Par un communiqué de presse , on apprend que par une décision du 14 novembre 2008 (M El Shanawi N ° 315622), le Conseil d'Etat admet, dans le cadre d'un référé-liberté, la compétence de la juridiction administrative pour examiner une demande de suspension du régime spécial de fouilles corporelles intégrales appliqué à un détenu lors des extractions judiciaires nécessitées par ses comparutions devant les juridictions judiciaires. Il précise par ailleurs les conditions dans lesquelles un tel régime peut légalement s'appliquer.
Il précise dans un considérant de principe :
" Considérant que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu d'un régime de fouilles corporelles intégrales répétées, c'est à la double condition, d'une part, que le recours à ces fouilles intégrales soit justifié, notamment, par l'existence de suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses contacts avec des tiers et, d'autre part, qu'elles se déroulent dans des conditions et selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à ces nécessités et ces contraintes ; qu'il appartient ainsi à l'administration de justifier de la nécessité de ces opérations de fouille et de la proportionnalité des modalités retenues "
Et bien, les étudiants en droit connaissent la règle du jeu: commentez (à ma place)...
"Sur l'intervention de la section française de l'observatoire international des prisons :
Considérant que la section française de l'observatoire international des prisons a intérêt à l'annulation de l'ordonnance attaquée ; qu'ainsi son intervention, qui ne soulève pas de litige distinct, est recevable ; Sur l'ordonnance attaquée :Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...)" ; qu'en vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée ; Considérant qu'il n'est pas contesté que M. E. S. fait l'objet d'une décision le soumettant à un régime de fouilles corporelles intégrales, opérées quatre à huit fois par jour, s'appliquant lors de ses extractions du centre de détention nécessitées par ses comparutions devant les juridictions judiciaires, en particulier lors de deux procès d'assises qui se sont déroulés du 9 au 18 avril 2008 et du 6 au 21 juin 2008, mais également à l'occasion de futurs procès ; que ces fouilles, réalisées par des agents de l'administration pénitentiaire, font l'objet d'un enregistrement audiovisuel. conformément à la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, du 9 mai 2007 ; que M. E. S. demande l'annulation de l'ordonnance du 15 avril 2008 par laquelle, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, sa demande, fondée sur l'article L. 521-2 du même code, tendant à la suspension de l'exécution de la décision le soumettant à ce régime de fouilles ; Considérant que l'article D. 275 du code de procédure pénale dispose : " Les détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef de l'établissement l'estime nécessaire. / Ils le sont notamment à leur entrée dans l'établissement et chaque fois qu'ils en sont extraits et y sont reconduits pour quelque cause que ce soit. Ils doivent également faire l'objet d'une fouille avant et après tout parloir ou visite quelconque. / Les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en garantissant l'efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine " ; qu'aux termes de l'article D. 293 du même code : " Aucun transfèrement, aucune extraction ne peut être opéré sans un ordre écrit que délivre l'autorité compétente. / Cet ordre, lorsqu'il n'émane pas de l'administration pénitentiaire elle-même, est adressé par le procureur de la République du lieu de l'autorité requérante au procureur de la République du lieu de détention (...) " ; que selon l'article D. 294 : " Des précautions doivent être prises en vue d'éviter les évasions et tous autres incidents lors des transfèrements et extractions de détenus. / Ces derniers sont fouillés minutieusement avant le départ (...) " ; Considérant que s'il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître des actes relatifs à la conduite d'une procédure judiciaire ou qui en sont inséparables, les décisions par lesquelles les autorités pénitentiaires, afin d'assurer la sécurité générale des établissements ou des opérations d'extraction, décident de soumettre un détenu à des fouilles corporelles intégrales, dans le but de prévenir toute atteinte à l'ordre public, relèvent de l'exécution du service public administratif pénitentiaire et de la compétence de la juridiction administrative ; qu'il en va ainsi alors même que les fouilles sont décidées et réalisées à l'occasion d'extractions judiciaires destinées à assurer la comparution d'un détenu sur ordre du procureur de la République, y compris lorsque les opérations de fouille se déroulent dans l'enceinte de la juridiction et durant le procès ; que, par suite, en s'estimant incompétent pour connaître de la requête de M. E. S. contre la décision des autorités pénitentiaires de le soumettre à un régime de fouilles corporelles intégrales répétées plusieurs fois par jour, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a commis une erreur de droit ; que, dès lors, son ordonnance doit être annulée ;Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;Considérant que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu d'un régime de fouilles corporelles intégrales répétées, c'est à la double condition, d'une part, que le recours à ces fouilles intégrales soit justifié, notamment, par l'existence de suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses contacts avec des tiers et, d'autre part, qu'elles se déroulent dans des conditions et selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à ces nécessités et ces contraintes ; qu'il appartient ainsi à l'administration de justifier de la nécessité de ces opérations de fouille et de la proportionnalité des modalités retenues ;Mais considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, les conditions relatives à l'urgence, d'une part, et à l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, d'autre part, présentent un caractère cumulatif ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que M. E. S. devrait faire prochainement l'objet d'une extraction à laquelle le régime litigieux s'appliquerait ; qu'ainsi, à défaut d'urgence, la demande présentée au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative par M. E. S. doit être rejeté" --------------
CEDH 12 juin 2007 Frérot c/France (Requête no 70204/01)"Considérant que M. MOUESCA poursuit l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande tendant à l'abrogation des
