Dans My Magic, il incarne le rôle d’un homme perdant tous repères lorsque sa femme le quitte. Il devient alcoolique et sombre dans une routine des plus macabres entre les virées nocturnes et le délaissement d’un fils, dont il ne parvient pas à soucier. Malgré l’alcool et son ivresse, sa souffrance demeure et surgit, parfois, souvent, lorsque sur un chemin il tombe sur un combiné téléphonique, par lequel il crie sa détresse à une femme qui n’est plus là et qui lui manque tant : « Reviens, reviens, le petit à besoin de toi. Je n’y arrive pas. ». Les sanglots s’emparent de Francis, et il devient un enfant perdu, abattu, impuissant face à une situation qu’il n’a pas choisie, et dont il ne trouve pas la solution. C’est son fils, qui du mieux qu’il peut, tente de s’en sortir par des « magouilles » qu’il fait au sein de l’école pour pouvoir subvenir à ces besoins. Une relation allant à contre courant, entre un père ne parvenant à assumer ces responsabilités et un fils prématurément adulte. Francis devient ainsi aux yeux de son fils un père indigne, un « bon à rien », un père qui ne sait que boire et surtout un modèle qu’il ne veut suivre. Un soir, il décide de retrouver un second souffle (et surtout une manière de gagner plus d’argent) en reprenant les tours de magie qu’il abandonna et qu’il mettra en scène dans le bar dans lequel il travaille. A travers cette remise en question, Francis va tant bien que mal prouver à son fils qu’il est capable d’autre chose que de boire, une preuve allant jusqu’à la torture, alors jusqu’où un père peut-il aller pour l’amour d’un fils ?
My Magic est dure parce qu’on y voit un homme torturant son corps, le faisant endurer les pires sévices. Dans la déchéance, c’est une éponge à alcool, dans la prise de conscience, on le transperce et le brûle pour une vie meilleure. Son corps blessé jusqu’au plus profond de sa chair reflète l’endurance, la nécessité et le souhait qu’enfin un fils tant aimé vous voit d’un autre regard.
Eric Khoo, à l’image de Be with me (2005), mêlant fiction et réalité, nous émeut et nous plonge dans un microcosme relationnel, qui nous confie la joie de ces moments de vie si précieux et simples. Outre la relation père/fils, c’est aussi une réalité sociale qui est ici dépeinte : celle des immigrés de Singapour, celle de cette minorité venant trouver refuge dans une terre de dernier recours attirées par sa réussite économique.
Œuvre magistrale sociale et relationnelle, sublimée, simple, émouvante et profonde, qui vous laisse un regain de tristesse à sa sortie, mais qui en vaut la peine.