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La critique dans tous ses états

Publié le 17 novembre 2008 par Eric Viennot

Danse Depuis 2 ans, on a souvent évoqué sur ce blog l’essor des casual games. Or, si certains de ces jeux (Lapins Crétins, Mario Kart…), sont encore basés, pour l’essentiel, sur des systèmes de jeu éprouvés (shoot, courses, plateformes…)  d’autres (Kawashima, Nintendogs, Wii Fit, …) ont inventé des concepts de jeu inédits adaptés à des catégories de personnes qui jusque là ne jouaient pas ou très peu (séniors, jeunes filles, femmes…). Ces concepts, en bousculant la grammaire traditionnelle des jeux vidéo (notamment les fameuses boucles de gameplay) semblent échapper à une approche critique classique. Pour avoir développé la série des Alexandra Ledermann, qui a été en France précurseur de cette vague, nous avons pu voir combien ce genre de jeu gonflait (pour rester poli) les critiques spécialisés. La série était systématiquement gratifiée de mauvaises notes alors qu’elle était plébiscitée par les joueuses et qu’elle squattait la tête des ventes. De manière évidente, le testeur avait du mal à se mettre à la place d’une gamine de 10 ans passionnée par les chevaux. Et ce qui lui semblait d’un intérêt ludique très moyen (curer les sabots du cheval, le brosser régulièrement…) était pourtant l’une des phases de jeu les plus appréciée des jeunes joueuses. Oui, je vous jure !

Dans le classieux magazine Amusement, le critique de jeux vidéo François Bliss de la Boissière s’attarde avec pertinence sur cette question qui est en train de prendre de plus en plus d’importance dans l’univers du jeu vidéo : celle de la critique spécialisée face à l’essor du casual gaming. Dans cet article, il tente de déterminer, en interrogeant quelques collègues, où s’arrête le périmètre du critique de jeu traditionnel. Pour certains critiques, la limite est dépassée quand on entre dans la sphère du jeu utilitaire, ou, comme diraient les spécialistes, quand le casual game devient serious game.

Un fun party game comme les Lapins crétins est un jeu casual ; pourtant, il semble qu’il puisse encore être jugé selon des critères classiques (durée de vie, jouabilité, qualité sonore et graphique, etc…). Cela devient déjà plus compliqué pour Wii Sports. La jouabilité reposant sur un mimétisme sportif, on jugera davantage la fidélité de reproduction des mouvements plutôt que l’inventivité du gameplay. Quand est-il alors des Leçons de cuisine sur DS ? Puis-je l’apprécier de manière objective alors que je suis absolument nul en cuisine ? En bref, est-ce qu’on peut être critique d’un jeu qui ne nous est pas adressé ? Faut-il être psychologue pour porter un jugement critique sur Mon coatch personnel, prof de fitness pour juger de la valeur de Wii Fit ou cuisinier pour apprécier l’intérêt des Leçons de cuisine ?

Admettons que je sois critique télé ou cinéma : est-ce que j’ai besoin d’être spécialiste de biotechnologie pour juger de la qualité d’un documentaire sur Monsanto ? Est-ce que j’ai besoin d’être ethnologue pour apprécier un reportage sur les dernières tribus amazoniennes ? Est-ce que j’ai besoin d’avoir eu des parents agriculteurs pour donner mon avis sur le dernier film de Depardon ? Pas forcément. Bien-sûr, l’avis de tel ou tel spécialiste pourra nuancer ou enrichir mon jugement mais ce que je vais tenter de juger relèvera avant tout de la grammaire télévisuelle : le documentaire est-il bien construit ? Le contenu est-il compréhensible par un non spécialiste ? Les questions posées m’intéressent-elles ? Le montage est-il suffisamment objectif ? Ou suffisamment rythmé ?
Je pense qu’il en est de même pour les jeux casual. Il me semble qu’un critique qui a une excellente culture du jeu vidéo sera capable d’avoir un avis sur l’ergonomie de n’importe quel concept de jeu, sa direction artistique, son niveau d’interactivité, son inventivité, son humour, sa simplicité d’utilisation, sa profondeur… 

Récemment, chez Lexis, nous avons eu l’agréable surprise de constater que notre jeu Léa Star de la Danse avait obtenu des notes honorables (14 ou 15/20) sur certains sites spécialisés. Les journalistes auraient-ils changé ? Il y a quelques années, certains critiques, à la simple vue de son titre, auraient à peine pris le temps de tester le jeu, avant d’énoncer sur son compte un jugement définitif de pur gamer. Désormais, il semble que les rédactions se soient entourées de joueurs (joueuses) plus ouvert(e)s à ce genre d’expériences ludiques. D’ailleurs, avant d’entrer dans la gamme Léa, ce jeu a une histoire particulière. Nous avons eu l’idée du concept il y a un peu plus d’un an. Nous l’avons produit puis présenté à Ubisoft. Basé sur un gameplay original, un scénario jouant sur le second degré, un graphisme inspiré des mangas, ce jeu se démarque des autres jeux de la gamme. Les critiques ont d’ailleurs signalé son originalité. C’est ce qu’on attend d’eux justement : un regard d'expert qui prenne en compte la personne à qui s’adresse le jeu. Personnellement, nourri d'une longue expérience des jeux pour enfants, je sais par avance si tel ou tel jeu leur plaira.

D’ailleurs , vous connaissant, vous, amis gamers, je suis certain que si l'on vous demandait votre avis, vous auriez plein de trucs intelligents à dire à propos de Wii Fit, Wii Music (le jeu de trop qui risque de faire baisser la côte de Miyamoto ?*), Entrainement cérébral ou Spore.
-    Spore ?
-    Ah oui pourquoi je parle de Spore, c’est pas un jeu casual ? Si ? Ah bon ?!
Décidément ce débat n’est pas prêt de se terminer !

* lire à ce sujet Tenir la note d'Olivier Séguret

Illustration : images écran de Lea Passion Star de la Danse sur DS.


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