Considérant qu'aux termes de l'article D. 275 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la circulaire contestée : "Les détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef de l'établissement l'estime nécessaire./ Ils le sont notamment à leur entrée dans l'établissement et chaque fois qu'ils en sont extraits et y sont reconduits pour quelque cause que ce soit. Ils peuvent également être l'objet d'une fouille avant et après tout parloir ou visite quelconque./ Les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en garantissant l'efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine" ;Considérant que, même en l'absence d'un texte législatif ou réglementaire l'y habilitant expressément, le garde des sceaux, ministre de la justice avait, en sa qualité de chef de service, le pouvoir de déterminer certaines des conditions dans lesquelles les fouilles de détenus seraient effectuées en application des dispositions de l'article D. 275 du code de procédure pénale ; qu'ainsi, M. MOUESCA n'est pas fondé à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice n'aurait pas été compétent pour édicter les dispositions contestées de la circulaire du 14 mars 1986 ;(...)Considérant que les dispositions contestées de la circulaire du 14 mars 1986 tendent à "s'assurer que les détenus ne détiennent sur eux aucun objet ou produit susceptible de faciliter les agressions ou les évasions, de constituer l'enjeu de trafic ou permettre la consommation de produits ou substances toxiques" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les buts ainsi énoncés pourraient être atteints dans des conditions équivalentes sans qu'il soit nécessaire de pratiquer des fouilles intégrales ; que les dispositions attaquées prévoient que la fouille intégrale doit être normalement effectuée par un seul agent, lequel ne peut avoir de contact avec le détenu "à l'exception ( ...) du contrôle de la chevelure", et qu'elle doit être exécutée dans un local réservé à cet usage sauf si la disposition des lieux ne le permet pas, "hors la vue des autres détenus ainsi que de toute personne étrangère à l'opération elle-même" ; que, compte tenu des mesures prévues pour protéger l'intimité et la dignité des détenus, et eu égard aux contraintes particulières afférentes au fonctionnement des établissements pénitentiaires, le garde des sceaux, ministre de la justice n'a ni porté une atteinte disproportionnée au principe posé à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel "nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants", ni méconnu les dispositions de l'article D. 275 du code de procédure pénale en vertu desquelles les fouilles de détenus doivent être effectuées "dans des conditions qui (...) préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine" ;Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. MOUESCA n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;DECIDE :Article 1er : La requête de M. MOUESCA est rejetée.dispositions de la circulaire ministérielle du 14 mars 1986 relatives aux modalités d'exécution des fouilles intégrales pratiquées sur les détenus ;
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Gabriel MOUESCA"------
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE5. Le requérant est né en 1956. Il est détenu à la maison centrale de Lannemezan.A. Les procédures6. Le requérant est un ancien membre de l'organisation Action directe, mouvement armé d'extrême gauche. Il fut incarcéré à la maison d'arrêt de Lyon le 1er décembre 1987 suite à deux mandats de dépôt délivrés par un juge d'instruction de Lyon.7. Le 29 juin 1989, le requérant fut condamné par la cour d'assisses du Rhône à la réclusion criminelle à perpétuité pour tentative d'homicide volontaire, vol avec arme, arrestation ou séquestration d'otage pour faciliter ou préparer un délit ou commettre un crime.Par un arrêt du 14 octobre 1992, la cour d'assises de Paris le reconnut coupable d'assassinat, tentative d'assassinats et d'homicides volontaires, vol avec armes et recels de vols, association de malfaiteurs, détention et transports d'armes, falsification de chèques et usage, destruction ou détérioration d'objets ou biens immobiliers par l'effet de substances explosives et infraction à la législation sur les explosifs ; elle le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de dix-huit ans. Le 3 juillet 1995, cette même juridiction le condamna à trente ans de réclusion criminelle pour fabrication ou détention non autorisée de substances ou d'engins explosifs, vol, destruction de bien d'autrui et terrorisme.8. Le 25 septembre 1994, le requérant saisit le tribunal administratif de Versailles d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de certaines dispositions des circulaires du garde des Sceaux, ministre de la Justice, des 14 mars et 19 décembre 1986, relatives respectivement à la fouille et aux correspondances écrites et télégraphiques des détenus. Il soutenait que ces circulaires contenaient des dispositions contraires aux décrets et lois en vigueur.Il critiquait en particulier les modalités de la fouille intégrale telles que prévues par la notice technique annexée à la circulaire du 14 mars 1986, soutenant qu'elles étaient attentatoires à la dignité humaine et entraient ainsi en contradiction avec l'article D. 275 du code de procédure pénale. Il dénonçait en outre le fait que, par référence à l'article D. 174 du code de procédure pénale, cette circulaire donnait la possibilité au personnel de l'administration pénitentiaire d'utiliser la force pour contraindre les détenus à se soumettre à ces actes humiliants.(...)Le 8 décembre 2000, le Conseil d'Etat rendit l'arrêt suivant(voir supra)
(...)12. Le 26 septembre 1994, en raison de ses refus de se soumettre et de ses envois répétés en quartier disciplinaire, il fut transféré à la maison d'arrêt de Fresnes, plus axée sur la sécurité. Il y fut placé dans le quartier DPS (jusqu'en juin 1995), où il n'y avait qu'un autre détenu gravement malade ; cela impliqua pour lui une " désocialisation oppressante ", ce qu'il dénonça en entamant le 20 décembre 1994 une grève de la faim de vingt-cinq jours. Il y fut en outre, de septembre 1994 à septembre 1996, après chaque parloir, soumis à une fouille intégrale incluant désormais l'obligation " de se pencher et de tousser " ; ses refus d'obtempérer lui valurent d'être placé en cellule disciplinaire. Il fut en outre soumis à une telle fouille le 19 juin 1995, à l'issue de la première audience de son procès de 1995 devant la cour d'assises de Paris, alors même qu'il était constamment resté sous la garde des forces de police ou enfermé, seul, dans une cellule ; son refus lui valut un envoi immédiat en quartier disciplinaire. Sa situation ne s'est améliorée à cet égard que vers la fin du mois de juin 1995, après qu'il eut dénoncé ses conditions de détention au cours d'une audience devant la cour d'assises.13. Le requérant produit