Contrairement à ses habitudes, Mazen Saada, 33 ans, est rentré tôt mardi dernier avec les friandises favorites de ses quatre enfants. Ceux-ci sont habituellement endormis quand il rentre. Saada, qui vit dans le quartier est du camp de réfugiés Moghazy, dans le centre de Gaza, n’a pas passé beaucoup de temps avec ses enfants. En tant que commandant de secteur des brigades Ezzeddin Al-Qassam, branche militaire du Hamas, il a reçu un appel l’informant que des dizaines d’unités spéciales israéliennes avaient pénétré dans Gaza sous une couverture aérienne. Ces unités se dirigeaient vers un site où six combattants sous ses ordres étaient en position à l’est de la ville proche de Deir Al-Balah.
Après une réunion d’évaluation avec les autres commandants de la région, il a été décidé que Saada, avec cinq autres combattants, irait désengager ses soldats. Saada s’est dirigé vers le site encerclé par l’unité israélienne qu’il a attaquée au mortier. Saada et un groupe de résistants ont échangé des tirs pendant plus d’une heure avec les unités spéciales israéliennes. Les éléments des brigades Qassam pris au piège ont réussi à se dégager indemnes. Saada n’a pas eu cette chance. Il a été tué par une bombe lancée depuis un drone de surveillance.
Le lendemain matin, ce ne fut pas la seule nouvelle qui tomba pour les Palestiniens de la partie centrale de Gaza. Cinq autres combattants Qassam avaient été tués par des avions de guerre israéliens lors d’une attaque contre leur position à l’est de la ville de Khan Younes, au sud de Gaza. En riposte à l’incursion israélienne, les Palestiniens ont lancé un grand nombre de missiles en direction des colonies israéliennes entourant Gaza. En réponse, Israël a trouvé le prétexte pour resserrer le siège de Gaza, et pour réinstaurer le blocus des marchandises et des fournitures, spécialement des denrées essentielles et du carburant.
Entre-temps Kana Obeid, directeur adjoint de la régie d’électricité de Gaza, a annoncé que la seule centrale électrique en service à Gaza s’arrêterait de fonctionner faute de carburant si Israël continuait à interdire l’acheminement de carburant vers la bande. Dans une interview à Al-Ahram Weekly Obeid a ajouté : "la quantité de carburant disponible ne suffit pas pour le fonctionnement de la centrale » et il a annoncé que le siège serré imposé par Israël amènera l’arrêt complet des installations de santé, d’éducation et de services.
Le grand importateur de blé de Gaza, Sabri Abu Ghali, a indiqué que le stock de blé est pratiquement épuisé et que la quantité de blé sur le marché ne couvre pas les besoins des Palestiniens. « Un certain nombre de minoteries travaillant à Gaza ont complètement arrêté leurs opérations après l’épuisement de leurs stocks » a confirmé Abu Ghali. Il prévoit aussi que les boulangeries pourraient fermer si l’occupation ne rouvre pas le passage commercial d’Al-Mintar.
En ce qui concerne l’attaque lancée par l’armée israélienne, les Palestiniens de Gaza ont été choqués. Personne ne s’attendait à une incursion israélienne à Gaza, car quatre mois à peine se sont écoulés depuis que la tahdia (cessez-le-feu) a été convenue entre Israël et les factions de la résistance palestinienne. En vertu de cet accord, les deux parties devaient arrêter leurs opérations armées pendant six mois et le siège de Gaza devait être levé. En ce qui le concerne, Israël a prétendu que sa soudaine opération visait à prévenir les projets du Hamas, lequel prévoyait de capturer des soldats en empruntant des tunnels en construction. Ces tunnels étaient censés aboutir près d’une base militaire ce qui devait permettre aux éléments du Hamas de capturer des soldats et de les introduire en fraude à Gaza en passant par les tunnels. L’armée israélienne prétend en outre que le Hamas est en train de construire des fortifications au sol, prenant exemple sur les leçons de la deuxième guerre du Liban. Ces fortifications terrestres, où les éléments du Hezbollah se sont mis à l’abri dans le sud du Liban, ont permis au Hezbollah de tenir ses positions jusqu’à la fin de la guerre.
Le porte-parole des brigades Qassam, Abu Obaida, a dit que la tahdia n’empêcherait pas le Hamas d’ « accomplir son devoir sacré qui est de défendre son peuple et de se dresser contre la barbarie et l’arrogance de l’armée d’occupation ». Il a en outre souligné que les brigades Qassam « riposteront aux opérations israéliennes et qu’elles annonceront leur position sur la tahdia ».
