De tout temps, certaines déviances ont été constatées chez les individus et d’assez nombreuses affaires de « bestialité » ont défrayé la chronique judiciaire. Nous appelons maintenant cela la zoophilie. Autrefois, les peines encourues étaient le bûcher, tant pour l’homme que pour l’animal, ce dernier « bien que dénué de raison et n’étant pas coupable, parce qu’il avait été l’instrument du crime ». Par « humanité », il arrivait parfois que le bourreau étrangle discrètement le condamné avant d’allumer le feu.
Généralement, les sacs de pièces de ces procès « infâmes » brûlaient aussi dans les flammes et peu de documents authentiques nous sont parvenus. Heureusement, Simon Gueulette, procureur du roi au Châtelet de Paris, collectionna durant le XVIIe siècle les pièces imprimées des affaires judiciaires et prit une quantité de notes conservées aujourd’hui aux Archives nationales.
Nous pouvons lire ainsi qu'un jour il découvrit avec étonnement chez madame la marquise de Jarzé, qui venait de mourir rue des Trois-Pavillons au Marais, trois tableaux fort singuliers. Le premier représentait un coq au-dessus duquel était écrit :« Le beau-père de Vigeon. » Un autre figurait une poule avec plusieurs petits poulets qui mangeaient autour d’elle. Au-dessous on lisait : « La veuve de Vigeon et ses enfants. »
Le troisième était le portrait non flatté de Vigeon : « dans le goût de Rembrandt, c’est-à-dire très noir, et, soit prévention du nom, il avait l’air patibulaire, aussi m’assura-t-on qu’on l’avait peint la veille de son exécution. Son visage était hâve, noir, sec, les yeux ternes, enfoncés, et des cheveux noirs hérissés, enfin sa physionomie des plus funestes ».
Au-dessus, était écrit :
« Je suis ce Vigeon que la foule
De pages, laquais et badauds
Vont voir mourir sur l’échafaud
Pour avoir caressé sa poule. »
Étranges tableaux que ceux-ci ! Le procès de Vigeon avait été instruit dans la première moitié du XVIIe siècle et la foule, moqueuse, s’était emparée de l’étrange fait-divers. On chanta aux coins des rues des refrains salaces et fort vulgaires qui amusèrent beaucoup le public parisien. Vigeon, ancien maître d’école et valet de chambre du duc de Grammont, convaincu de « bougrerie », fut condamné et brûlé.
« Lorsque Vigeon vit l’assemblée
Qui l’assistait dans son malheur,
D’une voix haute et non troublée,
Il lui dit : vous me faites honneur…
Vraiment ! voilà bien de la foule
Pour un simple fouteur de poule ! »
En 1609, c’est Françoise Henriette Le Large, la propre femme de Pierre Dupin, qui accusa son mari de « bestialité et sodomie détestable » avec une de ses vaches. Et elle entendit bien prouver ce crime grâce à plusieurs témoins du village de La Chapelle où se déroula ce drame. Ces personnes furent confrontées, mais le principal accusé nia tout en bloc. On croyait en rester là quand François-Joseph Dupin, le frère de l’accusé, réclama la « visite » de Pierre par un médecin et un chirurgien. Le prétexte de cet acte était peu flatteur, car ce frère si secourable réclamait la nullité du mariage de Pierre Dupin car il était « impuissant et inhabile à aucune copulation charnelle ». Ce dernier était pourtant le père présumé d’une jeune Françoise Henriette…Sur ordre de la justice, Pierre fut visité par deux hommes de science. Ils reconnurent qu’il était en état de « pouvoir connaître charnellement » mais non d’engendrer. On aimerait en savoir plus sur la nature de l’examen pratiqué !
Mais la « fille présumée » obtint une seconde visite par deux autres médecins. Ils examinèrent « meurement et à loisir » l’accusé durant deux longues heures et rendirent un avis en sa faveur, reconnaissant qu’il était capable de copulation charnelle « même qu’il était fort en état de pouvoir engendrer ». Le bailli de La Chapelle prononça une sentence de mort contre Pierre Dupin « convaincu d’avoir habité charnellement et contre nature avec une vache rousse mentionnée au procès ». La potence fut dressée sur la place du village et Dupin fut pendu. Quant à la vache, elle fut étranglée et brûlée avec le corps de son maître. Leurs cendres furent dispersées au vent.Le Parlement de Paris désigna la fille du condamné comme seule et unique héritière et débouta la femme et le frère de Pierre Dupin, mettant ainsi un terme à une sombre histoire familiale.
L'archiviste brûlera dans les flammes de l'Enfer!