deux attestations établies les 7 novembre 2005 et 28 mai 2006 par M. Gabriel Mouesca, président de la section française de l'Observatoire international des prisons, ancien détenu à la maison d'arrêt de Fresnes entre 1988 et 1996. Elles certifient qu'en 1994, 1995 et 1996 l'ensemble des prisonniers y étaient systématiquement soumis à la fouille intégrale au retour du parloir. M. Mouesca ajoute qu'en 1995, ayant à une occasion refusé de s'y soumettre, il fit l'objet d'une procédure disciplinaire et d'un maintien en cellule disciplinaire durant huit jours.14. Le requérant produit une autre attestation, établie le 23 mai 2006 par Mme Héléna Mêtchédé, visiteuse de prison, (...)II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS16. Aux termes de l'article 728 du code de procédure pénale, " un décret détermine l'organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires ".A. La fouille des détenus1. Le code de procédure pénale17. Dans sa version en vigueur à l'époque des faits de la cause, l'article D. 275 du code de procédure pénale était ainsi libellé :" Les détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef de l'établissement l'estime nécessaire.Ils le sont notamment à leur entrée dans l'établissement et chaque fois qu'ils en sont extraits et y sont reconduits pour quelque cause que ce soit. Ils peuvent également faire l'objet d'une fouille avant et après tout parloir ou visite quelconque.Les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en garantissant l'efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. "D'autres dispositions du code de procédure pénale prévoient la fouille des détenus à leur arrivée dans l'établissement (article D. 284), avant transfèrement ou extradition (article D. 294) et avant et après entretien au parloir (article D. 406).18. Constitue une faute disciplinaire des deuxième et troisième degrés, respectivement, le fait pour un détenu de refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par les règlements et instructions de service (article D. 249-2 6o du code de procédure pénale) et le fait de refuser d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement (article D. 249-3 4o du code de procédure pénale). Une telle faute peut, à titre de sanction disciplinaire, fonder notamment le confinement de son auteur en cellule disciplinaire durant un certain temps (article D. 251-2 du même code). Le chef d'établissement ou un membre du personnel ayant reçu délégation écrite à cet effet peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le placement du détenu dans une cellule disciplinaire si les faits constituent une faute du deuxième degré et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement (article D. 250-3 du même code).19. L'article D. 283-5 (ancien article D. 174) du code de procédure pénale est rédigé comme suit :" Le personnel de l'administration pénitentiaire ne doit utiliser la force envers les détenus qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par l'inertie physique aux ordres donnés.Lorsqu'il y recourt, il ne peut le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire. "2. La circulaire du 14 mars 1986 relative à la " fouille des détenus "20. La circulaire no A.P.86-12 G1 du garde des Sceaux, ministre de la Justice, du 14 mars 1986, relative à la " fouille des détenus ", est ainsi libellée : 11. Le 15 mars 1993, à Fleury-Mérogis, le requérant fut contraint pour la première fois d'ouvrir la bouche au cours d'une fouille intégrale ; son refus d'obtempérer lui valut d'être placé en quartier disciplinaire. De fin janvier 1994 au 26 septembre 1994 (date de son transfert à Fresnes) il s'est vu exiger d'ouvrir la bouche à l'issue d'un parloir, lors de deux sorties de l'établissement et à l'occasion de toutes les fouilles intégrales inopinées, lesquelles se sont multipliées à la " fréquence inhabituelle" de trois tous les deux mois.Par une ordonnance enregistrée le 21 novembre 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif transmit la requête à la haute juridiction administrative.
Les modalités pratiques de réalisation des fouilles font l'objet d'une fiche technique annexée à la présente circulaire." L'administration pénitentiaire, chargée d'exécuter les décisions privatives de liberté ordonnées par l'autorité judiciaire, a pour fonction première d'assurer la garde des personnes détenues. Cette mission, qui implique nécessairement que soient maintenus la sécurité et l'ordre dans les établissements pénitentiaires, doit cependant toujours s'exercer dans le respect de la dignité de la personne humaine.
La difficulté de concilier ses deux impératifs s'exprime tout particulièrement lors des fouilles intégrales qui contraignent le personnel pénitentiaire à porter atteinte à l'intimité des détenus, le recours au matériel de sécurité moderne ne pouvant en effet dans ce domaine se substituer à l'intervention active des personnels.
La finalité des fouilles est d'assurer que les détenus ne détiennent sur eux aucun objet ou produit susceptible de faciliter les agressions ou les évasions, de constituer l'enjeu de trafic ou permettre la consommation de produits ou substances toxiques.
L'expérience démontre à cet égard, en raison de l'ingéniosité dont sont susceptibles de faire preuve certains détenus, qu'il est indispensable de procéder non seulement à des fouilles par palpation mais également à des fouilles intégrales.
Ces dernières doivent être réalisées dans des conditions propres à assurer leur efficacité mais également le respect de la dignité des détenus et celle des agents chargés de les réaliser conformément aux dispositions de l'article D. 275 du code de procédure pénale telles qu'elles résultent du décret du 6 août 1985.
Section I : Les différentes formes de fouilles personnelles et les conditions de leur réalisation
Les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe.
La fouille par palpation s'effectue sans qu'il soit demandé au détenu de se dénuder. En revanche, la fouille intégrale suppose que le détenu se déshabille complètement en présence d'un agent.
Contrairement à la fouille par palpation, la fouille intégrale proscrit tout contact entre le détenu et l'agent à l'exception toutefois du contrôle de la chevelure.
Les fouilles intégrales doivent être effectuées dans un local réservé à cet usage dans lequel la température demeure acceptable en toutes saisons et situé de telle sorte que, tout à la fois, les moyens d'alerte et de sécurité soient efficaces mais, qu'en même temps, la fouille du détenu s'effectue hors de la vue des autres détenus ainsi que de toute personnes étrangères à l'opération elle-même.
Les fouilles intégrales collectives sont prohibées. Les détenus doivent en conséquence pénétrer un à un dans le local réservé à cet effet.
