Bonjour Tristesse, comment ça va depuis la dernière fois ? Bon, les gens, c’est pas que je vais vous snober, ni rien (la preuve, je suis encore en train de pondre du billet en douce au boulot, au détriment de ma légendaire productivité), mais bon, aujourd’hui, j’ai juste pas le temps. Alors je vous rédige le billet du jour de manière saccadée. En gros, si je résume, je le commence ce matin à 10h et je le publie dans l’après-midi, le complétant entretemps trois lignes par trois lignes, entre deux réunions, briefs et surtout photocopies. La cohérence du tout s’en ressentira. Ouais. Mais c’est pas ma faute à moi. On fait comme on peut, commence pas à me soûler, hein.
Donc, le billet du jour, bah je suis obligé de le faire aujourd’hui parce qu’il sera déjà has been demain. En fait, il est déjà à la limite du be et n’est plus vraiment du will be, puisque France 2 balance maintenant ses programmes en streaming en avant première. Finalement, si tu regardes France 2 ce soir, tu es un demi has been. Pas de bol. Mais rassure-toi, c’est mon cas aussi.
Car oui, ce soir, enfin, trois ans après (bravo la prod’, au passage), elle revient dans notre boîte à troubadours : cette gourdasse de Clara Sheller. Clara Sheller, si tu te souviens, c’est un petit événement des praïmes taïmes du printemps 2005. Mais siiii, souviens-toi, tu kiffais la vaïbe avec ton mec sur la philosophie d’Amel Bent en levant le poing et en clamant ton statut de fille d’un quartier populaire. Mais bon, si tu étais bordelaise, personne ne te croyait. Et Clara Sheller est arrivée par-dessus cela. Aussi contradictoire que toi, elle en a mis plein la vue au téléspectateur lambda avec son coloc’ homo (wow, trop subversif), ses roulages de pelles entre mecs, ses histoires de cul avec son boss, son coloc’ et son voisin, ses gags de situation, son avortement, son immaturité, sa liberté… Bon, c’était pas un prix Nobel, quoi, mais elle était très attachante, aidée en cela par les traits malicieux de Mélanie Doutey (remplacée par Zoé Félix, qui remplit bien son office) et par sa vie de dinde assumée.
Mais c’est là que la psychologie à deux balles entre en jeu. En fait, Clara Sheller, conceptuellement, on devrait la détester. Mais vraiment. Trop mignonne, trop indécise, mytho sur les bords, elle vit dans un appart’ de rêve en plein Paris (décoré avec goût ET avec fric visiblement) (salope), dit prout à la banlieue, a un job glandouille à la Carrie Bradshaw dans un magazine (auquel elle semble consacrer dix minutes par jour montre en main), vit dans un immeuble où ça baise… Si tu es blogueuse, tu fantasmes sur sa vie, en fait. Si tu es juste un peu gourde, aussi. Et tu la détestes. Surtout si tu vis en province et que tu as des ambitions de pintade arriviste prenant Paris d’assaut.
Car Clara Sheller, dans le fond, est-ce que ce n’est pas le modèle type de ce que nous espérons devenir, à trente ans, en tant que parisiens bobos aisés ? Mais quelle imposture, mon enfant ! La vie parisienne ressemble peut-être à ça quand on est journaleuse branchouille avec des parents ultra cools, un bol de malade en matière d’immobilier et un job de quasi-blogueuse… Mais elle ne ressemble pas à ça (pas encore ?), la laïfe, pour les greluches débarquées de Bordeaux que nous sommes… Bref, Clara Sheller, ce soir sur France 2, ça va un peu être la contemplation de la vie facile de cruche romantique que nous pensions avoir, et que nous n’aurons pas. Tout ça à cause de cette connasse de Carrie Bradshaw qui nous a fait miroiter au lycée que la vie adulte serait glamour et rythmée uniquement par notre sentimentalisme niais.
Toutefois, et parce que mon moi nihiliste aime les petits trips masochistes, je vais évidemment suivre cette saison 2. Grand prince, je te donne même 10 bonnes raisons, Tristesse, d’en faire autant :
1) Les gags et autres astuces du scénario sont souvent bien plus drôles que dans 95% de la fiction française de praïme taïme. Pour une fois qu’une série française est bien écrite…
2) Les dialogues sont toujours très ciselés, aussi.
3) Les mecs sont plus mignons que dans la saison 1. Bon, certes, j’ai eu un peu de mal à m’habituer à François Vincentelli en remplacement de Thierry Neuvic, qui était quand même beaucoup moins métrosexuel dans son rôle d’artisan menuisier un peu ours, mais il se laisse regarder.
4) Patrick Mille est mieux dans son rôle que Frédéric Diefenthal, même si en le voyant je ne peux pas m’empêcher de penser à Chico Dou Brazil…
5) La musique, toujours aussi bien choisie, capturée dans l’air du temps bobo (et ils ont gardé Naïve Song, de Mirwais, en guise de générique).
6) Tu apprendras à aimer tes beaux-parents ("Tu vois les époux Ceausescu au moment de leur arrestation ? Bah à côté des parents de Gilles ils avaient l’air de s’éclater").
7) Maintenant, quand je vois des plans de Paris entre deux scènes, j’arrive à les situer. Je me sens vachement moins courge, du coup. Ou Potiron. Ou n’importe quelle cucurbitacée, quoi.
8) La douce illusion qu’on peut se comporter comme on veut au boulot, et même mentir (aussi bien que Benoît Poelvoorde qui te dirait que tout va bien) à ton boss en lui parlant comme à un pote (normal, en même temps, si vous travaillez dans la presse, on djeunz, on est potes) (a fortiori si t’as couché avec dans la saison 1) (catin).
9) C’est rassurant de se dire que si on a une vie sentimentale de merde, c’est un peu parce qu’on a pas de bol (comme JP) ou alors parce qu’on est dingue (comme Clara), mais que lorsqu’on aura trouvé ce sera sioupeur.
10) Bah en fait j’ai pas de dixième raison. T’as aimé la première saison alors tu seras au moins un peu curieux. Le premier épisode te soûlera en mettant l’intrigue en place, le deuxième épisode te donnera envie de voir la suite. Voila.
On se débriefe demain. Ou pas.