Qu'ils ambitionnent de diriger une municipalité, un département, une région ou même la nation, tous nos politiques cherchent à retrouver les accents du fondateur de l'Humanité.
Même l'ancien maire de Neuilly sur Seine lorsqu'il en a besoin est capable de l'évoquer.
Que reste t-il de l'humaniste, militant de la paix et fondateur du Parti Socialiste ?
Et bien à part des citations et des réflexes mémoriels, il existe une fondation Jean Jaurès.
Et que fait-elle cette fondation qui porte le nom du Grand Homme ?
NOTRE AMBITION
Être le lieu de la rénovation de la pensée socialiste en portant à la fois une vision globale et des solutions concrètes.
NOTRE HORIZON
2012, parce que... cette date marquera notre vingtième anniversaire.
NOTRE SPECIFICITE
Le travail collectif. Réunir des femmes et des hommes d’horizons divers – responsables politiques, dirigeants syndicaux, dirigeants d’entreprises, experts et universitaires pluridisciplinaires – qui, trop souvent, ne travaillent pas de concert. Mettre cette production au service de chacun, au service du bien commun.
NOTRE STRATEGIE
... / ... une structure stable et pérenne grâce à Pierre Mauroy, qui a créé la Fondation et préside son Conseil d’administration ;
une bonne distance par rapport au politique ;
une réputation de qualité ; un réseau international dense, construit dans la durée et dans l’action ;
un centre d’archives sur le socialisme aujourd’hui sans équivalent ;
une présence sur le terrain, au service de la démocratie, sur tous les continents.
Le reste, tout le reste, va changer. Tant de choses, en effet, ont évolué depuis la création de la Fondation. La mondialisation s’est accélérée. Le paysage intellectuel s’est enrichi de nouveaux think tanks. Les outils de diffusion des idées se sont diversifiés ... / ...
Qui fait partie de son conseil d'administration ? En ce qui concerne les français (très majoritaires puisqu'il ne sont que 7 à ne pas l'être)
On y trouve des politiques
SEYBAH DAGOMA : Avocate ; adjointe au Maire de Paris, chargée de l’économie sociale et solidaire - GAETAN GORCE Député de la Nièvre ; maire de La-Charité-sur-Loire - BENOIT HAMON : Député européen ; secrétaire national du PS chargé du « Projet européen »; fondateur avec Noël Mamère du think tank « La Forge » - ADELINE HAZAN Maire de Reims ; secrétaire nationale du PS chargée des Droits de l’Homme - AURELIE FILIPPETTI Députée de Moselle ; porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale ; romancière - ANNE HIDALGO Première adjointe au Maire de Paris, chargée de l’urbanisme et de l’architecture ; conseillère régionale Ile-de-France - PIERRE MOSCOVICI : Député du Doubs ; secrétaire national aux relations internationales au PS - HUBERT VEDRINE : Ancien ministre des Affaires étrangères ; président de HVConseil - HENRI WEBER : Député européen ; secrétaire national du PS chargé de la formation - THIERRY PECH : Secrétaire général de « La République des Idées »
Des intellectuels ou des universitaires
DANIEL COHEN : Professeur de sciences économiques, Ecole Normale Supérieure, Paris ; directeur du Centre pour la Recherche Economique et ses Applications (CEPREMAP) ; membre du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier Ministre - FRANÇOIS BOURGUIGNON : Directeur de l’École d’économie de Paris ; premier vice-président de la Banque mondiale à Washington entre 2003 et 2007 - - OLIVIER FERRAND Président du think tank « Terra Nova » et responsable national du PS pour les questions européennes et internationales - DOMINIQUE GOUX : Chef de la mission Animation de la recherche de la DARES (ministère du Travail) ; professeure associée d’économétrie appliquée à l’Ecole Normale Supérieure - BERTRAND HERVIEU : Sociologue ; secrétaire général du Centre International de Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes - PIERRE JACQUET