Le nombre d'agents chargés de la fouille intégrale doit être strictement limité aux besoins évalués en prenant en compte les circonstances et la personnalité du détenu. D'une manière habituelle et s'agissant de détenus de la part desquels aucun incident particulier n'est à redouter, la fouille sera effectuée par un seul agent.
Si les contraintes architecturales ne permettent pas de réserver un local de fouille individuelle, il convient d'isoler le détenu subissant la fouille intégrale du reste de la population pénale au moyen d'un système mobile de séparation (paravent, rideaux etc.).
Les détenus ne peuvent refuser de se soumettre aux fouilles sous peine de sanctions disciplinaires. Dans la mesure où un détenu s'obstinerait dans son refus, la force peut le cas échéant être employée (article D. 174 du code de procédure pénale).
Section II : Circonstances à l'occasion desquelles il est procédé aux fouilles
I. Fouilles intégrales
A) A l'entrée et à la sortie de l'établissement
Les fouilles intégrales s'effectuent systématiquement à l'égard des détenus tant à l'entrée qu'à la sortie de l'établissement.
1) A l'entrée
Lors de son écrou à l'établissement, il doit être procédé systématiquement à la fouille intégrale du détenu que ce dernier vienne de l'état de liberté, qu'il ait fait l'objet d'un transfèrement ou d'une translation judiciaire.
De même, une fouille intégrale est obligatoirement effectuée lorsque le détenu réintègre l'établissement à l'issue d'une extradition judiciaire, ou médicale ou d'une permission de sortir. Sont fouillés dans les mêmes conditions les détenus qui réintègrent l'établissement à l'issue d'un placement à l'extérieur sans surveillance continue du personnel pénitentiaire ou dans le cadre de la semi-liberté dès lors que les conditions d'hébergement les conduisent à se trouver en contact avec des détenus qui ne bénéficient pas du même régime.
2) A la sortie
Tout détenu faisant l'objet d'une levée d'écrou que ce soit avant un transfèrement, une extradition ou un élargissement est fouillé intégralement avant de quitter l'établissement.
Il en va de même de ceux qui font l'objet d'une extradition pour raison administrative, judiciaire ou médicale (hospitalisation ou consultation en milieu extérieur).
Les bénéficiaires d'une permission de sortir sont fouillés avant leur départ en permission, ainsi que les détenus placés à l'extérieur sans surveillance continue du personnel pénitentiaire.
B) A l'occasion des mouvements à l'intérieur de la détention
Il est procédé systématiquement à la fouille intégrale des détenus :
- à l'issue de la visite de toute personne (parents, amis, avocats) titulaire d'un permis de visite délivré en application des articles D. 64 et D. 403 dès lors que l'entrevue s'est déroulée dans un parloir ne comportant pas de dispositif de séparation ;
- avant tout placement en cellule de punition ou d'isolement. Afin d'éviter tout risque d'altercation, il est souhaitable que l'agent qui effectue cette fouille ne soit pas celui qui a constaté l'incident entraînant placement au quartier disciplinaire.
C) Fouilles inopinées
Outre les cas visés aux articles précédents, il est, toutes les fois que le chef d'établissement ou l'un de ses collaborateurs directs l'estime nécessaire, procédé de manière inopinée à la fouille intégrale d'un ou de plusieurs détenus.
Ces fouilles qui, sauf urgence, doivent faire l'objet de consignes écrites peuvent être notamment effectuées à l'occasion des mouvements en détention (promenades, ateliers, salles d'activités).
Elles concernent principalement, mais non exclusivement, les détenus particulièrement signalés, les prévenus, ainsi que ceux dont la personnalité et les antécédents rendent nécessaire l'application de mesures de contrôle approfondies.
II. Circonstances à l'occasion desquelles sont effectuées les fouilles par palpation
Les fouilles par palpation sont effectuées toutes les fois que le chef d'établissement le prescrit, et notamment lors des mouvements tant individuels que collectifs des détenus au sein de la détention, sur la base, sauf urgence, de consignes écrites.
Les détenus se rendant aux parloirs font l'objet d'une fouille par palpation, sauf consigne particulière du chef d'établissement prévoyant, en raison de la personnalité d'un détenu, des circonstances, ou au titre des fouilles inopinées, une fouille intégrale.
Sans méconnaître les difficultés tant matérielles que psychologiques qu'impose aux surveillants la réalisation de ces fouilles, il importe que l'attention de chacun d'eux soit appelée à l'importance que revêt la stricte application des présentes instructions pour la protection de l'ensemble des personnels et la bonne exécution de la mission de garde qui incombe à l'institution pénitentiaire.
Les chefs d'établissement et les cadres devront veiller avec un soin particulier à ce que les consignes qu'il est de leur responsabilité de donner aux agents dans ce domaine soient correctement appliquées.
Les responsables de la formation s'attacheront, tant à l'école nationale d'administration pénitentiaire que dans les établissements, à expliquer aux stagiaires et aux jeunes fonctionnaires que, dans ce domaine tout particulièrement, la bonne exécution des consignes passe tout à la fois par l'acquisition de techniques mais également par une approche psychologique adaptée.
(...)
NOTE TECHNIQUE
A) La fouille par palpation
Le détenu se tient debout, face à l'agent, les bras et les jambes écartées, la paume des mains dirigée vers celui-ci et les doigts des mains écartés.
L'agent procède en cas de besoin au contrôle de la chevelure, des oreilles et du col de l'intéressé.
Il place ensuite ses mains sur les omoplates du détenu en l'entourant de ses bras et en les passant, si nécessaire, sous la veste déboutonnée puis il les fait glisser des épaules à la ceinture de l'intéressé en suivant la colonne vertébrale.
L'agent poursuit de la sorte son contrôle en inspectant si besoin est la ceinture, les poches revolver du pantalon avant de continuer par l'arrière des cuisses, le pli des genoux, les mollets et enfin les chevilles.
