Chaque jour de grève, chaque manifestation est l’occasion d’un match de catch statistique.
On sait avant qu’il commence qu’il y aura au minimum un écart de 1 à 2 entre les chiffres de manifestants ou de grévistes «selon la police» et les chiffres «selon les organisateurs».
On s’y est habitué, on en rigole et pourtant, derrière cette bataille de chiffres et de com’, il y a des enjeux politiques majeurs et de petites manipulations pas classes.
L’exemple de la grève d’hier est très parlant.
En trois temps et un mouvement.
Premier temps : tôt le matin, le ministre Darcos matamore sur RTL en expliquant que les syndicats ne représentent qu’eux-mêmes, qu’ils sont réac' et que de toute façon la grève sera minoritaire dans le second degré.
Deuxième temps : les syndicats répercutant les remontées des établissements estiment qu’au moins un enseignant du secondaire sur deux est en grève.
Troisième temps : en pleine manif, le ministère annonce 24,41% de grévistes dans le secondaire. La grève est minoritaire et Darcos se pose en chevalier blanc de l'immense majorité silencieuse. On notera sans sourire la précision du taux au centième près. Ça fait vrai !
D’ailleurs ça l’est... selon le mode de calcul adopté...
Un peu de pédagogie :
Jusqu’alors et selon une logique implacable, le calcul du taux de grévistes était simple :
on prend par établissement le nombre de grévistes, on le divise par le nombre de professeurs attendus et on multiplie par 100.
Prenons un exemple : le collège Schmul dans lequel sont nommés 60 enseignants.
Chaque jeudi, 43 d’entre eux travaillent (ben ouais ces fainéants de profs ne font que 18 heures de cours, alors forcément les plus chanceux d’entre eux ont une journée de non-cours dans la semaine).
Hier, sur ces 43 profs, 3 étaient absents pour des raisons diverses mais légales (maladie, garde d’enfant, mariage, divorce, garde à vue…). 40 profs étaient donc attendus au collège pour travailler. 20 d’entre eux étaient en grève.
On applique le calcul : 20 divisé par 40 multiplié par 100 =… 50%. Ça semble implacable.
C’est compter sans l’imagination zélée du ministère. Il a trouvé comment faire baisser les taux de grévistes sans en changer le nombre.
Ben ouais, il suffit de diviser le nombre de grévistes par un dénominateur plus grand.
On ne divise plus le nombre de grévistes par le nombre de profs censés travailler mais par le nombre de profs tout court.
Les non travailleurs et les absents sont donc comptés comme non grévistes.
Et hop : 20 divisé par 60 multiplié par 100 = 33,33%
C’est mieux que de faire voter les morts !
On prétend que Darcos ne maîtrise pas la règle de trois. Mais c’est comme avec les élèves, il suffit de les motiver avec des exemples qui leur parlent. Dès qu’on lui parle de grévistes, not’ministre est super bon en division et même en soustraction. Quant à l’addition il en est le maitre : il a réussi à mettre tout le monde contre lui !
• Guillaume •