Directeur de la stratégie et économiste en chef à l’Agence française de développement (AFD) ; professeur d’économie politique internationale et Président du département « Sciences humaines, économie, gestion, finance » à l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC) - YVES LICHTENBERGER : Président de l’Université de Marne-la-Vallée ; professeur de sociologie et chercheur au Latts (Université de Marne-la-Vallée) - MARC LAZAR : Professeur des Universités, directeur du Programme doctoral en histoire de Sciences Po-Paris - JEAN-LOUIS MISSIKA : Professeur de sociologie des médias à Sciences Po-Paris ; adjoint au Maire de Paris, chargé de l’innovation, de la recherche et des universités - BERTRAND MONTHUBERT : Professeur de Géométrie, Université de Toulouse II ; président de Sauvons la recherche - PASCAL PERRINEAU : Professeur de science politique à Sciences Po-Paris ; directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) - MICHEL WIEVIORKA : Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) ; directeur du Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS/EHESS-CNRS) ; président de l’Association internationale de sociologie AIS/ISA - JEAN PISANI-FERRY : Professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine et à l’Ecole poly-technique - LAURENCE TUBIANA : Directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) ; directrice de la Chaire « Développement Durable » de Sciences Po-Paris
Des hauts fonctionnaires
PASCAL LAMY : Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) - PIERRE LEVY : Directeur du Centre d’Analyse et de Prévision, Ministère des Affaires étrangères - DOMINIQUE MEDA : Directrice de Recherches en sociologie au Centre d’Etudes de l’Emploi (CEE) - ANTOINE GARAPON : Secrétaire général de l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice ; ancien juge des enfants ; membre du comité de rédaction de la revue Esprit ; directeur de la collection Bien commun aux Editions Michalon - JEAN-MICHEL SEVERINO : Directeur général de l’Agence française de développement (AFD) - NICOLAS THERY : Conseiller principal, Direction générale « Environnement », Commission européenne -
Le monde des arts et spectacles
BERNARD MURAT : Réalisateur de cinéma et metteur en scène de théâtre - JOEL ROMAN : Editeur ; philosophe ; président de « Sauvons l’Europe » - JEAN-NOEL TRONC : Président de Canal+ Pologne et de Media Overseas - OLIVIER MONGIN : Directeur de la revue Esprit - JEAN-MICHEL ROSENFELD : Président honoraire de la Scène nationale de Créteil -
Et même des entrepreneurs ou dirigeants d'entreprises
CRISTINA CONRAD : Présidente de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France - FREDERIC MICHEL : Ancien directeur et fondateur du think tank international Policy Network ; Partner chez ReputationInc - MATTHIEU PIGASSE : Vice-président Europe de la banque Lazard - FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU : Président-directeur général de BNP-Paribas Personal Finance
Qu'organisent-ils ?
Extrait du programme de séminaires
Séminaire « Socialisme » 2008-2009
Fondation Jean-Jaurès / OURS / Université Paris I Panthéon-Sorbonne
La communication des socialistes, XXe-XXIe siècles : regards d'acteurs et de chercheurs
Les séances se dérouleront les mercredis de 17 h à 19 h au siège de la Fondation Jean Jaurès et de L'OURS : 12 cité Malesherbes, 75009 Paris.
Mercredi 26 novembre 2008 :
« Les films des socialistes : propagande et éducation des années 1930 à nos jours »
Lundi 15 décembre 2008 :
« L’Unité, du journal à la base de données »
Mercredi 21 janvier 2009 :
« La télévision et les socialistes, de Guy Mollet à François Mitterrand »
Mercredi 4 mars 2009 :
« Le tournant de la communication du parti d'Épinay »
Mercredi 8 avril 2009 :
« La communication de Michel Rocard, 1969-1994 »
Mercredi 13 mai 2009 :
« La communication des socialistes, de l’opposition au pouvoir, 1979-1986 »
Mercredi 3 juin 2009 :
« Le tournant des années 1990 : face aux nouvelles règles de la communication »
Mercredi 17 juin 2009 :
« Désirs d’Avenir et la campagne web présidentielle de Ségolène Royal en 2007 »
Organise des groupes de travail
Sous le signe de la pluralité
Nous croyons à l'élaboration collective : nous lançons des groupes de travail, nous ne commandons pas des ouvraves à une personnalité. Nous croyons à la confrontation de regards différents : nous avons l'ambition de faire travailler ensemble, à la Fondation, des hommes et des femmes qui ne travailleraient pas ensemble ailleurs : universitaires, intellectuels, hauts fonctionnaires, syndicalistes, responsables politiques...
Quinze nouveaux groupes de travail ouvrent le débat sur :
* Les crises sanitaires, environnementales, financières et internationales ;
* Les nouvelles frontières ;
* Le changement climatique ;
* Les biens publics globaux ;
* La politique africaine de la France ;
* Le progrès ;
* L'autorité ;
* L'émancipation ;
* La loi ;
* Le clivage gauche-droite ;
* L'identité idéologique de l'UMP ;
* L'analyse critique du capitalisme ;
* Les jeunes ;
* Vivre avec 1000 euros ;
* La décentralisation.
