Les survireuses sont éternelles
Guy Pellaert est mort lundi comme je l'apprends sur ActuaBD.
Pravda la survireuse
(Losfeld, 1968, une hisoire coécrite par Pascal Thomas) fait partie de
la poignée de BD pour laquelle je n'ai aucune objectivité. L'ayant lue
et relue sous toutes les coutures durant mon enfance, avant même de
maîtriser l'alphabet, ses planches sont à mes yeux chargées d'un
mystère frôlant le divin. Certes l'aspect sexuel n'est pas étranger à
cette fascination. Je sentais bien qu'il se passait en moi des
réactions inédites à la vue de ces chairs tantôt criardes ou blafardes,
de ces poses lascives... Assurément c'était une lecture qu'il était
convenable de faire isolé, dans le recueillement d'un bureau
silencieux, dans un coin de bibliothèque quand la lumière oblique du
soleil transforme la poussière en paillettes d'or suspendues. Mais
le frisson pré-érotique ne peut seul élucider la portée de ces images,
de ces péripéties étranges, de ces activités incongrues, de ces
rapports de force dévoyés...
Une chose est sûre. Pour moi il n'y a aucun humour dans Pravda.
Ce n'est pas un bouquin rigolo, qu'on s'achète parce "c'est fun".
Pravda c'est sérieux, il faut s'y immerger ou ne pas y toucher. Vade
retro amateurs de kitsch et de gaudriole ! Passez votre chemin,
vampires de sofa !
Le Seuil doit rééditer Pravda le 15 décembre 2008. Un temps bradée à 10 francs chez Boulinier, l'édition originale était devenue assez onéreuse (difficile de s'en sortir pour moins de 50 euros, et encore pas chez nous), c'est donc une bonne nouvelle : ceux qui ne connaissent pas pourront se faire un avis. Espérons que la qualité de l'objet soit à la hauteur de l'événement. Éditeurs, le monde vous regarde.
Pellaert c'est aussi celui qui signa les pochettes de plusieurs disques qui sont des jalons de mon histoire personnelle. Mais trêve d'épanchement, je vous laisse, qu'on ne me dérange pas.