Il y a des défaites qui sont plus faciles à avaler que d’autres. Celle de ce samedi est incontestablement une défaite acceptable. J’irai même plus loin, il s’agit probablement du match le plus complet joué par les Bleus depuis le quart de finale de Coupe du Monde gagné face aux All Blacks. Tout n’a pas été parfait, loin de là mais cette équipe n’a pas à rougir de sa défaite. Plutôt que de faire un bilan au poste par poste comme cela a été fait sur L’Équipe, Rugby365, Rugbyrama, je préfère présenter ici un inventaire de ce qui a ou n’a pas fonctionné.
Lionel Nallet bien présent dans les rucks
Ce qui a fonctionné :
La mêlé : Évidemment. Elle nous avait tellement inquiété lors du dernier Tournoi, qu’on ne peut que se réjouir de la très haute performance de la mêlé bleue grâce à laquelle, les Français ont marqué leur seul essai du match. Un essai de pénalisation, ô combien mérité tant la domination dans ce secteur fut grande, face à une équipe d’Australie dont on pensait qu’elle avait récupéré une bonne tenue dans ce secteur.
La défense : À part les quelques secondes de flottement responsables du premier essai australien, la défense française a été de grande qualité. Une mention particulière à « Fufu » Ouedraogo et Thierry Dusautoir (qui me rappelle un peu Olivier Magne tant il est bon sur les grands matchs et tant il peut être très moyen sur les matchs de secondes importances, c’est probablement un joueur qui a besoin de la pression pour avancer). Les deux flankers auront particulièrement bien fait son boulot.
La touche : Malheureusement, la touche ne fut excellente que durant les 60 premières minutes. Les sorties, coup sur coup, du capitaine Lionel Nallet et du talonneur Dimitri Szarzewski furent fatales à l’alignement français. La tendance s’est ensuite inversée pour devenir à l’avantage des joueurs des Antipodes. Ce qui est assez ironique parce que Benjamin Kayser était réputé meilleur lanceur que le talonneur parisien, comme quoi le rugby est plus une question de collectif que d’individualités.
L’esprit offensif : On l’attendait, il se fit attendre et finalement on l’aura eu. Il faut reconnaitre que dès la première minute les Bleus se sont lancés dans d’ambitieuses offensives, n’hésitant pas, par exemple, à relancer depuis les 22 mètres. Mais contrairement à ce que nous vîmes sur le Tournoi nous n’avons pas eu de séance de « hourra-rugby », mais un jeu de mouvement accompagné de grosses phases de combat, d’une bonne mêlé, et d’une excellente défense. Deux bémols toutefois :
- Aucune de ses phases de mouvement aussi spectaculaires furent-elles n’a abouti a un essai, il reste visiblement a travaillé la finition.
-Les Français ont été un peu plus avars en deuxième mi-temps, serait-ce parce que les remplaçants qui sont entrés étaient un peu moins mobiles ? Ont-ils perdu confiance dans l’efficacité du jeu à la main ?
Par ailleurs, vous aurez remarqué que les transmissions Tillous-Borde – Skréla se sont faites à merveille alors que les deux joueurs ne se connaissaient pas.
Le physique : On en a très peu parlé, mais affronter les impacts australiens, n’a rien d’une partie de plaisir. Or, sur ce match nous n’avons pas eu le sentiment de voir les Australiens, athlètes nés, prendre le dessus dans ce secteur du jeu. Je dirais même plus, il semblerait qu’a de nombreuses reprises la série de rentre-dedans s’est avérée improductive tant la défense française était solide, ce sont mêmes les Australiens qui reculèrent de façon presque systématique sur les charges des avants tricolores (Celles de Dimitri Szarzewski et de Sébastien Chabal notamment.). Notez également que même réduit à 14 contre 15 la France semblait plus fraiche dans les 10 dernières minutes.