Après cette inspection de la partie dorsale, il reprend son mouvement en repartant du niveau du buste de l'intéressé et plus particulièrement de sa poitrine en vérifiant si nécessaire les poches de la chemise située à cet endroit avant de faire de même pour la ceinture, les poches du devant du pantalon et de poursuivre son contrôle des aines jusqu'à la face avant des chevilles.
B) La fouille intégrale
L'agent, après avoir fait éloigner le détenu de ses effets, procède à sa fouille corporelle selon l'ordre suivant.
Il examine les cheveux de l'intéressé, ses oreilles et éventuellement l'appareil auditif, puis sa bouche en le faisant tousser mais également en lui demandant de lever sa langue et d'enlever, si nécessaire, la prothèse dentaire.
Il effectue ensuite le contrôle des aisselles en faisant lever et baisser les bras avant d'inspecter les mains en lui demandant d'écarter les doigts.
L'entrejambe d'un individu pouvant permettre de dissimuler divers objets, il importe que l'agent lui fasse écarter les jambes pour procéder au contrôle.
Dans les cas précis des recherches d'objet ou de substance prohibés, il pourra être fait obligation au détenu de se pencher et de tousser. Il peut également être fait appel au médecin qui appréciera s'il convient de soumettre l'intéressé à une radiographie ou un examen médical afin de localiser d'éventuels corps étrangers.
Il est procédé ensuite à l'examen des pieds du détenu et notamment de la voûte plantaire et des orteils.
Tout en rendant ses vêtements au détenu dans l'ordre inverse duquel il les a enlevés l'agent procède à leur contrôle en s'attachant à vérifier notamment les coutures, ourlets, doublures et plus particulièrement les chaussures et s'assurant que celles-ci ne comportent pas de caches dissimulées. " (...)
EN DROIT25. Le requérant soutient que les modalités de la fouille intégrale telles que prévues par la notice technique annexée à la circulaire no A.P.86-12 G1 du 14 mars 1986 relative à la " fouille des détenus ", sont inhumaines et dégradantes. Il expose qu'il a fait l'objet de sanctions disciplinaires systématiques en raison de refus de se soumettre à des fouilles de cette nature selon ces modalités. Il invoque l'article 3 de la Convention, lequel est ainsi libellé :I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 3 ET 8 DE LA CONVENTION A RAISON DES FOUILLES INTÉGRALES SUBIES PAR LE REQUÉRANTD'après le requérant, la fouille intégrale systématique des détenus à l'issue de chaque visite, prévue par la circulaire du 14 mars 1986, est également constitutive d'une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée de ceux-ci ; par ailleurs, non publiée au journal officiel, cette circulaire manquerait de l'accessibilité, de la précision et de la prévisibilité requises pour être qualifiée de " loi " au sens de la jurisprudence de la Cour. Il invoque à cet égard l'article 8 de la Convention, aux termes duquel :" Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...) et de sa correspondance.
B. Appréciation de la Cour35. La Cour réaffirme d'emblée que l'article 3 de la Convention consacre l'une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques. Il prohibe en termes absolus la torture et les traitements ou peines inhumains ou dégradants, quels que soient les circonstances et les agissements de la victime (voir, par exemple, les arrêts Labita c. Italie [GC], du 6 avril 2000, no 26772/95, CEDH 2000-IV, § 119, ainsi que les arrêts Van der Ven et Lorsé précités, §§ 46 et 58 respectivement), même dans les circonstances les plus difficiles, tels la lutte contre le terrorisme et le crime organisé (arrêt Ramirez Sanchez c. France [GC] du 4 juillet 2006, no 59450/00, CEDH 2006-.., § 115).Pour tomber sous le coup de l'article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l'ensemble des données de l'espèce, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge, de l'état de santé de la victime, etc. (36. Des conditions générales de détention - dans lesquelles s'inscrivent les modalités des fouilles imposées aux détenus - peuvent s'analyser en un traitement contraire à l'article 3 (voir, par exemple, les arrêts Van der Ven et Lorsé précités, §§ 49 et 61 respectivement), tout comme une fouille corporelle isolée (voir les arrêts Valašinas c. Lituanie, du 24 juillet 2001, no 44558/98, CEDH 2001-VIII, et Iwańczuk c. Pologne, du 15 novembre 2001, no 25196/94 ; voir aussi l'arrêt Yankov c. Bulgarie, du 11 décembre 2003, § 110).Ainsi lorsque, comme en l'espèce, un individu soutient qu'il a subi un traitement inhumain ou dégradant à raison de fouilles auxquelles il a été soumis en détention, la Cour peut être amenée à examiner les modalités de celles-ci à l'aune du régime de privation de liberté dans lequel elles s'inscrivent, afin de prendre en compte les effets cumulatifs des conditions de détention subies par l'intéressé (voir, par exemple, l'arrêt Van der Ven précité, §§ 49 et 62-63).37. Les mesures privatives de liberté s'accompagnent inévitablement de souffrance et d'humiliation. S'il s'agit là d'un état de fait inéluctable qui, en tant que tel et à lui seul n'emporte pas violation de l'article 3, cette disposition impose néanmoins à l'Etat de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités de sa détention ne le soumettent pas à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à une telle mesure et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, sa santé et son bien-être sont assurés de manière adéquate (voir, par exemple, précités, les arrêts Kudla, §§ 92-94, et Ramirez Sanchez, § 119) ; en outre, les mesures prises dans le cadre de la détention doivent être nécessaires pour parvenir au but légitime poursuivi (arrêt Ramirez Sanchez précité, même référence).38. S'agissant spécifiquement de la fouille corporelle des détenus, la Cour n'a aucune difficulté à concevoir qu'un individu qui se trouve obligé de se soumettre à un traitement de cette nature se sente de ce seul fait atteint dans son intimité et sa dignité, tout particulièrement lorsque cela implique qu'il se dévêtisse