On peut aussi y lire des exemplaires du journal l'Unité publié de 1972 à 1986 et surtout se pencher sur la photothèque dont les archives ne commencent qu'à partir de l'année 1967 et surtout s'arrête à 1991.
Et dire qu'avec tout ça, il faut remonter à 1981 et 1988 pour avoir été le parti du Président de la République ?
Et lorsqu'on voit ou entend les débats au PS notamment depuis le Congrès de RENNES, on se demande bien à quoi peut servir la fondation puisque de plus en plus de groupe de réflexion, de pensée, participatifs, think tanks et autres lieux de débats font émerger des nouveaux concepts, modes de gouvernance tous aussi fumeux les uns que les autres. Une question toutefois, se pose : Les salariés et les gens de la "vraie" vie, sont-ils seulement des objets d'étude ou bien ont-ils été oubliés dans la casting du Conseil d'Administration ?
Quant aux discours de Jean Jaurès, la base de données précise : "Cette base de données permet aux internautes de retrouver l’intégralité des débats des congrès, des conventions nationales et des comités directeurs du Parti socialiste de 1971 à 1997"
Alors, il faut se rendre sur le site de la Fondation Gabriel PERI pour en trouver un : Les deux méthodes, Lille, 26 novembre 1900
Le 26 novembre 1900, cinq ans avant l’unification du congrès du Globe, quelque huit mille socialistes des différents partis alors existants en France, assistent, à l’hippodrome de Lille, à une réunion contradictoire entre Jaurès et Guesde. Les deux dirigeants s’expliquent à propos de leur attitude pendant l’Affaire Dreyfus ; donnent leur point de vue sur la participation à des « gouvernements bourgeois », sur le socialisme municipal.
Mais on retiendra surtout la controverse doctrinale : réforme ou révolution ?
Citoyens,
Le plus grand plaisir que vous puissiez nous faire, ce n’est pas de nous acclamer, c’est de nous écouter. C’est un grand honneur pour le Parti socialiste d’instituer des débats comme celui de ce soir et je crois pouvoir dire qu’il est le seul parti qui ait assez de foi dans la puissance de ses principes pour instituer ainsi entre ses militants un débat politique.
Nous n’avons rien à cacher, nous sommes le parti de la discipline dans l’action, prêts à nous incliner toujours pour la conduite à tenir devant la décision régulière du parti organisé, mais nous sommes en même temps le parti de la liberté, toujours à l’éveil sur les meilleurs moyens d’émanciper le prolétariat. Je suis venu m’expliquer ici sans violence aucune, mais sans aucune réticence.
L’origine du dissentiment.
D’où est né, quand et comment, le dissentiment entre Guesde et moi ? Et quand je dis Guesde et moi, il est bien entendu qu’il ne s’agit pas d’une misérable querelle personnelle. Le débat, le dissentiment entre nous est bien plus noble et en même temps plus grave, puisqu’il s’agit non pas de vieilles et odieuses rivalités dont ont parlé nos ennemis communs, mais d’un dissentiment de tactique et de méthode que nous avons le devoir de soumettre au parti et que le parti jugera souverainement ! (Bravos) Eh bien ! quand donc est né ce dissentiment ?
On a dit, on a répété qu’il avait pris naissance à l’entrée d’un socialiste dans un ministère bourgeois et, en effet, cet événement a aggravé, a accusé les dissentiments de méthode qui existaient déjà et je m’expliquerai bientôt là-dessus, mais il ne l’a point créé. Le dissentiment existait déjà, il s’était déjà manifesté à propos de l’affaire Dreyfus.
Vous vous rappelez, en effet, que pendant que plusieurs de nos compagnons de lutte et moi, nous étions engagés dans cette bataille, résolus à la mener jusqu’au bout, il apparut, dès le mois de juillet 1898, un manifeste du conseil national de nos camarades du Parti ouvrier français et ce manifeste avertissait les travailleurs, avertissait les prolétaires de ne pas s’engager trop avant dans cette bataille et de réserver leurs forces pour la lutte de classes.
Plus tard, quand parut le manifeste retentissant au lendemain de l’entrée de Millerand dans le ministère, le manifeste déclarait qu’il était du devoir des socialistes, non pas seulement de parer à cet événement particulier, mais de corriger, de redresser des déviations qui, d’après le manifeste, remontaient à deux années au moins. C’était encore une condamnation nouvelle de la tactique que plusieurs d’entre nous avions suivie, à propos de l’affaire Dreyfus.
