Un petit historique sur la céramique du GRES suivit d'un court article sur sa présence au Mexique. La première partie provient du Conseil des Musées de Poitou-Charentes tandis que la seconde de votre serviteur. Merci pour vos commentaires. (j'ajouterais des photos dès que possible)
Le grès (en anglais Stoneware) est une céramique formée d’argile à forte teneur en silice. Sa cuisson à très haute température, 1 280°, le vitrifie et en fait une des seules céramiques imperméables. Le grès est donc différent des poteries en terre cuite et faïences, il n’a pas besoin d'un émail pour être étanche. Mais il est également différent des porcelaines blanches par sa texture opaque et colorée généralement grise ou marron.
Le grès peut être mat ou brillant. La glaçure caractéristique du grès est obtenue par projection de sel marin au cours de la cuisson. Le sel réagit avec la silice de la pâte et donne une fine couche de vernis. Cette technique d’émaillage par trempage de l’objet avant cuisson dans une couverte à base de feldspath et d’oxydes colorants fait la beauté des grès d’Extrême-Orient et des productions modernes. La qualité de l’émail dont les couleurs varient avec la cuisson n'a cessé de passionner les potiers du monde entier.
Le décor des grès est généralement constitué de motifs en reliefs (personnages, formes…) obtenus par moletage ou par collage d'éléments moulés ou modelés. Les motifs peuvent également être estampés (grès du Beauvaisis au 16e siècle par ex.). La couleur du décor est généralement le bleu cobalt, seul oxyde supportant la cuisson à haute température. La beauté de certains grès ne tient qu’à leur couverte obtenue par des oxydes métalliques qui leur donnent des tonalités variées.
La technique du grès fut mise au point en Chine dès l'époque des Han (3e siècle av. J.-C.) où une poterie très dure présentait déjà toutes les caractéristiques de cette céramique, mais ce n'est que sous les Tang, au 7e siècle, qu'apparaissent des produits plus fins qui, par leurs qualités de pâte et leurs couvertes de grand feu, annoncent la fabrication des porcelaines. Ils demeurent en occident une spécialité des pays nordiques (en Allemagne, dès le Moyen-Âge).
En France, les potiers du Beauvaisis et de Puisaye en Bourgogne pratiquèrent cette technique dès le 15e siècle. La production d’objets en grès subit un déclin avec l’apparition de la faïence au 17e siècle puis de la porcelaine au 18e siècle. Mais il faudra attendre la fin du 19e siècle pour voir des artistes passionnés tels que Jean-Joseph Carriès, Robert Deblander, Paul Jeanneney, Louis Lourioux, Daniel de Montmollin … redécouvrir cette technique.
En Angleterre Josiah Wedgwood créa en 1762 dans le Staffordshire la manufacture Etruria célèbre pour sa production de grès fin, mat, contenant du sulfate de baryum, ornés de bas-reliefs à l'antique se détachant (souvent en blanc) sur une pâte colorée par des oxydes.
À la fin du 19e siècle, des potiers comme Carriès, Decœur, Delaherche, Chaplet en firent l'objet de leur recherche. Le céramiste Alexandre Bigot fabriqua de nombreux décors architectoniques comme les crochets du clocher de l’église de Saint-Julien-l’Ars. La manufacture de Chauvigny en Poitou se fit une spécialité des grès flammés obtenus par irisation de l’émail au cours de la cuisson au bois dans une atmosphère réductrice.
Utilisées de nos jours, en général, par de petits ateliers d'art, à la différence des manufactures du 18e siècle au début du 20e siècle, les pâtes sont mises en œuvre, bien souvent, par tournage, et toute la valeur des pièces réside dans la sensibilité de leur ligne ou l’originalité de leur forme. Les pièces, grès commun, grès fin ou faïence fine se différencient les unes des autres par le degré de température auquel elles sont soumises au cours de leur cuisson. Jean et Jacqueline Lerat de Bourges ou Vassil Ivanoff à La Borne en seront d’éminents initiateurs au milieu du 20e siècle.
Au Mexique, bien que l’époque pré hispanique nous ai laissée quelques pots et que la conquête espagnole est introduit de nouvelles techniques de terre cuite a basse température, ce n’est que vers le milieu du 19ème siècle qu’est apparut la céramique à haute température ou grès, développée notamment par deux céramistes devenus des références mondiales ; Jorge Wilmot et Ken Edwards :
Juan Jorge Wilmot Mason, est un artiste mexicain né à Monterrey en 1928. Après avoir étudié la céramique a l’institut Franco-Italien de Paris en 1953 et travaillé en Suède avec le céramiste Limberg Koge Londgren ainsi qu’en Suisse, Jorge Wilmot revint au Mexique pour installer son propre atelier ainsi qu’une école de céramique à Tonala en 1958. Depuis les années 1970, son travail est exposé entre autre au Mexique, en France ou au Canada où ses œuvres ont reçues de nombreux prix prestigieux. Bien que Wilmot ai débuté avec la poterie traditionnelle mexicaine comme le Barro bruñido, la reconnaissance internationale est venue par l'introduction de l'ancien art chinois du grès à Tonalá et au Mexique en général. Avec Ken Edwards (voir plus loin), il fut le premier artisan a installer un four pour le grès à Tonala.
Ken Edwards est né à Kansas City, Missouri. Après avoir obtenu son diplôme de sculpture et céramique au Kansas City Art Institute, il s’installe dans le village mexicain de Tonala et commence à produire ses propres créations, de converse avec son ami Wilmot.
Aujourd’hui, les ateliers de fabrication du grès sont présents dans presque tous les états mexicains : Jalisco, Morelos, Chihuahua, Campeche, Veracruz, Durango… Et si l’atelier et la boutique de Ken Edwards subsiste toujours à Tlaquepaqué, celui de Jorge Wilmot n’est plus mais de nouveaux artistes ont pris le relais tel que Rodo Padilla et d’autres artisans moins connus mais habitants toujours le petit village (devenu grand) de Tonala.
Le Mexique restera toujours pour moi une source inépuisable de création.
Philippe Delage