L’hyperprésidence n’a pas de limite budgétaire. Le chef de l’Etat qui cantonne peu à peu les membres de son gouvernement à un rôle de VIP de luxe, vient d’infliger un nouveau camouflet à deux d’entre eux en faisant main basse sur la très discrète cagnotte dont ils disposaient traditionnellement pour arrondir les angles avec les parlementaires et les élus locaux. Concernés : la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, et le ministre du Budget Eric Woerth.
Fin octobre, ces deux-là ont eu la désagréable surprise d’apprendre que l’Elysée assurerait désormais le «pilotage direct» de leurs «crédits spéciaux», à savoir une vingtaine de millions d’euros qu’il leur était jusque-là loisible d’affecter à qui bon leur semblait sur présentation de projets d’investissement locaux sérieux. «Pour la petite histoire, c’est sur ces fonds qu’a été retapée la maison natale de François Mitterrand», glisse un spécialiste du budget. Un dispositif très arrangeant qui n’a surtout pas de secret pour l’ancien locataire de Bercy et de la place Beauvau qu’est Nicolas Sarkozy.
L’hyperprésidence n’a pas de limite budgétaire. Le chef de l’Etat qui cantonne peu à peu les membres de son gouvernement à un rôle de VIP de luxe, vient d’infliger un nouveau camouflet à deux d’entre eux en faisant main basse sur la très discrète cagnotte dont ils disposaient traditionnellement pour arrondir les angles avec les parlementaires et les élus locaux. Concernés : la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, et le ministre du Budget Eric Woerth.
Fin octobre, ces deux-là ont eu la désagréable surprise d’apprendre que l’Elysée assurerait désormais le «pilotage direct» de leurs «crédits spéciaux», à savoir une vingtaine de millions d’euros qu’il leur était jusque-là loisible d’affecter à qui bon leur semblait sur présentation de projets d’investissement locaux sérieux. «Pour la petite histoire, c’est sur ces fonds qu’a été retapée la maison natale de François Mitterrand», glisse un spécialiste du budget. Un dispositif très arrangeant qui n’a surtout pas de secret pour l’ancien locataire de Bercy et de la place Beauvau qu’est Nicolas Sarkozy.
Trésor. Or le Président est à cran. L’adoption fin juillet à une petite voix près de la révision de la Ve République a fait office d’avertissement. Nécessaires, les invitations à déjeuner deux fois par mois de petites fournées de parlementaires, et les grand-messes dans le salon d’honneur de l’Elysée, comme avec les sénateurs jeudi dernier, ou les députés le 3 décembre, ne suffisent pas toujours à amadouer les élus. A l’heure où la majorité s’affirme turbulente, plus question de négliger ces poires pour la soif utiles pour «fluidifier le dialogue républicain».
Le tout dans la plus totale opacité. Ces crédits spéciaux sont en effet noyés dans l’immensité des comptes de l’Etat que le simple examen du projet de loi de finances 2009 ne suffit pas pour les repérer. Dans la nuit de mardi à mercredi, lors de l’examen à l’Assemblée nationale de la partie dépenses du texte, Eric Woerth a usé d’une formule consacrée, volontairement absconse, pour décourager d’éventuelles demandes d’explications des députés sur l’amendement gouvernemental présenté : «Le septième point consiste à abonder de 100,28 millions d’euros les crédits de diverses missions, notamment afin de répondre favorablement aux propositions de votre commission des finances»… Dans l’hémicycle, personne pour moufter. C’est que le ministre faisait là discrètement référence à un nerf sensible de l’Assemblée : la réserve parlementaire, sorte de trésor de guerre mis chaque année à la disposition des députés désireux d’aider à financer des projets d’investissement dans leur circonscription - réfection de chapelle, rénovation de bâtiments publics, aides aux refuges animaliers…
Toutefois, l’enveloppe annoncée par Woerth (100 millions) est en réalité légèrement supérieure à la réserve parlementaire stricto sensu. Et le reliquat couvre notamment les fameux crédits spéciaux des ministres. La difficulté, c’est que s’agissant de «mission en relation avec les collectivités locales», les deux enveloppes (réserve parlementaire de l’Assemblée et crédits spéciaux), tout comme la réserve parlementaire du Sénat non encore examinée en séance publique, s’agrègent sur une même ligne budgétaire, la L122-O1, déjà riche des subventions directes de l’Etat aux collectivités locales. Le parlementaire le plus teigneux n’y retrouverait pas ses petits. Pourtant c’est bien cette ligne gérée par le ministère de l’Intérieur sous le contrôle du ministère du Budget que l’Elysée vient de placer sous contrôle.
In vivo. Si les documents officiels ne permettent pas d’en savoir plus, la mainmise élyséenne rend l’administration plus bavarde. Ainsi, les crédits spéciaux dévolus à l’Intérieur flirtaient en 2008 avec les 10 millions d’euros contre quelque 8 millions pour le ministère du Budget. Total : quelque 18 millions librement mobilisables pour aider les élus amis à boucler le financement d’investissement dans leur fief. Une facilité appréciable pour qui veut se ménager des fidélités ou aplanir des différends.
Dans les cercles avertis de l’Assemblée et du Sénat, les commentaires acides vont bon train. «C’est une nouvelle illustration de l’hypercentralisation en cours du pouvoir», s’indigne un sénateur UMP. Un député de droite renchérit : «C’est une démonstration in vivo de l’affaissement des prérogatives ministérielles.» Un autre élu sarkozyste de résumer : «Dire "je recentralise tout", c’est trash. Si les ministres n’ont même plus leur mot à dire sur l’affectation de 10 pauvres millions d’euros, ça en dit long sur la considération dont ils font l’objet…»
Question communication, l’affaire tombe assez mal. L’Elysée qui, depuis un mois, bassine l’opinion avec la soi-disant «transparence» de ses comptes, va devoir en rabattre. Un orfèvre du budget, aux manettes quand la gauche était au pouvoir, apprécie en connaisseur : «Après en avoir fait des tonnes sur la transparence de ses dépenses, l’Elysée reconstitue ses bas de laine. C’était bien la peine de donner des leçons au monde entier !»
NATHALIE RAULIN