Ce qui n’a pas fonctionné :
Les tentatives de tirs aux buts : Evidemment. C’est essentiellement sur ce compartiment du jeu qu’on perd le match. C’est d’autant plus dommage que les Français ont su mettre à la faute une équipe australienne réputée super organisée et qui commet en général très peu de fautes. Je ne sais pas combien de tirs aux buts a manqué David Skréla (6 ou 7 ?) mais nous avons probablement ici les 15 points qui nous auraient permis d’être dans le Top 4 mondial pour tirer une bonne poule. Je ne veux surtout pas accabler «La Skrèle » tant j’aime beaucoup ce joueur et tant il fut bon dans le jeu, et un véritable maitre à jouer, alternant parfaitement jeu dans l’axe et jeu au large, et apportant une touche toulousaine dans le jeu français. Je trouve complètement stupide et vide de sens les sifflets de certains spectateurs qui visiblement vivent le sport par procuration. Mais je pense qu’il s’agissait là d’une minorité.D’ailleurs à ce sujet-là, il serait bon que la FFR fasse de la promotion autour des stades et par des pages de publicité, sur l’esprit rugby. Les sifflets sur le buteur australien ne sont pas non-plus compréhensibles. Si le Stade de France, peut s’abstenir de sifflet le buteur adverse quand c’est le Stade Français qui joue, il devrait pouvoir en faire de même quand c’est le XV de France. C’est quand même l’image de notre pays qui est en jeu. Rien de moins. Pour en revenir aux tirs aux buts, je ne comprends pas pourquoi on n’a pas fait buter un autre buteur après la troisième pénalité manquée, c’est d’autant plus étrange que Baby aurait pu se coller à cet exercice sans trop de difficultés.
David Skréla alternant le très bon et le très mauvais
Le jeu au pied : Encore et toujours. C’est selon moi, le gros point noir du jeu français et ce depuis plusieurs années déjà. C’est étrange, notre mêlé, notre touche, ou notre défense n’est pas à la hauteur et on rectifie tout de suite le tir. Mais le jeu au pied reste faible et on traine cette lacune depuis trop longtemps ! Je pense que cela s’explique par le fait qu’en France, le jeu au pied n’est pas aperçu comme le jeu à la main qui lui est « noble ». En deuxième mi-temps, le jeu au pied fut de meilleur qualité cependant, mon analyse est que nous n’avons pas assez joué au pied en première mi-temps et beaucoup trop en seconde, alors que c’est justement l’alternance entre le jeu au pied et le jeu à la main qui est pertinent. D’ailleurs j’explique le manque d’efficacité du jeu à la main par le manque d’efficacité du jeu au pied. Il est important de comprendre que le jeu à la main passe forcément par un bon déplacement au pied. En revanche, j’ai été agréablement surpris que les Français se soient montrés très adroits sous les ballons hauts face à des Wallabies grands spécialistes de cet exercice et issu de l’école du football australien.
La gestion des temps forts- temps faibles : Peut-être qu’en bons Latins, les Français ont su être très forts dans les temps forts mais en mauvais germains ont été moins performants dans les temps faibles. Je pense surtout au premier essai australien, le deuxième étant plus construit, mais aussi à la charge de Sébastien Chabal lors d’une pénalité alors que la France joue à 14 contre 15 et qu’il aurait été préférable de se rapprocher de la ligne d’en but australienne avec le pied de Traille, sachant que les Français ont été dominateurs dans le petit périmètre. C’est d’autant plus étrange que la France comptait de nombreux joueurs expérimentés (Chabal, Harinordoquy, Traille, Jauzion, etc.) dans son effectif.
Voilà ma femme a été surprise quand je lui ai dit que l’Australie avait gagné parce que je n’ai pas crié devant la télé. Je crois que cela résume bien le tout. Aussi bien que le public du Stade de France formidable (surtout si on le compare avec l’ambiance du match France-Uruguay en football et si on excepte les quelques sifflets sur David Skréla) qui chante la Marseillaise en fin de match, alors que la défaite était pratiquement assurée.
Conclusion : Les Australiens qui ont amplement mérité leur victoire s’en tirent très bien, et ils le savent. Que les Français gardent bien cette défaite dans un petit coin de leur tête parce qu’avec un peu de chance la France se trouvera lors du prochain mondial dont la tête de série pourrait bien s’appeler l’Australie !
Yannick Jauzion transperçant la défense australienne