devant autrui, et plus encore lorsqu'il lui faut adopter des postures embarrassantes.Un tel traitement n'est pourtant pas en soi illégitime : des fouilles corporelles, même intégrales, peuvent parfois se révéler nécessaires pour assurer la sécurité dans une prison - y compris celle du détenu lui-même -, défendre l'ordre ou prévenir les infractions pénales (voir, précités, les arrêts Valašinas, § 117, Iwańczuk, § 59, Van der Ven, § 60, et Lorsé, § 72).Il n'en reste pas moins que les fouilles corporelles doivent, en sus d'être " nécessaires " pour parvenir à l'un de ces buts (arrêt Ramirez Sanchez précité, § 119), être menées selon des " modalités adéquates " (arrêts Valašinas, Iwańczuk, Van der Ven et Lorsé, références précitées), de manière à ce que le degré de souffrance ou d'humiliation subi par les détenus ne dépasse pas celui que comporte inévitablement cette forme de traitement légitime. A défaut, elles enfreignent l'article 3 de la Convention.Il va en outre de soi que plus importante est l'intrusion dans l'intimité du détenu fouillé à corps (notamment lorsque ces modalités incluent l'obligation de se dévêtir devant autrui, plus encore lorsque l'intéressé doit en sus prendre des postures embarrassantes), plus grande est la vigilance qui s'impose.(...)La circulaire précise que " la finalité des fouilles [qu'il s'agisse de fouilles par palpation ou de fouilles intégrales] est d'assurer que les détenus ne détiennent sur eux aucun objet ou produit susceptible de faciliter les agressions ou les évasions, de constituer l'enjeu de trafic ou permettre la consommation de produits ou substances toxiques ".Quant aux " modalités pratiques " des fouilles corporelles intégrales, elles sont décrites dans la note technique. Le détenu doit se dévêtir complètement. L'agent chargé de la fouille examine ses cheveux, ses oreilles puis sa bouche : le détenu doit ouvrir celle-ci, tousser, lever la langue et " si nécessaire " enlever sa prothèse dentaire. L'agent contrôle en outre les aisselles du détenu en lui faisant lever et baisser les bras, avant d'inspecter ses mains en lui demandant d'écarter les doigts ; les pieds - notamment la voute plantaire et les orteils - sont également examinés. Le détenu doit par ailleurs écarter les jambes afin que l'agent puisse s'assurer que des objets ne sont pas dissimulés dans l'entrejambe. Enfin, " dans les cas précis de recherches d'objet ou de substance prohibés ", il peut se voir obligé de se pencher et de tousser, (ceci, les fesses face au surveillant chargé de la fouille afin, manifestement, de permettre une inspection anale visuelle) ; la note ajoute qu'il peut également être fait appel au médecin, qui appréciera s'il convient de soumettre l'intéressé à une radiographie ou à un examen médical afin de localiser d'éventuels corps étrangers.Comme l'indique le Gouvernement, les modalités des fouilles corporelles intégrales incluent des précautions visant à préserver la dignité des détenus. L'article D. 275 du code de procédure pénale précise ainsi que les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe et, d'une manière générale, " dans des conditions qui, tout en garantissant l'efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ". La circulaire précitée, qui réitère ces principes, indique que tout contact entre le détenu et l'agent est proscrit, à l'exception du contrôle de la chevelure. Elle ajoute que le " nombre d'agents chargés de la fouille intégrale doit être strictement limité aux besoins évalués en prenant en compte les circonstances et la personnalité du détenu ", étant entendu qu'elle est en principe effectuée par un seul agent. Les fouilles intégrales collectives sont prohibées ; les détenus pénètrent un à un dans un local réservé à cet effet, permettant que la fouille s'effectue hors de la vue des autres détenus et de " toute personne étrangère à l'opération elle-même ". Si les contraintes architecturales ne permettent pas de réserver un local de fouille individuelle, le détenu doit être isolé du reste de la population pénale au moyen d'un système mobile de séparation (paravent, rideau, etc.).41. La Cour conçoit que nonobstant ces précautions, les détenus ainsi fouillés à corps se sentent atteints dans leur dignité. Il lui est tout aussi évident que plus l'intrusion dans l'intimité des détenus est importante, plus ce sentiment est susceptible d'être marqué ; elle comprend ainsi fort bien que le requérant critique avec virulence le fait qu'il lui a été ordonné à certaines occasions de se soumettre à des inspections buccales ou anales.40. En l'espèce, il n'est pas contesté que, comme tout détenu, le requérant est soumis au régime de fouilles défini pour l'essentiel par la circulaire du 14 mars 1986 et la note technique y annexée.Par conséquent, la Cour n'est pas convaincue par la thèse du requérant pour autant qu'elle consiste à dire que ces modalités sont, d'un point de vue général, inhumaines ou dégradantes.42. La Cour relève par ailleurs que le requérant ne prétend pas que les fouilles corporelles intégrales qu'il a subies se seraient déroulées autrement que selon le procédé susdécrit, ni ne soutient que leur but ou celui de telle ou telle fouille était de l'humilier ou de le rabaisser. En particulier, il n'allègue pas avoir été victime de gardiens irrespectueux, ou qui auraient fait preuve d'un comportement démontrant qu'ils poursuivaient une fin de cette nature.Cela différencie le cas du requérant de celui des requérants dans les affaires Valašinas et Iwańczuk.Néanmoins, cela ne saurait exclure de façon définitive un constat de violation de l'article 3 (voir, par exemple, précités, les arrêts Van der Ven, § 48, et Ramirez Sanchez, § 118) : comme cela est rappelé ci-dessus, pour juger si le seuil de gravité au-delà duquel un mauvais traitement tombe sous le coup de cette disposition a été dépassé, il faut prendre en compte l'ensemble des données de chaque espèce. La Cour a ainsi conclu au dépassement de ce seuil dans les affaires Van der Ven et Lorsé (précitées), relatives à des fouilles corporelles