La critique
Brian Lackey (George Webster/Brady Corbet), 8 ans, se réveille dans la cave de sa maison, le nez en sang. Il ignore ce qu’il s’est passé les heures qui ont précédé. Dix ans plus tard, il est toujours obsédé par cet évènement trouble et est persuadé d’avoir été enlevé par des extra terrestres. Il va ainsi à la rencontre d’une jeune femme apparue dans une émission télévisée sur les phénomènes surnaturels. Cette dernière le met sur la piste qui pourrait l’aider peut être à retrouver la mémoire : il doit revoir Neil Mc Cormick (Chase Ellison/Joseph Gordon-Levitt), un garçon qui faisait partie de son équipe de baseball lorsqu'ils étaient enfants. Il sait qu’ils ont un lien commun et qu’ils ont sûrement partagé cette expérience mystérieuse ensemble. Mais Neil Mc Cormick est un garçon insaisissable, à la beauté peu commune et qui a ses propres lois et valeurs.Avant de se retrouver, les deux garçons vont chacun de leur côté se remémorer des moments clés de leur enfance, tout en essayant de débuter leur vie adulte en parvenant plus ou moins à exorciser leurs traumatismes…
Mysterious Skin est le chef d’œuvre ultime de Gregg Araki, réalisateur underground qui s’est illustré dans de nombreuses productions indépendantes aux allures de trips sous acide. Pour la première fois depuis The living end, Araki opte pour un film dramatique. Et c’est surtout la première fois que tout semble extrêmement construit, pensé, que la photographie est aussi soignée et le casting aussi étincelant. Tel un trou noir, le film nous absorbe complètement pendant ses 1h40 pour nous emmener dans les souvenirs d’enfance de deux garçons traumatisés. Il émane de cette œuvre une sensibilité extrême, une justesse rare et une empathie pour les personnages qui nous amène à être particulièrement bouleversés quand le générique de fin fait son apparition.
Traiter de la pédophilie, de l’homosexualité, de la prostitution, du malaise adolescent avec autant de finesse relève franchement de l’exploit. La voix off contribue à placer le spectateur au cœur de la confidence, et elle n’en fait jamais trop. Tout reste toujours « à fleur de peau », sensible et poétique. En mêlant suspense surnaturel et chronique de la vie de teenagers dans une bourgade américaine, Araki développe un climat à la fois onirique et anxiogène. Autant dire qu’il est très difficile de résister à ce véritable chef d’œuvre des années 2000. D’autant plus que dans le rôle principal , Joseph Gordon-Levitt (beauté de « poster boy », fureur, grâce et désinvolture « à la James Dean ») fait des étincelles. Avec une bande originale qui colle parfaitement aux images et un scénario malin et libre, Mysterious Skin évoque la pédophilie avec une subtilité sidérante. Du refoulement à la nostalgie amoureuse destructrice, le film explore des terrains inattendus et vise toujours juste. Un véritable choc.