Le MR se soucie de l'environnement. Ce n'est pas pour rien que sur leurs affiches, les candidats posent devant un paysage bucolique qui, soit dit en passant, n'est pas du tout un plagiat de l'affiche de Nicolas Sarkozy, qui n'était elle-même pas un plagiat de celle de François Mitterand. Mais une dépêche récente sur le site du MR nous apprend qu'à présent, Didier Reynders veut véritablement devenir le Pape de l'écologie :
Le MR compensera les émissions de CO2 de sa campagne électorale !Passons sur le montant passablement ridicule de cette b.a. en faveur des ch'tits indiens. Ce que je voudrais mettre en évidence ici, c'est l'hypocrisie d'un système qui ne manque pas de rappeler une pratique récemment remise au goût du jour par le Pape Benoît XVI. Car si les indulgences visaient la rémission de la peine temporelle due en raison de ses péchés, le "civisme environnemental" prôné par le MR consiste à compenser ses émissions de CO2 par un don à une compagnie s'occupant de développement durable... Comme s'il s'agissait d'un jeu à somme nulle, où une activité polluante peut être compensée par le financement de technologies propres. En réalité, la pollution engendrée n'est nullement compensée ; on prévoit seulement de réduire ou d'atténuer l'augmentation de la pollution future.« Nous consacrerons une partie de nos dépense électorales à concurrence de 882 euros pour compenser les émissions de CO2 produites durant notre campagne électorale », indique Didier Reynders.
Un contrat a été passé en ce sens avec la société britannique « The CarbonNeutralCompany ». Cette dépense interviendra dans le financement de panneaux solaires en Inde, dans des zones rurales, en vue de remplacer les lampes à pétrole et de réduite les émissions de CO2 de 34.453 tonnes d’ici 2012.
En plus d'être une farce, ce "civisme environnemental" véhicule un message carrément nuisible à la cause environnementale, car contre-productif : "Vous pouvez polluer, mais à condition de compenser vos émissions de CO2". Une fois qu'on s'est donné bonne conscience, on peut aller refaire un tour en 4x4. On relevera également sans trop s'étonner le caractère... libéral d'un tel système. Plutôt que de taxer l'activité polluante, on permet à chacun de "compenser" (ou non) ses émissions de CO2. Alors qu'une taxe environnementale viserait à diminuer le comportement polluant, le "civisme environnemental" ne produit aucun effet de ce type puisque la soi-disant "compensation" n'est pas contraignante...
C'est amusant, je lisais il y a quelque jours un article du Journal du Mardi sur l'écologie libérale, et qui (bien que tombant parfois dans une certaine facilité) me paraît maintenant nettement moins caricatural qu'alors. Particulièrement ce passage-ci :
"A douze ans, (notre fille) a parfaitement expliqué comment les émissions de CO2 liées à nos vacances d'été aux Seychelles, l'an dernier, et à nos vacances de ski au Canada cet hiver (la neige dans les Alpes est devenue trop incertaine), avaient été intégralement compensées par notre investissement dans des projets de plantations d'eucalyptus génétiquement modifiés, dans le tiers-monde"
(Voir aussi : la même idée, version Groland)
Pour clore cet article, j'aimerais ajouter deux précisions visant à nuancer mon propos :
La première vise le MR : je ferais remarquer que par ailleurs, le programme écologique du MR ne me semble pas fondamentalement différent, dans son principe, de celui des autres partis : on ne remet nullement en cause la croissance, mais on investit dans des technologies "propres". La différence serait plutôt une différence de degré, avec des engagements écologiques généralement moins importants dans le projet des Réformateurs. Les libéraux précisent cependant que "Le MR (...) utilise aussi des voitures à faible taux d’émission dans sa campagne", dans un texte justifiant leur position vis-à-vis du fameux "pacte écologique". Pacte qui aura propagé un grand mythe : celui de la compatibilité entre capitalisme et écologie, autrement dit de la possibilité d'un productivisme propre. Je rejoins complètement F. Schreuer là-dessus.
La seconde concerne les indulgences : Si les deux pratiques sont similaires dans leur esprit, notons toutefois que contrairement aux indulgences libérales, il y a bien longtemps que les indulgences spirituelles ne se monnayent plus en espèces sonnantes et trébuchantes...