Et plus récemment, dans le discours qu’il prononçait à la mort de Liebknecht, dans la salle Vantier, Guesde, revenant sur cette question redoutable, déclarait une fois de plus que nous avions eu tort d’entrer dans une bataille mal engagée - que nous avions ainsi servi les intérêts du nationalisme - non, que c’était à la bourgeoisie de réparer les erreurs de la société bourgeoise et qu’enfin, par cette lutte, nous avions déserté le terrain de la lutte de classes. J’ai donc le droit de dire, sans que nul puisse me démentir, que ce n’est pas à propos de la question Millerand que le dissentiment des méthodes s’est produit pour la première fois entre nous, mais que c’est à propos de l’affaire Dreyfus et que c’est à partir de ce moment. ... / ...
Je crois que mes paroles ne peuvent blesser personne. J’ai résumé précisément les objections dirigées contre nous par les contradicteurs et j’ai dit tout de suite : puisque, à propos de ce conflit qui a ému toute l’humanité pensante et où nous avons cru devoir prendre parti, non seulement pour défendre la personne humaine outragée, mais dans l’intérêt même du prolétariat ; puisque, à propos de ce conflit, on a dit que nous avions abandonné le terrain du socialisme, le terrain de la lutte de classes, je dis que la première question que nous devons poser est celle-ci : Qu’est-ce donc que la lutte de classes ? Que signifie ce principe si souvent invoqué et si rarement défini ?
La lutte de classes.
À mes yeux, citoyens, l’idée de la lutte de classes, le principe de la lutte de classes, est formé de trois éléments, de trois idées. D’abord, et à la racine même, il y a une constatation de fait, c’est que le système capitaliste, le système de la propriété privée des moyens de production, divise les hommes en deux catégories, divise les intérêts en deux vastes groupes, nécessairement et violemment opposés. Il y a, d’un côté, ceux qui détiennent les moyens de production et qui peuvent ainsi faire la loi aux autres, mais il y a de l’autre côté ceux qui, n’ayant, ne possédant que leur force-travail et ne pouvant l’utiliser que par les moyens de production détenus précisément par la classe capitaliste, sont à la discrétion de cette classe capitaliste.
Entre les deux classes, entre les deux groupes d’intérêts, c’est une lutte incessante du salarié, qui veut élever son salaire et du capitaliste qui veut le réduire ; du salarié qui veut affirmer sa liberté et du capitaliste qui veut le tenir dans la dépendance.
Voilà donc le premier élément de la lutte de classes. La condition de fait qui le fonde, qui le détermine, c’est le système de la propriété capitaliste, de la propriété privée. Et remarquez-le bien : comme ici il s’agit des moyens de travailler et, par conséquent, des moyens de vivre, il s’agit de ce qu’il y a pour les hommes d’essentiel, de fondamental, il s’agit de la vie privée, de la vie de tous les jours. Et, par conséquent, un conflit qui a, pour principe, la division d’une société en possédants et non-possédants n’est pas superficiel ; il va jusqu’aux racines mêmes de la vie.
Mais, citoyens, il ne suffit pas pour qu’il y ait lutte de classes qu’il y ait cet antagonisme entre les intérêts. Si les prolétaires, si les travailleurs ne concevaient pas la possibilité d’une société différente, si tout en constatant la dépendance où ils sont tenus, la précarité dont ils souffrent, ils n’entrevoyaient pas la possibilité d’une société nouvelle et plus juste ; s’ils croyaient, s’ils pouvaient croire à l’éternelle nécessité du système capitaliste, peu à peu cette nécessité s’imposant à eux, ils renonceraient à redresser un système d’injustices. Cette tâche ne leur apparaîtrait pas comme possible. ... / ...
Donc, pour qu’il y ait vraiment lutte de classes, pour que tout le prolétariat organisé entre en bataille contre le capitalisme, il ne suffit pas qu’il y ait antagonisme des intérêts entre les capitalistes et les salariés, il faut que les salariés espèrent, en vertu des lois mêmes de l’évolution historique, l’avènement d’un ordre nouveau dans lequel la propriété cessant d’être monopoleuse, cessant d’être particulière et privée, deviendra sociale, afin que tous les producteurs associés participent à la fois à la direction du travail et au fruit du travail.
