Durant cette nuit d’élections américaines, deux amies, l’une, noire, l’autre, blanche, et moi, sommes retrouvées par hasard autour d’un petit vase transparent dans lequel j’avais plongé une guirlande de grosses étoiles blanches en guise de feu de bois. Durant toute cette veillée, les étoiles scintillèrent discrètement au fur et à mesure que les ténèbres devenaient douces, joyeuses et humides.
A l'annonce des résuultats, d'autres petites étoiles brillèrent sur un visage aussitôt devenu radieux. Mais cette fois, c'était sur celui d'une femme peule dont le mari est perché sur les hauts strapontins de l'Etat. Elle lâcha spontanément mais avec émotion : « Ca fait plaisir de voir ça ! » avant de rajouter : "Il n'y a plus d'homme !"
Je la fixais de mon regard interrogateur.
Voulait-elle dire que le fauteuil est accessible à tous ? Même dans les pays où des hommes doués, à force d'être inutiles, voient leurs talents asphyxiés et leurs savoirs moisir dans des cerveaux se ramolissant de jour en jour ?
Non, c'est encore moi qui divague.
Peut-être que cette descendante de l'un de ces héros peuls adulés pour leur courage, avait juste besoin de vivre et de réactualiser les images jaunies et trop lointaines d'ancêtres valeureux chantées par des griots et quelques conteurs... Ces héros légendaires qui durant leurs combats, pour une cause ou une autre, étaient si occupés à défendre les honneurs et les vertus, jusqu'à nous léguer une Afrique complètement dénudée et déserte.
Mais il vaut mieux savourer cet évènement même si certains commentaires tel "Un Noeir à la Maison Blanche", poignardait mon plasir et l'empêchait d'être ordinaire comme celui que tout supporter éprouve à la victoire de son équipe ou son candidat. C'aurait été mieux que cet évènement n'en soit pas un. Qu'il soit ordinaire.
Mais toutes les larmes de joie violente, et surtout les images en noir et blanc d'hommes noirs pendus, lynchés, qui n'avaient pas droit de vote... tournant en boucle dans les reportages, assaillaient mon bonheur pour confirmer qu'il ne pouvait pas être ordinaire.
Est-ce pour cette raison que sur le visage du nouveau président victorieux, je découvris sa ressemblance physique avec Huey P.Newton* ?
Sinon que pouvons nous souhaiter au président le plus puissant du monde ? A toi qui pendant tous ces mois fut un talentueux candidat, et qui a reçu tant de bouquets d'espoirs, d'estime, de sympathie, de prières de la part de beaucoup d' humains de la terre, que tu figures "simplement" parmi le petit nombre des présidents du monde élus dans le coeur de leur peuple et de ceux des autres peuples.
Ainsi tu entendras, toi qui a aussi des racines du côté du Toit de l'Afrique, les grondements sourds du Kilimanjaro que ceux qui en sont plus proches n'ont presque jamais réussi à entendre.
Ces derniers mots sont des fleurs destinées au peuple américain : j'ai pensé : "Que Dieu ne maudisse pas l'Amérique" et j'ai scandé avec ce peuple "Que Dieu bénisse l'Amérique" tout en y ajoutant bien sûr, "et le reste du monde aussi !" Safi Ba