Abu Obaida a toutefois laissé entendre que indépendamment des transgressions israéliennes, le Hamas souhaitait maintenir la tahdia. À la fin du cessez-le-feu, a-t-il dit, son mouvement conditionnera le renouvellement de la tahdia à l’ouverture par Israël des passages aux frontières et à la levée complète du siège.
« Nous n’avons pas l’intention de prolonger le cessez-le-feu aussi longtemps que l’armée d’occupation n’en respecte pas tous les aspects : c’est-à-dire, la fin du siège et l’ouverture des passages. Si l’ennemi continue à ne pas tenir compte de ces conditions, il n’y a aucune raison de parler de tahdia » a confirmé Abu Obaida au Weekly.
Abu Obaida a en outre expliqué : « notre respect du cessez-le-feu dépend de l’engagement de l’ennemi ». L’armée d’occupation doit se rendre compte que le Hamas n’a pas accepté de conclure la tahdia par faiblesse ou parce qu’il se rendait, a-t-il dit. Au contraire, le Hamas est tout à fait capable de reprendre la bataille à n’importe quel moment avec plus d’acharnement et d’énergie. Abu Obaida a lancé un avertissement : « il y aura des représailles pour toute nouvelle attaque israélienne contre Gaza ; nous lancerons des bombardements sérieux à l’intérieur des terres israéliennes et l’armée d’occupation paiera un prix élevé et inattendu ».
Le commentateur militaire de Yediot Aharonot, Ron Ben-Yishai, a cité une importante source militaire israélienne qui aurait dit qu’Israël avait décidé d’empêcher le Hamas de préparer toute opération même s’il fallait rompre la tahdia obtenue avec l’aide de l’Égypte. Néanmoins, les médias israéliens confirment que la reprise des opérations militaires israéliennes contre Gaza est controversée au sein de la communauté israélienne de sécurité, en ce qui concerne la tahdia avec les groupes palestiniens et avec le Hamas en particulier. Le ministre israélien de la défense et le chef d’état-major sont en faveur d’un cessez-le-feu alors qu’un certain nombre de responsables de la sécurité s’y opposent. La radio israélienne a confirmé que le chef du Shin Bet, Yuval Diskin, le chef du Mossad, Meir Dagan, et un certain nombre de généraux exigent la fin de la tahdia.
Diskin croit que le Hamas profite de la tahdia pour continuer à introduire en fraude des explosifs et des armes et pour fabriquer des missiles. Il a expliqué que le Hamas s’est récemment procuré des missiles de longue portée capables d’atteindre des agglomérations plus éloignées, telles que Asdoud, Ashkelon, Kirayat Gat et d’autres villes. Le chef du commandement sud de l’armée israélienne, le général Yoav Galant, est d’avis que le cessez-le-feu sera dommageable pour le soldat israélien capturé, Gilad Shalit. La tahdia a atténué la pression militaire sur le Hamas. Lors d’une interview avec le journal Maariv, Galant a dit qu’il est important de remettre la pression sur le Hamas afin d’assurer plus effectivement la libération de Shalit.
Entre-temps, le ministre de la défense israélien, Ehud Barak, cherche à maintenir la tahdia. Selon Ufar Shilla, commentateur militaire à la chaîne 10 de la télévision israélienne, Barak est convaincu que l’actuel gouvernement israélien de transition est incapable de mettre fin au cessez-le-feu. Le principal souci est que le Hamas lancerait des centaines, voire des milliers de missiles sur les colonies entourant Gaza si la tahdia devait se terminer ; que plus d’un million de colons israéliens se trouveraient à portée des missiles.
Barak s’est donc empressé d’envoyer le vice-ministre de la défense, le général Mattan Vilnaito, faire des déclarations confirmant qu’Israël souhaitait maintenir la tahdia. Reste la question de savoir dans quelle mesure Barak est capable d’imposer son point de vue aux militaires. Peu importe, il est certain que même si les opérations militaires israéliennes devaient s’arrêter, les factions palestiniennes seront obligées de mettre fin à la tahdia et d’ouvrir un nouveau chapitre dans les affrontements avec l’occupation puisqu’Israël maintient son siège.
17 novembre 2008 - Al Ahram Weekly - Cet article peut être consulté ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/922...
Traduction : amg