Avec quelques années d’avance sur Rica et Usbek, les épistoliers des Lettres Persanes, une princesse étrangère décrit, dans des lettres à sa tante, les fastes et les ridicules de la cour de Louis XIV. On l’appelle la princesse Palatine, elle a épousé Monsieur, frère du roi, et sa liberté de ton, sa franchise, ne lui attireront pas que des amis.
J’avais entendu parler de cette correspondance au détour de je ne sais quelle émission historique à la radio ; je me rappelais particulièrement une lettre que le 19e siècle avait reléguée en fin de volume à cause de sa trivialité. Un metteur en scène a eu l’excellente idée d’utiliser des fragments de cette correspondance pour monter un spectacle, donné actuellement à Paris.
On y découvre la princesse Palatine au fil du temps (matérialisé par l’évolution des costumes et des postiches qu’elle porte), d’abord jeune fille apprenant le rôle que lui dicte l’étiquette, moquée pour son manque d’élégance, puis femme plus sûre d’elle-même mais isolée à la cour car cible des complots et cabales qui occupent les courtisans, et enfin vieille femme espérant la mort, elle qui est pourtant devenue à la mort du Roi Soleil la mère du Régent.
La princesse a effectivement une plume acérée, que ce soit pour croquer les portraits de la défunte reine Marie-Thérèse (qui mangeait beaucoup d’ail et faisait paraître sa satisfaction lorsque le roi l’avait honorée de sa compagnie nocturne), de son époux aux dents gâtées (par ailleurs moins attiré par les charmes féminins que sous l’emprise de ses mignons), ou d’elle-même, « carrée comme un dé », le nez déformé par la petite vérole ; et surtout pour s’en prendre à celle qu’elle appelle la « vieille ordure », madame de Maintenon, l’épouse secrète du roi, celle qui éteignit les plaisirs de la Cour en convertissant le roi à la dévotion. Or la princesse Palatine s’endort aux messes, elle y a froid, et se plaît à rire grivoisement du sermonneur qui exhorta les dames à « s’ouvrir » à leur sauveur.
Les anecdotes plaisantes alternent avec les évocations plus graves, les enfants perdus, les guerres contre ses propres terres, la révocation de l’édit de Nantes, de même qu’oscille la faveur dont le roi l’honore.
Turpitudes familiales, menus royaux, intrigues donnant envie de rouvrir les Mémoires de Saint-Simon : allez au théâtre de Nesle faire un petit voyage dans le temps, à la découverte d’une princesse pleine de bon sens !