Or donc, celui qui se prenait pour la diva du Conseil fédéral et qui en a été éjecté il y a un peu moins d’une année envisage son retour. La section zurichoise du parti du bouc a même plébiscité la candidature du conseiller fédéral non-réélu.
En fait, voilà un drôle de façon de faire de la politique. Une façon inconvenante de tenter de revenir sous la coupole par la fenêtre alors que le chef charismatique du parti nationaliste s’est fait mettre dehors par la porte.
Sans parler de la personnalité et de la politique du milliardaire politicien, il y a au moins trois raisons qui rendent le retour du vieux lion populiste pour le moins incongru.
Première raison : jamais, un conseiller fédéral non-réélu n’a réussi, ni même tenté, un retour à l’exécutif fédéral. On se demande bien pourquoi l’entrepreneur zurichois ferait exception et ne prendrait pas acte de son indésirabilitude comme l’ont fait avant lui Ulrich Ochsenbein, Jean-Jacques Challet-Venel et Ruth Metzler.
Certains rétorqueront que, lors des élections fédérales, le peuple aurait implicitement plébiscité Christoph Blocher sous prétexte qu’il figurait sur les affiches électorales du parti avec la mention «Soutenez Blocher - Votez UDC». Voilà un raccourci bien peu démocratique qui a même gêné aux entournures certains candidats UDC pur sucre comme Eric Bonjour qui déclarait au journal Le Temps : «Je n’ai rien contre les affiches de Christoph Blocher, mais cette campagne ne doit pas durer trop longtemps. Il serait sain que la campagne vaudoise s’oriente sur les candidats uniquement, car de nouvelles personnes s’engagent pour le parti et le peuple a le droit de faire leur connaissance». Résultat : la campagne vaudoise s’est tellement bien orientée sur les candidats qu’elle a élu les moins blochériens d’entre eux, au grand dam de Bonjour d’ailleurs.
Prétendre que les électeurs UDC plébiscitaient Blocher était un mensonge tactique à l’époque et devient une escroquerie aujourd’hui. Voici donc une deuxième bonne raison pour que l’Assemblée fédérale renvoie, le cas échéant, le guide du troupeau UDC à ses occupations.
Une troisième bonne raison de bouder le trop pressant candidat est qu’il fait partie de … l’UDC. Un parti qui a quitté de lui-même, et avec fracas, le Conseil fédéral pour rentrer dans l’opposition. Un parti qui a dû, pour mieux se marginaliser, exclure une conseillère fédérale de ses rangs et pousser dehors son second conseiller et sa section bernoise. L’UDC a donc renoncé explicitement à ses deux sièges au Conseil fédéral. L’UDC a choisi la stratégie de la marginalisation, de la victimisation, de l’autoexclusion et de l’opposition. C’est son choix, mais quand le choix est fait, on s’y tient. Au moins pour un certain temps. On ne passe pas juste une année dans l’opposition pour revenir à la première occasion. Même si – et surtout si – la cure d’opposition n’apporte pas les résultats escomptés ce qui n’est finalement pas étonnant puisque l’UDC blochérienne a toujours été dans l’opposition, même quand elle était représentée à l’exécutif fédéral par son maître à penser.
L’UDC est en quelque sorte partie à la chasse. À la chasse aux voix, à la chasse aux membres, à la chasse à la suprématie. Elle a laissé sa place et elle l’a perdue. Elle est dans l’opposition, qu’elle y reste !
Quant au siège laissé vacant par Samuel Schmid, deux partis peuvent donc légitimement le revendiquer : les Verts et le PDB. Si le Vert Recordon est une candidature de combat – il avoue lui-même avoir des chances modestes – il reste de la responsabilité du PDB de proposer une candidature de raison et d’assumer sa propre succession.
Réponse le 10 décembre, jour où l’Assemblée fédérale devra montrer qu’elle n’est pas une girouette et qu’elle ne tombe pas dans le piège qui consiste laisser choisir à l’UDC, selon son humeur du moment ou selon ses intérêts, quand elle gouvernementale et quand elle est dans l’opposition.
- Illustration : huile sur lin de Joachim von Sandrart (1606-1668)