C’est peu dire que les critiques du spectacle quasi grotesque que nous offre
le Parti Socialiste sont légions à la fois dans les médias et dans les blogs.
L’idée de cette petite intervention n’est donc pas d’en rajouter une couche
dans la raillerie facile, ce qui serait à la fois inutile et un peu lourdingue,
mais plutôt d’essayer d’apporter quelques éléments de compréhension sur les
enjeux réels de ce qui se passe au sein de ce qui constitue quand même (pour
ceux qui l’aurait oublié) le principal parti d’opposition.
Si on regarde la situation d’un œil extérieur au Parti, ce qui est mon cas,
et si on s’en tient aux multiples commentaires que l’on peut lire ou écouter
sur le Congrès de Reims, l’analyse est vite faite : la désignation du
premier secrétaire fait apparaitre, au grand jour, des antagonismes entre les
principaux leaders du PS non pas sur des questions de fond mais pour des
raisons de d’ambitions personnelles, d’inimitiés et de confrontations de
personnalités aux egos quelque que peu surdimensionnés.
On est, en conséquence, tenté de limiter les évènements actuels à la
désignation laborieuse et belliqueuse d’une personnalité qui veut obtenir la
tête du Parti avec en arrière plan et comme objectif ultime, la candidature aux
prochaines présidentielles.
C’est oublier que le processus de désignation du Secrétaire Général a commencé
par l’élaboration des fameuses motions A B C D E F …si, si il y en avait bien 6
!
A ce propos, une petite parenthèse :
Tel que je l’ai compris, mais il faut avouer que les procédures du PS ne sont
pas toujours très faciles à suivre, les motions avaient comme objectif de
présenter le projet de chacun des candidats à la tête du Parti.
Les militants devaient voter pour l’une ou l’autre de ces motions, c'est-à-dire
pour l’un ou l’autre des projets des candidats, sachant qu’on aurait pu
imaginer, naïvement, que le candidat portant la motion arrivée en tête au
premier voire au second tour, serait désigné Secrétaire Général (e) du
Parti.
Mais ce processus d’élection pourtant largement répandu dans nos démocraties,
aurait été trop simple et surtout trop risqué pour les orgueilleux prétendants,
« remettre mon avenir politique entre les mains des seuls militants, vous
n’y pensez pas, ils seraient capable de se faire bourrer le mou par l’autre
illuminée ! »…alors après un premier vote, a été ajoutée une étape
intermédiaire qui est la « Synthèse », la fameuse synthèse chère aux
Socialistes de toutes générations !
Dans le cas présent, comme souvent, la synthèse signifie petits arrangements
entre ennemis et s’est, comme attendu, traduite par le non moins fameux
« TSLF »…qui bien évidemment signifie « Tout sauf l’autre folle
».
Mais revenons à nos motions.
J’avoue, à ma grande honte, que, jusqu’à présent, je n’avais pas lu ces
motions. En gros flemmard que je suis, Je m’étais contenté d’en lire ou
d’écouter les quelques maigres compte-rendu qui ont pu être diffusés.
J’ai donc pris mon courage à 2 mains (c’est là qu'on regrette de ne pas en
avoir plus…des mains), et j’ai lu dans leur intégralité (à l’exception des
longues listes de signataires) les 4 principales motions (les partisans des 2
autres voudront bien m’en excuser mais je considère avoir déjà fait un effort
considérable).
Mon objectif n’est pas de faire une synthèse de chacune d’entre elles, ni
d’en faire une critique (pourtant bien tentante) mais d’insister sur le fait
que derrière les querelles de personnalités, il y a également des différences
importantes dans les projets. Contrairement à ce que j’ai pu laisser entendre
(mea culpa) ces motions, qui se présentent comme de vrais programmes
présidentiels, sont particulièrement instructives.
On distingue nettement 2 courants de pensée assez différents :
Avec à ma droite Ségolène Royal et Bertrand Delanoë et à ma gauche Martine
Aubry et Benoit Hamon.
D’un coté, on retrouve les motions Aubry et Hamon, très ressemblantes, sur le
pouvoir d’achat, le logement, la fiscalité ou l’Europe avec des solutions assez
classiques du type on fait plus payer les entreprises et les ménages aisés, on
augmente le SMIC et les salaires des employés de l’Etat, on construit des
centaines de milliers de logements sociaux, on donne un tas de moyens aux
hôpitaux, on dépense encore plus pour l’Education nationale et on refait
l’Europe différemment en faisant, évidemment, une croix sur le pacte de
stabilité qui empêche les Etats de dépenser l’argent qu’ils n’ont
pas.
Ironie de l’histoire, dans ces motions on retrouve l’esprit des 100
propositions de Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle.
De l’autre coté, avec les motions Royal et Delanoë, c’est quand même
beaucoup plus soft, on parle évidemment de régulation, de services publics, de
solidarité mais également de responsabilité, de liberté et de production de
richesses.
Certes, il apparait clairement que les 4 motions sont bien écrites par des
socialistes (on ne se refait pas) mais pas tout à fait par les même
socialistes. Tout ceci m’amène à 5 conclusions :
1. Derrière les personnalités, il y a bien des projets, qu’il ne faut pas
oublier. Un Parti Socialiste avec Ségolène Royal à sa tête ne portera pas le
même projet qu’avec une Martine Aubry et à plus forte raison qu’avec un Benoit
Hamon.
2. S’ils avaient pu faire abstraction des considérations égotiques, les
Socialistes auraient pu s’entendre sur 2 synthèses, ce qui est mieux qu’aucune
et ce qui aurait permis au vote des militants de déterminer facilement une
majorité.
3. L’attitude pour le moins ambigüe de Delanoë consistant à se retirer alors
que sa motion est arrivée 2ème, à dire qu’il ne se rallie à aucun des 3 autres
puis à faire volte face en appelant à voter « massivement » pour
Martine Aubry se comprend mieux
Plus proche de Ségolène que de Martine sur le fond, mais incapable d’appeler à
voter Ségolène, son premier réflexe naturel est de s’abstenir. Puis le TSLF a
pris le dessus et il se rallie « massivement » à Martine.
4. Si suite au vote des militants, une majorité ne se dégage pas, le pas à
franchir pour que les motions Aubry et Hamon fusionnent n’est pas énorme. Seuls
des problèmes de personnes ne l’ont pas permis jusqu’à présent mais on peut
être certain que le TSLF sera suffisamment efficace pour leur permettre de
passer par-dessus.
5. Si malgré tout cela, Ségolène Royal est désignée par les militants,
celle-ci sera confrontée à une importante « aile gauche » du parti
qui retrouvera son unité et dont le pouvoir de nuisance sera très important
avec un risque significatif d’éclatement. De plus, sa désignation marquera une
rupture entre la base et l’essentiel des leaders du PS ce qui ne facilitera
certainement pas son travail.
En fin de compte, ce congrès, malgré son coté chaotique, aura probablement l’énorme mérite de faire ressortir 2 lignes de pensée sensiblement différentes ou en tous cas suffisamment différentes pour que le PS n’ait pas le choix que de faire, enfin, un choix.