka n’invite pas précisément à l’amour de son
prochain. Et dans ce sport de combat collectif qu’est le
rugby, il n’est pas blâmable de manifester une réaction de
défi à l’égard d’un rituel plutôt guerrier.
Ensuite, la surexposition du haka (lié à la multiplication des
matches internationaux) a contribué à lui faire perdre de son
mystère, à le démythifier et, finalement, à le rendre banal. Et
rien n’est plus néfaste pour un mythe que la routine.
Enfin, et surtout, le côté « marketing » de la chose peut
légitimement agacer. L’utilisation de la geste All Black par
leurs sponsors a fait du Haka une espèce d’argument
commercial. Qui plus est, la création du « kapa o pango », sorti il
y a deux ans tout armé de la tête d’un compositeur à la solde
de la fédération néo-zélandaise, illustre bien cet état
d’esprit quelque peu mercantile qui a déteint sur le beau
maillot noir frappé de la fougère. On se demande si on ne va pas
bientôt sortir un nouveau haka aussi régulièrement qu’on
propose désormais un nouveau maillot pour en vendre
davantage.
En fin de compte, il serait intéressant que Graham Henry et ses
joueurs, mais également les dirigeants de la fédération
néo-zélandaise s’interrogent sur ce phénomène, plutôt que
d’incriminer une foule qui, au fond, apprécie sans doute le
Haka…et le respecte.
P.S. Spéciale dédicace à Richard Escot, qui a lancé la discussion sur ce thème sur son blog "Comme fou".
P.S.2 Sur la signification symbolique et "historique" du Haka, lisez Jour de Gloire, du même...