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Oui, parlons-en, car aujourd’hui, c’est la troisième « Journée Mondiale des toilettes ». Quel bonheur incommensurable de se rendre aux latrines lorsque l’envie pressante vous empêche de réfléchir. Quel geste commun, si simple et si évident pour nous, privilégiés que nous sommes. Est-ce un acquis, un du ? En France, oui, d’ailleurs, qui ne s’est jamais insurgé de ne pas trouvé de toilettes dans un petit pub ou au café du coin ?
Insurgez-vous, car à l’échelle mondiale, c’est 40% de la population qui ne bénéficie pas d’un endroit descend et isolé pour faire ses besoins dans l’intimité que requiert ce moment. 2,6 milliards d’individus qui sont chaque jour, et plusieurs fois par jours livrés à l’interminable file d’attente pour une pièce puante et dégueulasse. Au-delà de l’indignité flagrante de cette situation, c’est une question de santé publique mondiale. L’OMS estime que le manque d’installations sanitaires cause la mort de 1,8 millions de personnes par an et 5000 enfants meurent chaque jour de maladies diarrhéiques.
Faire caca, ce n’est pas toujours le sujet de conversation préféré des grandes figures politiques, même si, rappelons le pour l’anecdote, quand vous demandez à quelqu’un « Comment vas-tu ? », c’est sous entendu « Comment vas-tu à la selle » ? Expression employée il y a bien longtemps en France, au temps où la qualité des selles et des urines étaient un indicateur important de l’état de santé.
Si faire pipi sur les cyprès après une soirée bien arrosée est un moment jouissif pour vous les hommes, pour nous les femmes, un minimum d’intimité est requis. L’Unicef a indiqué que le manque d’installations sanitaires appropriées était une des premières raison de l’illettrisme des femmes dans les pays les moins développées, celles-ci étant contraintes à quitter l’école dès leurs premières règles. L’embarras oblige parfois les femmes à attendre le soir pour aller faire leurs besoins, elles s’isolent dans la nature et sont en proie aux viols et harcèlements sexuels.
Les matières fécales humaines ont beau être naturelles, ce n’est pas pour autant qu’elles ne font pas de dégâts environnementaux. Nos selles contiennent des bactéries dangereuses, des parasites et véhiculent des maladies. Ces déchets s’infiltrent dans les cours d’eau, contaminent les nappes phréatiques, les rivières les sols, polluent l’eau si précieuse consommée par les habitants et les animaux. C’est un cercle vicieux que l’on se doit de stopper. La communauté internationale s’est engagée en 2000 à réduire d’ici 2015 par deux, le nombre de personnes n’ayant pas accès à des sanitaires, mais la question reste encore « tabou » car « ce n’est pas poli » de parler ce sujet embarrassant.
Avoir des toilettes chez soi, c’est un luxe, au regard de tout ceux qui n’en ont pas, pensons-y réellement la prochaine fois que l’on s’y rend. Parlez-en très sérieusement autour de vous, brisez le tabou du pipi-caca et faite surgir l’urgence de la situation pour aider les ONG à débrider les consciences trop gênées pour agir.
Les toilettes sèches, une solution ?
Devons-nous exporter « notre » modèle de latrines ? En France et dans les pays développés, nous bénéficions d’un complexe système de plomberie permettant l’évacuation des eaux souillées loin de nous, pour notre santé mais aussi pour retraiter ces eaux. L’ONU estime que 38 milliards de dollars seraient nécessaires pour respecter les engagements du début du millénaires, mais devons-nous vraiment équiper l’Afrique et l’Asie du sud ( les plus touchées) de toilettes double chasse avec tout un système d’évacuation et de retraitement des eaux usées ? Dans des pays ou l’eau est une denrée si précieuse, doit-on en utiliser des litres pour nettoyer les crottes ? Petits chiffres clefs : une vieille chasse d’eau utilise jusqu’à 15 litres d’eau POTABLE pour chaque tirage, les nouvelles chasses double flux permettent de limiter le débit à 6 litres pour le pipi et 10/12litres pour le caca.
Je ne suis pas une spécialiste sanitaire et je m’avance peut-être, mais les toilettes sèches ne seraient-elles pas plus judicieuses, rapides à mettre en place et économiques ? De toute façon qui paiera l’entretien d’un système d’assainissement ? Avec les toilettes sèches, ce n’est plus la peine de se poser la question.
Si en France, nous sommes encore réticent à recouvrir nos excréments de copeaux de bois pour ensuite les utiliser comme compost, l’idée d’une latrine sans eau est plus que séduisante pour les pays du sud.
Les avantages d’un tel système sont multiples :
- Les toilettes sèches sont faciles à mettre en place et on peut même envisager de les construire sur place, pas besoin d’importer de coûteux systèmes et de rendre les populations locales dépendantes d’un dépanneur ou d’un service après vente pour la mécanique.
- Les toilettes sèches sont plus écologiques et limiteraient les problèmes de contamination des sols.
Un compost de qualité serait généré, qui permettrait peut-être aux agriculteurs d’accroitre leur rendement de cultures vivrières ?
- Les toilettes sèches (contrairement à ce que l’on pense) ne sentent pas mauvais, ce qui n’est pas le cas des toilettes normales, malodorantes et nécessitant un entretien rigoureux.
- Les toilettes sèches sont pédagogiques, elles incitent facilement à la propreté et permettent de comprendre que chaque chose produite peut-être traitée de façon respectueuse pour l’environnement et pour les hommes.
Les pays les plus pauvres n’ont pas toujours intérêt à bénéficier des technologies dont nous jouissons dans nos villes et maisons modernes. Nous vivons dans un monde complexe, loin de la nature et les toilettes en sont un bon exemple ! On fait tout pour ne plus voir nos excréments, faire disparaitre sous un trais d’eau pur les souillures et l’on aseptise nos latrines à grand coup de javel et de « sent bon ». N’est-ce pas paradoxal, alors que certains n’ont même pas de quoi s’assoir pour déféquer ?