Je vous l'écrivais il y a quelques jours. Millésima m'a convié à une dégustation de grandes cuvées de Champagnes. Celle-ci s'est avérée à la hauteur de mon attente, qui était pourtant grande. Je pense sincèrement que les personnes qui font la moue sur les vins de cette appellation n'en ont pas bu de grands. Car lorsqu'un champagne est au sommet, nous sommes vraiment dans l'élite mondiale des vins.
Je me suis ensuite dirigé chez Jacquesson où j'ai pu déguster deux cuvées.
La 732 a un joli nez, de la rondeur et de la fraîcheur. Sympathique. La 733 est un bon cran au-dessus, avec beaucoup plus de finesse et de charme, tout en ayant plus de peps. A préférer de loin.
Mon premier choc de la soirée va se faire chez Philipponnat, que je ne connaissais jusque là que de nom. Petite mise en bouche avec le Royal Réserve : nez réduit (le premier de la soirée, mais pas le dernier), bouche conjugant moelleux et vivacité, avec une bulle bien présent. La cuvée 1522 (millésime 2000) m'a beaucoup séduit, avec un nez superbe, une bouche d'une grande intensité, à la bulle élégante, beaucoup d'ampleur. Miam! Mais le meilleur reste à venir avec le Clos des Goisses dont la maison a le monopole. Ce clos de 5,5 hectares situé sur une pente exposée plein sud permet une grande maturité des raisins, donnant au vin une expressivité unique.
1999 : nez frais et épicé, charmeur. Bouche riche et intense, encore un peu à l'état brut. On le sent encore un peu jeune, mais la matière promet beaucoup. A attendre quelques années.
1995 : nez absolument superbe, d'une grande expressivité. Bouche ample, riche, complexe, désarmante de beauté. Persistance hyperbolique. Que c'est beau!
1998 (année très solaire en Champagne) : nez encore plus riche et plus complexe que le précédent. Bouche d'une grande sensualité, d'une intensité et d'une complexité inimaginables. Finale magnifique. J'adooorre!!! Certainement le rapport qualité/prix de la soirée puisque la bouteille peut se trouver à 120€ environ. A ce prix-là, je ne connais aucun champagne de ce niveau.
KRUG. Sans aucun doute LA maison de Champagne, mais les prix ne sont pas vraiment les mêmes. La Grande Cuvée qui m'est d'abord servie est au prix du Clos des Goisses précédent sans en avoir le niveau. On se régale toutefois. C'est riche, intense, presque crémeux, avec une finale longue et douce. Pour le 1988, je vais devoir attendre un peu, parce qu'il y a une grosse liste d'attente... J'y retournerai plus tard.
En attendant, un grand classique, Bollinger. Aucune mauvaise surprise. La Spéciale Cuvée ne m'a jamais parue aussi bonne (élégante, d'un parfait équilibre, belle intensité). Le Rosé dont je n'attendais rien m'a interpellé par sa vinosité, ses bulles fines et ses arômes épicés. Je le verrai bien avec une cuisine exotique. Quant à la Grande Année 1999, c'est ma troisième rencontre, et la meilleure. Peut-être commence -t-il à s'ouvrir. Ce champagne dense, austère, limite bougon, devient (enfin!) un compagnon expressif, bavard même, déchaînant une puissance retenue depuis (trop?) longtemps.
Passage chez Dom Pérignon. Si ce nom fait rêver, il me semble qu'il faut avant tout garder son sang froid et juger ce qu'il y a dans le verre. Et le 2000 qui m'est servi ne me plaît plus que ça. C'est très (trop?) vif, d'une intensité quasi-sauvage qui envahit le palais. Ca décoiffe, pour sûr, mais ce n'est pas vraiment ce que je recherche. Je préfère les champagnes plus "confortables".
Une session de rattrapage me permet d'éviter tout jugement définitif sur cette honorable maison. Il m'est proposé de goûter successivement deux versions du 1995 : le Vintage, dégorgé deux ans après la récolte et l'Oenothèque dégorgé en 2006.
Vintage 95 : nez sur des notes d'évolution (épices douces, sous bois, spéculoos). Bouche ample, douce, aux bulles discrètes, caressantes.Très belle persistance. Un très beau champagne de repas (avec des ris de veau, par exemple).
Oenothèque 95 : nez réduit, libérant en s'aérant des notes de foin et d'épices. Bouche fraîche, vibrante, de belle intensité. Finale puissante et intense. L'on voit que le vieillissement sur lattes limite l'évolution du champagne. Difficile de croire que les deux vins étaient identiques au départ!
La maison Henriot est beaucoup plus discrète, mais porteuse d'une belle réputation. N'en ayant jamais bu, j'étais ravi de me faire enfin une idée! L'on me sert d'abord le blanc de blancs, appelé en toute "simplicité" Blanc souverain. Et l'air de rien, il assure : nez classieux tout en finesse. Bouche fine, douce, harmonieuse avec des bulles juste "frizzantes", et une finale pure et cristalline. Bien. La Cuvée des enchanteleurs 1995 est d'un autre niveau encore. Nez d'une grande complexité. Bouche riche, charnue, gourmande, à la finale mâchue, presque tannique, qui rappelle les meilleurs Corton Charlemagne. Un vin de grande gastronomie assurément.
J'avoue : je n'avais jamais bu non plus de champagne Laurent Perrier. Erreur doublement rattrapée ce soir. D'abord le millésime 99, rond et charmeur, d'un bel équilibre. Puis la fameuse Cuvée Grand Siècle. Dans un certain sens, une grande surprise : je m'attendais à un champagne exubérant qui en met plein la figure. Je tombe sur un champagne délicat, tout en dentelle, d'une finesse rare, n'excluant pas une belle intensité aromatique. Un bijou!
Retour sur Terre avec Moët et Chandon. Un peu pénible. Je n'éprouve absolument aucun plaisir avec les millésimes 2000 et 2003. Pas mieux avec le rosé. Je trouve ça inutilement agressif, avec une bulle trop pétaradante. Un peu comme le DomPé 2000 évoqué plus haut. Normal, c'est la même maison. Passons...
Quelques mètres plus loin, je reprends espoir. La Grande Dame 1989 de Veuve Clicquot me prouve que mon palais se porte bien (les Moët's boys m'avaient fait douter). Le nez est de toute beauté, déclinant des notes tertiaires à l'envi. La bouche est voluptueuse, complexe, changeante. La finale somptueuse. Un grand champagne à maturité! Le 1996, plus jeune, est d'une grande intensité, mais demande encore du temps pour égaler son aîné.
Petit (?) retour chez Krug, où son représentant m'avait promis de me faire goûter le 1988. Chose promise, chose due, me dit-il. Autant dire que je jubile intérieurement. C'est tout de même avant tout pour celui-ci que j'ai fait mes 150kms dans la soirée :o) Jusqu'à ce jour, j'avais considéré que le plus beau vin bu dans ma vie était Krug 1990. Eh bien, il est détrôné par son frère aîné de deux ans. C'est un monument de vin. Nez bouleversant aux mille senteurs. Bouche d'une ampleur inhabituelle, d'une complexité étourdissante. Finale immense, quasi infinie, qui m'habitera jusqu'au lendemain. C'est le seul vin de la soirée dont je ne cracherai pas une goutte. Et le dernier. Tout autre paraîtrait vain.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai trouvé Bordeaux très jolie, ce soir là ;o)
Merci à Millésima pour cette grande soirée!