Il faut donc que les intérêts en présence prennent conscience d’eux-mêmes comme étant, si je puis dire, déjà deux sociétés opposées, en lutte, l’une, la société d’aujourd’hui, inscrite dans le titre de la propriété bourgeoise, l’autre, la société de demain, inscrite dans le cerveau des prolétaires.
C’est cette lutte des deux sociétés dans la société d’aujourd’hui qui est un élément nécessaire à la lutte de classes.
Et enfin, il faut une troisième condition pour qu’il y ait lutte de classes. Si le prolétariat pouvait attendre sa libération, s’il pouvait attendre la transformation de l’ordre capitaliste en ordre collectiviste ou communiste d’une autorité neutre, arbitrale, supérieure aux intérêts en conflit, il ne prendrait pas lui-même en main la défense de la cause.
C’est ce que prétendent, vous le savez, les socialistes chrétiens dont quelques-uns reconnaissent la dualité, l’antagonisme des intérêts, mais qui disent au peuple : « Ne vous soulevez pas, ne vous organisez pas, il y a une puissance bienfaisante et céleste, la puissance de l’Église, qui fera descendre parmi vous, sans que vous vous souleviez, la justice fraternelle. »
Eh bien ! si les travailleurs croyaient cela, ils s’abandonneraient à la conduite de cette puissance d’En-Haut et il n’y aurait pas de lutte de classes. Il n’y aurait pas de classe encore si les travailleurs pouvaient attendre leur libération de la classe capitaliste elle-même, de la classe privilégiée elle-même, cédant à une inspiration de justice.
Vous savez, citoyennes et citoyens, que tant qu’a duré la période de ce que Marx et Engels ont appelé le « socialisme utopique », les socialistes croyaient que la libération du prolétariat se ferait par en haut ... / ...
La lutte de classes a commencé le jour où, à l’expérience des journées de Juin, le prolétariat a appris que c’était seulement dans sa force à lui, dans son organisation, qu’il portait l’espérance du salut.
C’est ainsi que le principe de la lutte de classes, qui suppose d’abord la division de la société en deux grandes catégories contraires, les possédants et les non-possédants ; qui suppose ensuite que les prolétaires ont pris conscience de la société de demain et de l’expérience collectiviste, c’est ainsi que la lutte de classes s’est complétée par la conviction acquise par le prolétariat qu’il devait s’émanciper lui-même et pouvait seul s’émanciper.
La question de tactique.
Voilà, citoyens, comment m’apparaît, comment je définis la lutte de classes et j’imagine qu’en ce point il ne pourra pas y avoir de contradiction grave entre nous. Mais je dis que, quand vous l’avez ainsi analysée, quand vous l’avez ainsi définie, il vous est impossible d’en faire usage pour déterminer d’avance, dans le détail, la tactique de chaque jour, la méthode de chaque jour.
Oui, le principe de la lutte de classes vous oblige à faire sentir aux prolétaires leur dépendance dans la société d’aujourd’hui. Oui, il vous oblige à leur expliquer l’ordre nouveau de la propriété collectiviste. Oui, il vous oblige à vous organiser en syndicats ouvriers, en groupes politiques, en coopératives ouvrières, à multiplier les organismes de classe.
Mais il ne vous est pas possible, par la seule idée de la lutte de classes, de décider si le prolétariat doit prendre part à la lutte électorale et dans quelles conditions il doit y prendre part ; s’il peut ou s’il doit et dans quelles conditions il peut ou il doit s’intéresser aux luttes des différentes fractions bourgeoises. Il ne vous est pas possible de dire, en vertu du seul principe de la lutte de classes, s’il vous est permis de contracter ou si vous êtes tenus de répudier toutes les alliances électorales.
Ce principe si général vous indique une direction générale ; mais il ne vous est pas plus possible d’en déduire la tactique de chaque jour, la solution des problèmes de chaque jour, qu’il ne vous suffirait de connaître la direction générale des vents pour déterminer d’avance le mouvement de chaque arbre, le frisson de chaque feuille dans la forêt. De même, vous aurez beau connaître tout le plan de campagne d’un général, il vous sera impossible, par connaissance générale de ce plan de campagne, de déterminer d’avance tous les mouvements particuliers d’offensive ou de défensive, d’escalade ou de retraite que devra accomplir chacune des unités tactiques qui composent l’armée ... / ...
Oui, le Parti socialiste est un parti d’opposition continue, profonde, à tout le système capitaliste, c’est-à-dire que tous nos actes, toutes nos pensées, toute notre propagande, tous nos votes doivent être dirigés vers la suppression la plus rapide possible de l’iniquité capitaliste. Mais, de ce que le Parti socialiste est donc essentiellement, un parti d’opposition à tout le système social, il ne résulte pas que nous n’ayons à faire aucune différence entre les différents partis bourgeois et entre les différents gouvernements bourgeois qui se succèdent.
