Manager plus pour soigner plus!

Publié le 22 octobre 2008 par Nellym67

Manager plus pour soigner plus... ce slogan n'aurait pas trouvé un écho favorable auprès de la population, certains modes de langage ont beaucoup perdu en impact. Roselyne Bachelot préfère dire "gérer mieux pour soigner mieux", et surtout, elle encourage les professionnels de la santé à "placer le malade au centre du système de santé!" Véridique, c'était ce matin sur France Inter. Une militante humaniste engagée comme moi ne peut que se réjouir d'un tel retournement de situation... au sein du gouvernement. La sauvegarde d'un système de santé solidaire fragilisé est un objectif louable, les valeurs sur lesquelles sembleraient se fonder les réformes sont justes... Tout va bien n'est-ce pas! Alors... pourquoi certains grognent-ils déjà en coulisses ou à coups de pétitions? On ne nous aurait quand même pas -encore- menti???

En ce jour de présentation du texte "Hôpitaux, patients, santé et territoire" en conseil des ministres, effectuons quelques constats pour démarrer :
- une population en vieillissement
- des maladies graves et longues dont le nombre est en croissance constante
- un déficit cumulé qui a atteint l'année dernière 650 Millions d'Euros en 2007 pour une dépense de 164 milliards d'euros cette même année.

- des dépenses de santé qui représentent 11% du PIB et qui placent la France dans ce cadre au 3ème rang des pays membres des pays de l'OCDE

Bref, il y a urgence! Oui au redressement!...

Roselyne Bachelot affirme son attachement à ce qui fait la force du système français de la santé : la qualité des soins, un maillage territorial très resserré, une technologie de pointe permettant des soins de plus en plus adaptés. On ne doit pas transformer les hôpitaux en entreprises mais bien préserver leur nature de service public, tout en exigeant de rétablir l'équilibre budgétaire. La gestion ne s'improvise pas, transformons donc les directeurs d'hôpitaux en véritables patrons! ...oups en gestionnaires, pardon. Tout cela pour des soins adaptés, avec des médecins qui pratiquent toutes leurs interventions fréquemment (et donc sûrement), avec surtout la possibilité pour les patients de se rapprocher de leur entourage pour les soins courants post-opératoires, dans les établissements de proximité. Et puis tout à coup, dans le flot des belles paroles, une dissonance résonne dans mes oreilles, Roselyne Bachelot déclare qu'il ne faut pas impacter LE POUVOIR D'ACHAT DES MENAGES! zut. Et moi qui croyais que le projet était fondé sur le bien-être des patients et non sur les bases de toutes les acquisitions nouvelles qu'ils pourront se permettre après les soins, dès qu'ils seront en bonne santé pour acheter!

Puisqu'on parle dans cette réforme de gradation des soins et de tarification à l'activité, je me demande dans quelle catégorie on va classer ma demande de soins relatives à ma très forte allergie vis à vis de l'expression "pouvoir d'achat"... Suis-je une patiente rentable?

Ce projet sera discuté en janvier (au plus tôt) sur les bancs de l'assemblée nationale, mais le débat est déjà ouvert. Des craintes tout d'abord sont exprimées : les soins rapportant aux médecins une part variable très importante sur leur salaire seront-ils privilégiés par ceux dont la déontologie est plus bling-bling pouvoir d'achat optimal? La vocation du médecin (en tout cas dans Grey's Anatomy ;-)) s'inscrit dans une démarche normalement indifférente à cet aspect mais plutôt soucieuse du bien-être de ses patients et en conformité avec une spécialité. Faisons confiance en nos médecins... plus qu'en ce système... pervers... On redoute des suppressions de poste, comme dans les petites villes (l'APVF - association des petites villes de France- revendique d'ailleurs un financement adapté aux hôpitaux des petites villes avec une véritable gestion des ressources humaines hospitalières selon les besoins, et surtout déplore le manque de concertations dans les décisions programmées!) Des grèves ont déjà eu lieu. Les pétitions commencent à circuler (l'Intersyndicale des biologistes dénonce la libéralisation de la corporation des laboratoires).

La confiance est au point mort en cette période de crise, le gouvernement parle, explique, se justifie... Words words words. Il y a quelque chose de pourri au royaume de la santé. Certes. Mais réformer est indispensable. En mettant vraiment le malade, les patients potentiels et les acteurs de la santé au centre de la réforme. Pas assez d'argent pour un vrai projet humaniste? Et quand il faudra financer l'aggravation des maladies causées par un manque de soins dû à une distance trop importante, quand il faudra assister les précaires en manque de soins, quand il faudra investir sur la formation des soignants de proximité chargés de palier certaines spécialités non pratiquées à moins de quelques centaines de kms, quand les petits laboratoires indépendants et affranchis des groupes financiers de plus en plus pressants avec les encouragements du gouvernement fermeront et provoqueront un peu plus de chômage, quels seront les coûts du manque à gagner? Les coûts cachés sont souvent très importants à prendre en compte dans la bonne gestion... mais pas de doute, on y travaille. Gérer mieux pour soigner mieux qu'ils disent.

Cette réforme est indispensable, mais ne l'habillons pas de costumes faussement humanistes pour cacher la misère et la pauvreté de la situation réelle. Il est temps pour tous les acteurs et surtout pour tous les citoyens (malades en puissance) de se pencher sur le dossier et de tenter d'améliorer la réforme, le débat est ouvert, dans une ambiance morose mais en toute conscience de notre avenir!

Je reviendrai ultérieurement sur le sujet, impossible de tout traiter aujourd'hui avec le recul nécessaire. En attendant, quelques documents pour approfondir :

texte de Roselyne Bachelot : projet de loi santé.doc

rapport (2006) sur l'évaluation de la sécurité, de la qualité et de la continuité des soins chirurgicaux dans les petits hôpitaux publics en France : ici

livre blanc de l'association des petites villes de France : ici

Pétition des biologistes : ici