Il n’est guère d’observateurs pour parier un seul euro sur la réussite de Martine Aubry à la tête du PS. Avec autant de mises en garde et de pronostics défavorables, la Maire de Lille ne devrait pourtant que pouvoir nous surprendre favorablement.
Il est des victoires au goût amer. Celle de Martine Aubry est de celle-là tant les dégâts collatéraux sont importants. Jean-Marcel Bouguereau dans la République des Pyrénées va jusqu’à avancer que même vaincue Ségolène Royal a peut être gagné, que Royal serait une conquérante alors qu’Aubry serait une héritière réduite au rôle, si on suit sa pensée, de directrice de réserve animalière.
Plus objectif, Patrick Fluckiger dans l’Alsace estime que les rôles sont désormais partagés « A Martine Aubry, la pelle et le balai, à Ségolène Royal - et aux autres éléphants - la préparation du seul rendez-vous qui compte vraiment : 2012. Ségolène Royal a manoeuvré très habilement en fixant cette règle du jeu qui lui laisse toute liberté de manoeuvre».
Raillée pour le caractère hétéroclite de ses troupes, il appartient désormais à Martine Aubry de faire preuve de sa capacité à rassembler, à constituer le ciment nécessaire à l’unité de la maison socialiste. De ses faiblesses, simple intérimaire en attendant 2012, travailleuse mais handicapée par une image soit disant ringarde, elle pourrait faire ses forces.
Les militants auront une Première secrétaire qui leur ressemble. Ils attendent du nouveau tôlier qu’il remette la machine socialiste au travail et une voix forte face à l’hégémonie de Nicolas Sarkozy. Si elle réussit, elle y gagnera un lien fort avec les militants.
Dans la tempête, la Maire de Lille, étiquetée valeur sûre, a fait le choix de revenir vers les fondamentaux, en déclarant à Reims « Nous voulons retrouver la gauche ». Martine Aubry, à sa façon, incarne une fierté retrouvée. Celui d’une gauche qui assume son héritage et ses racines profondes. Un discours qui tranche avec les débauches médiatiques de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy qui, à l’inverse, sèment volontairement le trouble en picorant des deux côtés de la barrière.
Les tempos ne sont pas les mêmes. Martine Aubry semble prête à laisser du temps au temps, une sorte de 35 heures chrono en total décalage avec l’hyperactivité présidentielle. La coexistence plus ou moins pacifique avec Ségolène Royal, qui évoque déjà l’organisation d’universités populaires et la mise en place d’une nouvelle forme de militantisme avec Désirs d’avenir, pourrait être l’occasion d’une émulation dans la capacité à formuler une offre politique alternative à celle de la majorité présidentielle. Après le temps des déchirements, la grande famille de gauche veut croire en sa capacité d’être porteuse d’une espérance.
La constitution de son équipe, qui devrait être annoncée le 6 décembre, est très attendue. Elle constituera un acte fort qui donnera la tendance du mode de gouvernance recherché par la nouvelle Première secrétaire. Pendant la campagne interne, l’ancienne ministre du travail avait expliqué vouloir monter une sorte de “shadow cabinet” composé de seize membres, huit hommes et huit femmes, chargés de suivre et de contrer un ministre du gouvernement.
Martine Aubry devra faire du neuf avec du vieux en s’entourant de nouvelles têtes peu ou pas connues du grand public. Poète à ses heures, Arnaud Montebourg a prophétisé à propos du parti socialiste que « de la vieille chenille, va sortir un nouveau papillon ». Attention toutefois aux araignées et à leurs grandes toiles.