intégrales qui s'étaient chacune déroulées selon des modalités " normales ", au motif qu'une fouille de cette nature avait lieu " chaque semaine, de manière systématique, routinière et sans justification précise tenant au comportement du requérant " ; elle a vu dans ces circonstances une " pratique de la fouille corporelle (...) [ayant] un effet dégradant et s'analys[ant] en une violation de l'article 3 de la Convention " (arrêt Yankov précité, § 110).43. En l'espèce, ne sont connus avec précision ni la fréquence des fouilles subies par le requérant (fouilles par palpation et fouilles intégrales confondues), ni la proportion de fouilles intégrales, ni le nombre de celles à l'occasion desquelles il lui fut ordonné " de se pencher et de tousser ".44. Cependant, il ressort des textes pertinents que la fréquence des fouilles subies par les détenus (fouilles par palpation et fouilles intégrales confondues) est en principe importante. Il résulte en effet de l'article D. 275 du code de procédure pénale que " les détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef de l'établissement l'estime nécessaire ", et qu'" ils le sont notamment à leur entrée dans l'établissement et chaque fois qu'ils en sont extraits et y sont reconduits pour quelque cause que ce soit [et] peuvent également faire l'objet d'une fouille avant et après tout parloir ou visite quelconque " ; d'autres dispositions du code de procédure pénale prévoient la fouille des détenus à leur arrivée dans l'établissement (article D. 284), avant transfèrement ou extradition (article D. 294) et avant et après entretien au parloir (article D. 406).Le code de procédure pénale n'indique pas dans quelles circonstances la fouille est intégrale ou est effectuée par palpation. La circulaire du 14 mars 1986 précise en revanche que des fouilles intégrales doivent systématiquement être effectuées à l'égard des détenus entrant et sortant de l'établissement, quelle que soit la raison de ce mouvement (y compris, par exemple, en cas d'hospitalisation ou consultation en milieu extérieur), à l'issue de la visite de toute personne (parents, amis, avocat) dès lors que l'entrevue s'est déroulée dans un parloir ne comportant pas de dispositif de séparation, et avant tout placement en cellule de punition ou d'isolement. La circulaire ajoute que des fouilles intégrales inopinées d'un ou plusieurs détenus peuvent être effectuées " toutes les fois que le chef d'établissement ou l'un de ses collaborateurs directs l'estiment nécessaire ", " notamment (...) à l'occasion des mouvements en détention (promenades, ateliers, salles d'activités) " ; " elles concernent principalement, mais non exclusivement, les détenus particulièrement signalés, les prévenus, ainsi que ceux dont la personnalité et les antécédents rendent nécessaire l'application de mesures de contrôle approfondies " (paragraphes 17-20 ci-dessus).Il apparaît ainsi qu'au cours de la privation de liberté qu'il subit, tout détenu est susceptible de faire fréquemment l'objet de fouilles intégrales. Par ailleurs, il résulte du texte même de la circulaire précitée que les " détenus spécialement signalés ", tel le requérant, sont plus exposés encore à ce type de fouilles.45. Ces éléments confirment les dires du requérant selon lesquels il a été souvent l'objet de fouilles intégrales.Cependant, comme le souligne le Gouvernement, on ne saurait voir là une " routine " comparable à celle condamnée par la Cour dans les affaires Van der Ven et Lorsé précitées, dans lesquelles les requérants avaient été systématiquement, une fois par semaine, soumis à une fouille intégrale incluant chaque fois une inspection rectale.En l'espèce, les fouilles intégrales ont été imposées au requérant dans le contexte d'événements caractérisant leur nécessité quant à la sécurité ou la prévention des infractions pénales. En effet, elles sont intervenues soit avant son placement en cellule disciplinaire, dans le but de s'assurer qu'il ne dissimulait pas sur lui des choses avec lesquelles il aurait pu porter atteinte à son intégrité corporelle, soit après qu'il ait été en contact avec l'extérieur ou d'autres détenus, c'est-à-dire en situation de se voir remettre des objets ou substances prohibés. Par ailleurs, elles n'incluaient pas une inspection anale systématique.46. La Cour est en revanche frappée par le fait que, d'un lieu de détention à un autre, les modalités les plus intrusives dans l'intimité corporelle ont été appliquées de manière variable au requérant.Il ressort en effet des écrits non contestés de ce dernier qu'il fut pour la première fois contraint d'ouvrir la bouche au cours d'une fouille intégrale le 15 mars 1993, dans la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, alors qu'il était privé de liberté depuis le 1er décembre 1987. La Cour constate ensuite que le Gouvernement ne dément pas non plus que, par la suite, de fin janvier 1994 au 26 septembre 1994, le requérant s'y est vu contraint d'ouvrir la bouche dans le cadre de plusieurs fouilles intégrales, inopinées dans plus d'un cas, ou effectuées à l'issue d'un parloir et lors de deux sorties de l'établissement.Par ailleurs et surtout, le Gouvernement ne nie pas davantage que, dans la maison d'arrêt de Fresnes, où il fut transféré le 26 septembre 1994, le requérant fut durant deux ans, après chaque parloir, soumis à une fouille intégrale incluant en sus l'obligation " de se pencher et de tousser ", ni qu'il fut soumis à une telle fouille le 19 juin 1995 à l'issue de la première audience de son procès de 1995 devant la cour d'assises de Paris, ni que ses refus d'obtempérer lui valurent plusieurs envois en quartier disciplinaire.Si le nombre exact et la fréquence des fouilles intégrales incluant l'ordre d'ouvrir la bouche ou " de se pencher et de tousser " subies par le requérant ne sont pas connus, le Gouvernement reconnaît au moins onze événements de ce type, qui se sont produits les 15 mars 1993, 28 juin, 9 août, 13 septembre, 19 et 21 décembre 1994, 25 mars, 13 et 20 mai 1995, 26 et 27 mai 1996, après un parloir, au moment