Début 2009, le Syndicat des Eaux d’Ile de France (SEDIF) va lancer un appel d’offre international pour le renouvellement de son contrat de délégation de service public de l’eau qui arrive à échéance le 31 décembre 2010. La bataille fait rage entre les deux géants français du secteur, GDF-Suez le prétendant, et, Véolia le sortant, pour remporter ou conserver un contrat mirifique de 350 millions d’euros par an.
C’est le plus gros contrat de délégation d’eau en Europe. Il concerne 144 communes de la région parisienne et 4,2 millions de consommateurs. La nouveauté c’est que le règne de Véolia (ex Générale des Eaux) qui a la mainmise sur les eaux d’Ile de France depuis 1962 semble menacé par le groupe GDF-Suez (Lyonnaise des Eaux).
Ce dernier n’a pas hésité, à la surprise générale à bousculer l’équilibre général du marché en proposant une formule technique d’allotissement soit en clair, de diviser le contrat en plusieurs parties. Avant d’en arriver là, les membres du Sedif, 142 délégués représentant les 144 communes, doivent se prononcer par vote le 11 décembre sur le futur mode de gestion qu’ils souhaitent voir retenu.
Le bureau du syndicat présidé par André Santini, secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique, maire d’Issy-les-Moulineaux, proposera une délégation au privé, sous la formule de régie intéressée. Selon le quotidien économique Les Echos le Sedif a fait étudier quatre scénarios, deux en gestion directe avec régie publique et deux en gestion déléguée au privé. Il en ressort une économie possible de 40 à 45 millions d’euros par an, chiffre non contesté par le Sedif.
En juin l’association de consommateurs UFC-Que Choisir avait adressé aux élus une étude dans laquelle elle évaluait à 91 millions d’euros par an le montant de la surfacturation supportée par les usagers. Forts de ces conclusions les élus de gauche demandent comme à Paris une gestion publique moins coûteuse selon eux pour les usagers.
En pointe dans cette bataille Philippe Kaltenbach, maire (PS) de Clamart souligne également que le choix d’une régie intéressée donne un avantage au sortant.
Créé en 1923, le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France est le premier service public d’eau en France et l’un des tout premiers en Europe. Le contrat du Sedif est le plus gros contrat de Véolia en France. Il contribue à hauteur de 37% du CA de Véolia Water.
La bataille de Philippe Kaltenbach n’est pas isolée. Pour les deux tiers des collectivités locales, les contrats de délégation arrivent à échéance dans les trois ans qui viennent. C’est la fin d’une époque dite bénie pour les groupes privés du secteur qui se partagent 72% de la distribution de l’eau en France et qui ont longtemps été suspectés d’avoir été un facteur de corruption des élus locaux.
A Lyon, Gérard Claysse, vice-président apparenté communiste de la communauté urbaine de Lyon, a réussi à obtenirune baisse substantielle du prix de l’eau pour 1,4 million d’habitants du Grand Lyon du délégataire (Veolia). Début 2007, les élus lyonnais avaient découvert que leur eau du robinet est l’une des plus chères de France et surtout, que Veolia affichait une marge avant impôts de 21 %. Profitant d’une clause quinquennale de révision de contrat les élus Lyonnais finiront par obtenir une baisse du prix du mètre cube de 16 %.
Autre exemple à Bordeaux où la communauté urbaine, après avoir découvert en 2006 après un audit des «surprofits» réalisés par la Lyonnaise des eaux, a obtenu de la multinationale qu’elle restitue 233 millions d’euros à la collectivité, sous forme d’investissements dans le réseau ou de baisse de prix. Plus récemment, à Toulouse, la nouvelle municipalité PS a promis de lancer un audit indépendant pour renégocier le contrat signé avec Veolia.
Les interrogations des responsables politiques étrangers sont du même acabit que leurs homologues français. En Amérique du Sud notamment, on a assité à une renationalisation sous la pression des populations des services de distribution d’eau souvent concédés à de grandes multinationales.
Au cours de ces dernières années, Suez s’est retiré de l’exploitation des services de l’eau en Argentine, Bolivie et Uruguay, des services qui avaient été privatisés dans les années 90. En Bolivie, le groupe Français a du faire ses valises malgré un contrat de concession de 40 ans conclu en 1999. Même chose en Argentine en 2005. Le gouvernement argentin, qui s’opposait depuis trois ans au renouvellement de la concession d’Aguas Argentinas, la filiale du groupe français qui assure la distribution d’eau et le tout-à-l’égout dans le grand Buenos Aires pour plus de 10 millions de personnes, avait menacer de traîner Suez devant la justice pour « graves manquements à son obligation de service ».