Un poète c’est quelqu’un qui a un don égal pour l’âme et pour le verbe. Voilà pourquoi il n’existe ni poètes qui n’écrivent pas, ni poètes qui ne sentent pas. Tu sens mais tu n’écris pas – tu n’es pas un poète (où donc est le verbe ?), tu écris mais tu ne sens pas – tu n’es pas un poète (où donc est l’âme ?). Où est l’essence ? Où est la forme ? C’est une identité. Une forme inséparable de l’essence, voilà ce qu’est un poète. Il est évident que je préfère celui qui sent, mais n’écrit pas, à celui qui écrit, mais ne sent rien.
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Le vers n’est juste que lorsqu’on peut le vérifier par une formule mathématique (ou musicale, ce qui est la même chose). Ce n’est pas moi qui ferai la vérification.
Voilà pourquoi, lorsqu’il s’agit de vers sur la mer, je vais voir le marin et non l’amateur de poésie. Que me donnera le premier ? Un squelette pour l’âme. Que me donnera le second ? Dans le meilleur des cas – un écho affaibli de cette âme, donc de moi encore. Et pour tout ce qui n’est pas l’âme j’ai besoin de quelqu’un d’autre
Marina Tsvetaïeva, Le Poète et la critique, traduction du russe Véronique Lossky, Le Temps qu’il fait, 1989, pp. 31 et 38.