"Zabriskie point" : génération peace and love

Par Vierasouto


Film hippie, psychédélique, politique, poétique, road movie désertique filmé de façon somptueuse et hypnotique dans vallée de la mort, ce récit démarrant un peu comme un Godard militant, voire le cinéma vérité d'un Francesco Rosi dénonciateur, et basculant ensuite du coté de Barbet Schroder ("More", "La Vallée") dans la seconde partie, planant sur la musique de Pink Floyd et Grateful dead, est un voyage, un trip sous l’acide des années 70 (fin des 60, début des 70, "Blow up" s'intégrait dans la période précédente du swinging London), époque de tous les excès et toutes les libertés.

On n’oubliera pas de sitôt la fin du film paroxystique, extraordinaire feu d’artifice, explosions à répétition de la villa symbole du monde des affaires, se prolongeant par une succession de tableaux allant de plus en plus vers l’abstraction, ces objets décomposés, ces meubles démembrés, cette société de consommation en mille morceaux flottant dans le ciel et cet écran en feu, il faut le voir et le revoir, on est sidéré, scotché, récompensé d’avoir épousé le rythme Antonionien de la traversée du désert comportant quelques lenteurs plus que des longueurs…


Un jeune homme, témoin de l'assassinat d'un étudiant noir pendant des manif à LA, vole un avion pour échapper à l'accusation d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Parallèlement, une jeune fille ravissante en mini-robe verte comme les cactus géants du Nevada, de longs cheveux balayant ses reins, tente, en vadrouillant au volant de sa voiture, d’échapper à une réunion de travail dans un monde qui lui fait horreur. Ces deux-là vont s’aimer physiquement au milieu de l’immensité du désert où ils se sont perdus volontairement. Ce qui explique l’interdiction du film aux moins de 16 ans pour une célèbre scène fantasmée d’orgie où les corps nus parfaits et les cheveux s’entremêlent dans des étreintes très chorégraphiées où l’esthétique prend le pas sur le sensuel livrant ainsi un moment artistique pur.

Pessimiste et contestataire, dénonçant la société de consommation et les oppressions politiques, le film est beaucoup plus violent que la beauté de l’image et la fluidité de l’enchaînement des plans pourraient en laisser l’impression au spectateur, ébloui par la lumière transparente et les images sublimes qui se succèdent avec une perfection jamais prise en défaut. Entre pamphlet social et philosophie peace and love, c’est un film culte entre mille, et sans doute le plus créatif, le plus risqué d’Antonioni, bien qu’il s’intègre parfaitement à une époque de recherche du paradis pour tous sans entraves, de liberté sans tabous, une génération flower power qui ne cesse de nous faire rêver. Un film quasi expérimental, préfigurant sans doute le futur "Profession reporter" (1975).