Il est parfois difficile de s'extraire de l'utilitarisme dans lequel nous sommes collés par les médias, l'école, la pensée unique. Il y a un lien entre l'anti utilitarisme et la décroissance, mais aussi des point de divergence. C'est ce qu'explore ce numéro d'Entropia, et avec brio.
Accroche :
Tandis que s’étrécit le champ des possibles en partage, le trop excède en tout : trop d’injustices, trop d’insignifiances, trop de violences, de crises écologiques et de désastres sociaux… Cette situation ne serait-elle pas en relation paradoxale avec l’importance démesurée accordée à l’utilité ? L’utilitarisme est une doctrine – née en 1827 – selon laquelle l’utile est le principe de toutes les valeurs, dans le domaine de la connaissance comme dans celui de l’action. Cette peste moderne a conduit l’espèce humaine au bord du gouffre. Confondant le nécessaire et l’utile, elle ampute l’être humain des registres de la gratuité, de l’inutilité et de la sensibilité de la pensée qui sont pourtant les signes universels de sa singularité plurivoque. Elle mutile tous les rapports sociaux en les soumettant aux diktats de la marchandise. On peut avancer que, par nombre de ses aspects, l’idée de décroissance est née d’un sursaut de rébellion contre cet égarement. Depuis sa création, en 1981, le MAUSS – Mouvement Anti-utilitariste dans les Sciences Sociales – a exploré le terrain d’un anti-économisme effectif. Sans renier cette filiation parmi d’autres, l’objection de croissance a choisi de radicaliser l’analyse et de bouleverser l’offre théorique et politique face à une crise anthropologique sans précédent. La discussion de famille engagée entre ces deux mouvements d’idées se devait de devenir publique. Serait-ce, là, une autre façon d’oser ranimer le vieux débat entre réforme et révolution ?