Les photos de Patrick Mimran, au Passage de Retz jusqu’au 4 janvier, vous frappent en plein dans la gueule. Ce sont, au rez-de-chaussée de cet endroit un peu revêche, de grandes photographies picturales aux couleurs saturées, éblouissantes, factices, tape-à-l’oeil. Mimran prend des morceaux de ville (Prélèvements Urbains) et s’efforce d’y décoder, ou d’y projeter du sens, des codes qui lui sont propres, pas nécessairement très subtilement : il y a au moins trois fois le mot ‘chtonien‘ pour décrire l’entrée d’un parking. Ce n’est pas une révélation du réel, mais une transformation-déformation. J’y ai davantage vu de la décoration grand format que beaucoup de sens, Mimran est un peu l’équivalent photo de Jeff Koons.
Magazine Beaux Arts
A l’étage, la série Billboard, plus ancienne, est autrement plus intéressante. Avec un humour décalé, Mimran appose dans les rues, sur des panneaux, des bannières, ou dans les airs à la traîne de petits avions, des slogans questionnant tous azimuts la logique du marché de l’art. Ce sont des photographies de petit format qui témoignent de cet art de rue et, à deux jolies exceptions près (dont TRA SI NUF, bien caché dans un canyon de Manhattan), les affiches ou banderoles y sont bien visibles, frontales, évidentes. Ce ne sont pas des graffiti anarchistes, c’est de la pub, faite par un agent du système qui tente de se dédouaner et de calmer son angst coupable en critiquant le système. C’est, selon un schéma similaire à Chris Jordan, une déconstruction du système avec ses propres moyens. La question qui vient évidemment à l’esprit est celle de la sincérité de l’artiste, de son éthique, et je ne suis pas sûr que la réponse soit positive. Citer Debord ne suffit pas.