Des bolcheviks qui ont fait les révolutions de 1917 on retient essentiellement les hommes politiques, notamment Lénine, Staline, Trotsky, Kamenev, Boukharine, Zinoviev et Dzerjinski. Anatoli Lounatcharski, révolutionnaire, philosophe et écrivain né le 23 novembre 1875, est très rarement cité, surement parce qu'il s'occupait moins de politique que de culture. Varlam Chalamov dans son livre Les années vingt en fait le portrait suivant :
"Lounatcharski avait beau de démener en faveur des artistes, des monuments d'art, il avait beau parler de « son théâtre » et de « ses drames », en vérité Don Quichotte libéré, Velours et guenilles, le Charpentier et le Chancelier, toutes ces pièces n'étaient jamais que du théâtre lyrico-philosophique, et il avait beau conduire des missions diplomatiques dans les conférences internationales, ce n'était pas un homme politique. Ce n'était ni un grand théoricien, ni un leader. Mais sa nature émotive, son énorme bagage intellectuel, la diversité de sa formation, son très grand talent de vulgarisateur et d'éducateur, sa vie enfin si riche, tout cela lui attirait la sympathie des jeunes. Les jeunes avaient à son égard une attitude à peine ironique, mêlée de respect et de tendresse. Et lui-même se plaisait à les rencontrer. On tenait compte de ses goûts en littérature, mais ce n'était pas lui, Lounatcharski, qui faisait de la haute politique." (p.76)
Eduqué par un beau-père opposé au régime tsariste, Lounatcharski développe très tôt des idées révolutionnaires et devient membre du parti bolchevique dès 1903. Vivant en exil à l'étranger, il est très proche de Gorki, avec qui il fonde l'école de Capri, mais s'oppose parfois à Lénine sur certaines théories. Ce dernier, admirant son esprit et sa culture, le nomme commissaire du peuple à l'Instruction publique (Narkompros) en 1917. En cette année mouvementée, il joue un rôle important dans la révolution en s'adressant quotidiennement aux foules d'ouvriers, soldats et marins en colère, mais aussi en sauvant de la destruction de nombreux bâtiments publics au titre de leur importance historique et architecturale. Selon diverses sources, il donne même sa démission au Parti en novembre 1917 parce que lui parvient de Moscou la rumeur de la destruction de la cathédrale Saint-Basile, rumeur qui s'avère fausse.
Commissaire au Narkompros jusqu'en 1929, Lounatcharski lutte vigoureusement contre l'analphabétisme, favorise la littérature prolétarienne et l'essor de nouveaux courants artistiques (constructivisme, cubo-futurisme, cinéma) et soutient de nombreux artistes (parmi les plus connus, Maïakovski, Malevitch, Kandinski, Medvedkine, Eisenstein).
Son rôle pendant le début du vingtième siècle et ses idées sont assez longuement décrits dans Lénine, l'art et la Révolution.
Images : 1- Lounatcharski et Gorki (source Ria Novosti)
2 - Lounatcharski et Lénine lors de l'inauguration du monument "Emancipation des travailleurs" le 1er mai 1921 (source Wikipedia)