d'une extraction, à la suite d'une promenade ou à l'occasion du placement du requérant en cellule disciplinaire ; dans six de ces cas (les 19 et 21 décembre 1994, 25 mars, 13 et 20 mai 1995, et 27 mai 1996), le requérant avait refusé de " se pencher et tousser ". Il est donc crédible - eu égard en outre à ce qui précède (paragraphe 44) - que, durant la phase de détention du requérant qui s'est déroulée entre le début de 1993 et la fin de 1996, ce nombre et cette fréquence ont été notables.47. La Cour observe tout particulièrement que le requérant a été confronté à des inspections anales dans un seul des nombreux établissements qu'il a fréquentés, la maison d'arrêt de Fresnes. Elle relève ensuite que le Gouvernement ne prétend pas que, dans les circonstances particulières dans lesquelles elle s'inscrivait, chacune de ces mesures reposait sur des soupçons concrets et sérieux que le requérant dissimulait dans son anus des " objets ou substances prohibés " ; il n'allègue pas même qu'un changement de comportement du requérant le rendait particulièrement suspect à cet égard. Il ressort en fait des écrits non contestés de ce dernier que, dans cet établissement, soumis à la fouille après chaque parloir, les détenus se voyaient systématiquement ordonner de " se pencher et tousser ". Autrement dit, il y avait dans cet établissement une présomption que tout détenu revenant du parloir dissimulait de tels objets ou substances dans les parties les plus intimes de son corps.On ne saurait dire que des inspections anales pratiquées dans de telles conditions reposent comme il se doit sur un " impératif convaincant de sécurité " (arrêt Van der Ven précité, § 62), de défense de l'ordre ou de prévention des infractions pénales. La Cour comprend en conséquence que les détenus concernés, tel le requérant, aient le sentiment d'être de la sorte victimes de mesures arbitraires. Elle conçoit que ce sentiment soit accentué par le fait que le régime de la fouille des détenus en général, et des fouilles intégrales en particulier, d'une part est pour l'essentiel organisé par une instruction émanant de l'administration elle-même - la circulaire du 14 mars 1986 -, et d'autre part laisse au chef d'établissement un large pouvoir d'appréciation.voir, parmi d'autres, l'arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A no 25, § 162, ainsi que les arrêts Van der Ven et Lorsé précités, §§ 47 et 59 respectivement). La Cour a ainsi jugé un traitement " inhumain " au motif notamment qu'il avait été appliqué avec préméditation pendant des heures et qu'il avait causé soit des lésions corporelles, soit de vives souffrances physiques ou mentales ; elle a par ailleurs considéré qu'un traitement était " dégradant " en ce qu'il était de nature à inspirer à ses victimes des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à les humilier et à les avilir (voir, par exemple, les arrêts Kudła c. Pologne [GC], du 26 octobre 2000, no 30210/96, § 92, CEDH 2000-XI et Van der Ven et Lorsé précités, §§ 48 et 60 respectivement). Pour qu'une peine ou un traitement puisse être qualifié d'" inhumain " ou de " dégradant ", la souffrance ou l'humiliation doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement une forme donnée de traitement ou de peine légitimes (voir par exemple les arrêts V. c. Royaume-Uni [GC], no 24888/94, § 71, CEDH 1999-IX, et Van der Ven et Lorsé, références précitées).48. La Cour en déduit que les fouilles intégrales que le requérant a subies alors qu'il était détenu à la maison d'arrêt de Fresnes, entre septembre 1994 et décembre 1996, s'analysent en un traitement dégradant au sens de l'article 3. Il y a donc eu violation de cette disposition.Elle considère en revanche que le seuil de gravité requis n'est pas atteint en l'espèce pour qu'il y ait traitement " inhumain ".49. Enfin, la Cour ayant examiné la question des fouilles intégrales subies par le requérant sous l'angle de l'article 3 de la Convention et ayant conclu à une violation de cette disposition, il n'y a pas lieu de l'examiner aussi sous l'angle de l'article 8 de la Convention.(...)"2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
La Cour juge cependant les modalités susdécrites globalement adéquates ; selon elle, prise isolément, une fouille à corps qui se déroule de la sorte et qui est concrètement nécessaire pour assurer la sécurité dans une prison, défendre l'ordre ou prévenir des infractions pénales, n'est pas incompatible avec l'article 3 de la Convention : sauf spécificités tenant à la situation de la personne qui en fait l'objet, l'on ne saurait dire que par principe, une telle fouille implique un degré de souffrance ou d'humiliation dépassant l'inévitable (voir, mutatis mutandis, la décision Helen et Wilfred-Marvin Kleuver c. Norvège du 30 avril 2002, no 45837/99). La Cour précise que cela vaut même lorsqu'il est fait obligation au détenu de se pencher et de tousser en vue d'une inspection anale visuelle " dans les cas précis de recherches d'objet ou de substance prohibés ", étant entendu qu'une telle mesure n'est admissible que si elle est absolument nécessaire au regard des circonstances particulière dans lesquelles elle s'inscrit et s'il existe des soupçons concrets et sérieux que l'intéressé dissimule de tels objet ou substance dans cette partie de son corps.
Selon la Cour, ensemble, ce sentiment d'arbitraire, celui d'infériorité et l'angoisse qui y sont souvent associés, et celui d'une profonde atteinte à la dignité que provoque indubitablement l'obligation de se déshabiller devant autrui et de se soumettre à une inspection anale visuelle, en sus des autres mesures intrusives dans l'intimité que comportent les fouilles intégrales, caractérisent un degré d'humiliation dépassant celui - tolérable parce qu'inéluctable - que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus. De surcroît, l'humiliation ressentie par le requérant a été accentuée par le fait que ses refus de se plier à ces mesures lui ont valu, à plusieurs reprises, d'être sanctionné par des placements en cellule disciplinaire.