Des moutons dressés à désherber les vignes, tout en détestant le raisin !
Les moutons ne sont pas difficiles en ce qui concerne leur alimentation, et font donc d'excellents agents contre les mauvaises herbes qui envahissent les vignes. Seul hic: ils ne refuseront pas non plus les grappes de raisins qui s'offrent à eux.
C'est pourquoi des scientifiques de l'Université de Californie s'emploient à rendre des moutons plus sélectifs à l'aide d'une thérapie par l'aversion, ainsi que d'autres techniques. "C'est du gagnant-gagnant", explique le chercheur Morgan Doran. Un nouveau marché s'ouvre aux éleveurs de moutons et les vignerons se dotent d'un "nouvel outil".
Comment dresser un mouton? S'ils ne sont pas les créatures les plus intelligentes du monde animal, les moutons sont autrement compétents dans leur domaine de prédilection: ils se nourrissent en permanence, et mangent différents aliments dont ils distinguent le goût, mais aussi les effets sur leur organisme, explique M. Doran.
Avec ses collègues, il a donc basé son projet sur des techniques de thérapie par l'aversion développées par un expert des comportements animaliers de l'Université de l'Utah.
Des moutons n'ayant jamais goûté au raisin ont été lâchés sur des plants de vigne où ils ont pu se nourrir à volonté. On leur a ensuite administré une dose de chlorure de lithium, un produit qui ne provoque aucun symptôme extérieur, mais en revanche une impression de nausée.
Résultat: dans une vigne expérimentale du centre de recherche de l'Université de Californie, à Hopland, la plupart des moutons traités au chlorure de lithium ont débarrassé les plants des mauvaises herbes, sans toucher aux raisins. Les moutons auxquels ont avait administré un placebo ont en revanche dénudé la vigne.
Par ailleurs, les chercheurs ont noté que les moutons semblaient posséder des palais relativement sophistiqués. Ceux qui n'avaient pas été drogués se sont jetés sur le chardonnay, alors que le cépage aglianico n'a fait que peu d'adeptes.
L'utilisation de moutons dans les vignes est déjà répandue. Certains vignerons s'en servent durant les mois d'hiver, lorsque les vignes sont au repos. D'autres ont essayé des espèces de petite taille qui n'atteignent pas les fruits, mais les spécimens sont rares et coûteux.
Don Watson, propriétaire d'une compagnie dans le Colorado qui loue les services de ses moutons, ne pense pas, quant à lui, que la thérapie par l'aversion soit la solution. Il opte plutôt pour le bon vieux berger et ses chiens, voire l'emploi d'agneaux, qui sont en général trop petits pour atteindre les fruits. Et ne préconise leur utilisation qu'en certaines saisons, comme lorsque les raisins ne sont pas pleinement développés et donc imperceptibles au goût des moutons.
Morgan Doran comprend ce scepticisme, mais souligne que les moutons dressés ont l'avantage de pouvoir être lâchés dans les vignes au printemps, lorsque les mauvaises herbes poussent plus abondamment. Avec ses collègues, il souhaite tout de même trouver un produit naturel, autre que le chlorure de lithium, pour dresser les moutons. Des recherches sont également prévues pour déterminer les effets éventuels des moutons sur la qualité des sols et des fruits, et bien sûr leur potentiel fertilisant.