“… et j’ai plus de 75 ans. Je suis né à Lahore, une très belle ville, qui a été la cible d’attentats il y a 4 jours, dans la partie du Punjab attribuée au Pakistan au moment de l’indépendance en 1947. J’étais un jeune homme à cette époque et j’ai immigré avec ma famille à Amritsar, la capitale du Punjab indien.
Pour nous les Sikhs il est important de venir en pèlerinage à Hemkund au moins une fois dans sa vie car c’est ici au bord de ce lac sacré, entouré de montagnes que Guru Govind Singh, dixième et dernier grand prophète du Sikhisme aurait, selon un passage du Granth Sahib (le livre saint), médité pendant plusieurs années. Je ne peux plus compter le nombre de fois où je suis venu mais aujourd’hui, pour moi, la marche prend une signification très particulière. En mai dernier j’ai eu une attaque et je suis resté dans le coma pendant plusieurs semaines. Tout le monde pensait que c’était la fin et regardez comme je suis désormais en pleine forme. Je viens donc remercier Dieu de m’avoir accordé un sursis. Je suis heureux d’être encore capable de grimper les 19 kms mais je pense que c’est la dernière fois que mes jambes peuvent me porter jusqu’en haut, du moins dans cette vie là.
L’effort est important, la souffrance fait partie du pèlerinage car elle montre à Dieu ce que nous sommes prêts à faire pour lui. Je ne crois pas que la marche ait du sens si on monte à dos du mule ou, pire, à dos d’homme. Ma femme est restée chez nous car elle n’a plus la force mais mon dernier fils m’accompagne. Je vais à mon rythme et je le ralentis alors je me console en remarquant que je n’ai pas croisé beaucoup de gens de mon âge.”