Au XVI ème siècle, époque où l'on voit apparaître les premiers faïenciers connus, Montpellier était déjà une grande ville bouillonnante d'activité, à la fois centre de production et carrefour commerçant important. Tout comme à Ganges au pied des Cévennes, la ville comptait une population assez conséquente de potiers, les orjoliers, dont le nom dérivait de l'orjol, le pot à eau qu'ils fabriquaient. Leurs productions se composaient essentiellement de vaisselle commune, mais aussi de matériaux de construction comme des carreaux de revêtement, des tuiles ou des tuyaux. Certains potiers, dont les Molle, se disaient fontainiers : ils fabriquaient des godets de norias et des bourneaux, des tuyaux vernissés destinés à canaliser les eaux de pluie ou de captage. Comme beaucoup d'artisans, les potiers regroupaient leurs fabriques dans certains quartiers. Aux côtés des tanneurs, ils occupaient les rives du Merdanson (rebaptisé pudiquement Verdanson) entre les anciennes portes de la Blanquerie et de Saint Gilles. Dans ces parages, le pon de las teuillèras (tuiliers) enjambait la rivière et rejoignait l'actuel Faubourg Boutonnet. Leurs échoppes débordaient sur les ruelles encombrées et leurs étals se serraient sur le parvis de Notre Dame justement appelée des Tables. Au fur et à mesure que la ville grandissait ou que leur réussite économique leur permettait de s'agrandir, les potiers déplaçaient leurs ateliers de l'intérieur des remparts vers des sites extra-muros comme le faubourg du Courreau, ou celui du Pila Saint Gély. C'est dans ce dernier que l'atelier des Favier, daté du XVIIème siècle, a été mis au jour lors d'une fouille archéologique occasionnée par les aménagements de la station Corum du nouveau tramway. En 1603, les potiers de terre se structurent et s'organisent en corporation. Une charte, rédigée et signée par les consuls élus parmi les potiers les plus influents, réglemente les usages du métier et défend ses intérêts commerciaux face à la concurrence étrangère. La confrérie accordait aux meilleurs de ses membres le titre de Maître qui autorisait l'ouverture d'un atelier de fabrication. Cette maîtrise se transmettait par héritage, de père en fils aîné ou, en cas de décès, à la veuve. Tout potier ayant pignon sur rue possédait dans les alentours immédiats de la ville une ou plusieurs carrières d'argile d'où il extrayait la matière première nécessaire à son art. Localisés entre Celleneuve et Grabels, les tènements de la Cauquilhe, et des Terrières furent exploitées pendant des siècles, ainsi que les marnes grises de Malbosc qui ont été définitivement abandonnées il y a seulement quelques dizaines d'années. L'argile destinée à la fabrication de poterie de faïence doit être parfaitement préparée : après avoir été lavée, décantée et séchée, l'argile est longuement malaxée. La pâte ou produit est ensuite mise sur le tour ou préparée en vue d'être moulée dans des formes métalliques ou de terre cuite. La faïence est un type de céramique qui requiert une technique particulière où les objets de terre crue subissent une première cuisson dite de dégourdi. Sorti du four, le biscuit est immergé dans une solution d'émail stannifère composée d'eau et de poudre de verre rendue opaque par l'adjonction d'oxyde d'étain. Plus la solution est riche en étain, plus la blancheur de l'émail est parfaite. Sur cet émail encore pulvérulent, le peintre applique à la main levée ou au poncif des oxydes métalliques avec lesquels il compose le décor. Quatre oxydes sont utilisés : le cuivre donne le vert, le manganèse le brun violet, le cobalt le bleu et le jaune est obtenu de l'antimoine. Les objets sont mis une deuxième fois au four où la température incorpore les oxydes dans la masse de l'émail. C'est la technique du Grand Feu. Lorsque les fours étaient chauffés au bois, chaque objet était enfermé dans une gazette, une curieuse boite en terre cuite destinée à protéger l'émail contre les flammes. Des pernettes, petites cales, isolaient chaque objet et empêchait l'émail de les coller.