Ah oui ! la société d’aujourd’hui est divisée entre capitalistes et prolétaires ; mais, en même temps, elle est menacée par le retour offensif de toutes les forces du passé, par le retour offensif de la barbarie féodale, de la toute-puissance de l’Église, et c’est le devoir des socialistes, quand la liberté républicaine est en jeu, quand la liberté de conscience est menacée, quand les vieux préjugés qui ressuscitent les haines de races et les atroces querelles religieuses des siècles passés paraissent renaître, c’est le devoir du prolétariat socialiste de marcher avec celle des fractions bourgeoises qui ne veut pas revenir en arrière.
Je suis étonné, vraiment, d’avoir à rappeler ces vérités élémentaires qui devraient être le patrimoine et la règle, de tous les socialistes. C’est Marx lui-même qui a écrit cette parole admirable de netteté : « Nous socialistes révolutionnaires, nous sommes avec le prolétariat contre la bourgeoisie et avec la bourgeoisie contre les hobereaux et les prêtres. » ... / ...
Nous pouvons donc, nous élevant au-dessus de ces polémiques personnelles et de ces luttes fratricides, nous pouvons regarder la question de principe en elle-même et pour elle-même .../ ...
Ah ! citoyens, depuis trente ans, le Parti socialiste a fait du chemin dans le monde. Il s’est mêlé à beaucoup d’événements, à beaucoup d’institutions en dehors desquelles il se tenait d’abord. Nous discutons aujourd’hui pour savoir si le Parti socialiste doit participer à l’action parlementaire ... / ...
Citoyens et amis,j’ai abusé de votre bienveillante attention et je ne me consolerais pas de brusquer ainsi ma démonstration, de la laisser incomplète, pour céder à Guesde mon tour de parole, si je ne me disais qu’après tout, quels que soient les dissentiments, quelles que soient les difficultés, quelles que soient les polémiques d’un jour entre socialistes, on se retrouve. Nous reviendrons, non plus pour batailler, non plus pour polémiquer, mais quand le parti sera organisé, pour chercher ensemble, en loyaux camarades, quel est le meilleur moyen de servir les intérêts du parti. Ah ! on dit au Parti : « Restez isolé, restez à l’écart, ne vous mêlez pas à l’action gouvernementale ; tenez-vous aussi loin que possible de l’État bourgeois. »
Et moi je vous dis que toutes les grandes révolutions ont été faites dans le monde parce que la société nouvelle, avant de s’épanouir, avait pénétré par toutes les fissures, par toutes ses plus petites racines, dans le sol de la société ancienne ... / ...
C’est pour cela qu’il ne suffit pas d’un mécanisme pour faire aller la mairie socialiste, qu’il y faut des hommes de tête, des hommes de prudence, de pensée et de réflexion, d’équilibre et de volonté,
Oui, à mesure que grandit le pouvoir du Parti socialiste, grandit sa responsabilité.
Mais de cette responsabilité, nous n’avons pas peur, le Parti socialiste n’en a pas peur ; il a confiance dans la classe ouvrière, à une condition, c’est qu’elle soit organisée, c’est qu’elle soit unifiée ; c’est qu’en face de tous les autres partis anarchiques et discordants, elle ne forme qu’un parti, comme elle ne forme qu’une classe.
Eh oui ! il y aura entre nous, longtemps peut-être, des dissentiments de méthode et de tactique. Mais il y en a en Belgique, en Allemagne ; cela ne les empêche pas d’être unis, de discuter loyalement, en camarades.
Et c’est ainsi que nous voulons discuter encore ; et nous voulons préparer au grand jour la grande unité socialiste, la grande fraternité socialiste, par la lumière, par la raison, par l’organisation ; et cela pour faire d’abord œuvre de réforme, et dans la réforme, œuvre commençante de révolution ; car je ne suis pas un modéré, je suis avec vous un révolutionnaire. - Intégralité du discours
C'est beau ... Comme du Jaurès. Et c'est ce qu'on aimerait entendre à nouveau. Il a légué à ses successeurs une citation terrible : "Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots"
Quand les socialistes se décideront-ils de l'inscrire en lettre d'or au fronton de la rue de Solférino ou d'un tout autre endroit ?
Libellés : jaurès, politique, socialistes