À part un plan fixe d'une dizaine de minutes aux trois quarts du film, Hunger déroule avec force et une relative sobriété une histoire auto-suffisante tant elle est marquée par le courage, l'indignité (qui mène à la dignité), la misère humaine et la tristesse la plus totale. Cinéaste avant tout visuel (même si le fameux plan-séquence cité plus haut montre que de beaux dialogues ne l'effraient pas), McQueen développe le combat de ces hommes qui se battent jusqu'au bout pour faire reconnaître leur statut de prisonniers politiques. On ne connaîtra jamais le pourquoi ou le comment des actions qui les ont menés en prison ; de ce fait, on est dans le sensitif, la souffrance, mais jamais dans le jugement. Ce qui intéresse McQueen, c'est comment l'homme peut renier jusqu'à ses droits les plus évidents pour mener à bien un combat qui lui semble juste. Il y a un très beau contraste entre la régression totale de ces détenus-là (excréments étalés sur les murs, refus de toute hygiène, nudité totale et quasi-permanente) et les motifs intellectuels qui les poussent à agir ainsi. Ce que McQueen filme plutôt simplement, ne nous épargnant aucun détail (mais comment faire autrement ?), mais évitant étonnamment toute complaisance. C'est là qu'est l'exploit de cette oeuvre solide et complète.
Finalement, la longue grève de la faim entamée par le "héros" du film (Michael Fassbender, saisissant mais jamais dans la performance) est loin d'occuper la majeure partie du temps. Mais le titre ne trompe pas : Hunger est bien un film sur la faim, non celle qui étreint le ventre et dégrade le corps, mais celle qui donne envie d'en découdre, encore et encore, de mener des combats de titan, sans doute perdus d'avance, mais beaux pour eux-mêmes. Brillant mais évidemment un peu froid, c'est pourtant un film appétissant, qui donne envie de suivre ce réalisateur de très très près.
8/10