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S'il fallait une preuve supplémentaire de l'urgente nécessité, pour la gauche de ce pays, de faire évoluer son modèle de pensée, son positionnement idéologique absurde sur le service minimum en cas de grève en est la dernière en date.
Que cet héritage culturel fasse loi dans le discours d'une gauche radicale définitivement plombée par ses archaïsmes, on peut le comprendre. Mais que les socialistes persistent à se vautrer dans cet affichage moyenâgeux, en dit long sur la rigidité chronique de leurs fondamentaux.
Pour des soi-disant réformateurs qui occupent l'essentiel de leur temps à vendre a des sympathisants désabusés une réforme du parti et un renouveau des idées, prétendre qu'au nom de je ne sais quelle atteinte au droit de grève des enseignants il est préférable de laisser les élèves et leurs parents se démerder dans un bordel urbain insupportable, est une ineptie de plus.
Comme d’habitude, et conformément à des méthodes qui trahissent parfaitement la néantitude de leur appareil d’opposition, les voilà repartis sur le seul terrain qu’ils sont capables d’exploiter : celui de l’obstruction idéologique.
Quel meilleur moyen de perdre de l’épaisseur que de camper sur des principes édictés par des syndicats d’enseignants qui s’étouffent de leur corporatisme depuis 40 ans, et qu’une immense majorité d’électeurs/parents, de gauche comme de droite, ne peut plus voir en peinture ?
Faut-il que les vieux états d’âme gauchistes confinent à ce point à la crétinerie, pour utiliser le calvaire de milliers de citoyens comme un outil de résistance politique et se contenter de voir comme un mal nécessaire le foutoir généré par les grèves à répétition de l’éducation nationale ? ( la 3eme en moins d’un an…)
Ce gouvernement, comme son opposition, savent mieux que quiconque que le fond de commerce des grands syndicats d’enseignants consiste à exhiber comme un furoncle cet hypothétique service minimum et à le présenter comme un coup fatal porté au droit de grève.
Leur demander de s’extirper de leur mauvaise foi légendaire et d’envisager de faire un pas vers le progrès social que serait cette mesure de bon sens, reviendrait à obliger un goinfre à se limer les dents.
Au lieu de ça, on affiche comme un trophée la bonne trentaine de ministres que leur pouvoir de nuisance a mis à genoux. Mettre en garde les éventuels futurs réformateurs, telle est plutôt la stratégie prioritaire. A la moindre démonstration de rigueur, à l’évocation du moindre décret, ils jetteront le législateur dans la fosse du libéralisme sauvage et en feront un salopard liberticide. Qu’on se le dise…
Que ces leaders syndicaux restent obstinément sur ce chemin, on peut presque les comprendre : des décennies de réformes systématiquement retoquées, des générations de ministres déculottés, fessés puis éjectés, des moyens de pression parfaitement rodés et dissuasifs et au final, un contrôle absolu sur ce qu’il faut bien appeler un camp retranché dans l’état…
Pourquoi changer d’un iota les ingrédients qui permettent une telle hégémonie corporatiste?!
Mais que la 2eme force politique de ce pays sensée présenter une alternative cohérente et novatrice au quinquennat sarkozien, ne voit pas dans cette polémique l’occasion de sortir de ses combats d’arrière garde ridicules, est désespérant de bêtise.
Qu’y a-t-il à espérer dans ce soutien affirmé à l’intransigeance imposée par les meneurs des centrales syndicales ? La perspective, s’ils reviennent aux affaires, d’un retour sur investissement sous forme d’une relative paix sociale ? La volonté de fidéliser un électorat ?
On n’ose croire que les cadres du PS soient à ce point candides pour en oublier que dans les coups de pompe distribués par les enseignants à leurs divers ministres de tutelle, quelques uns ont atterris dans des culs socialistes et y ont laissé quelques cuisantes traces.
Ils ne peuvent ignorer qu’au moment de défendre des acquis et de rappeler à l’exécutif qu’il est hors de question que ne leur soit imposée quelque réforme que ce soit, ce bastion de l’immobilisme se torchera des couleurs politiques pour ne voir que son intérêt.
Il faut être sérieux : ce service minimum, vieux serpent de mer, ne peut que s’imposer dans une société qui ne peut plus se permettre d’absorber les débordements d’une minorité qui a décidé de manifester son mécontentement comme si le pays était resté figé en 68.
En 2008, les conséquences de ces mouvements sociaux ou l’on traite par-dessus la jambe les dégâts collatéraux infligés au reste de la population, sont devenues aussi ingérables qu’impopulaires.
Les socialistes ne peuvent pas éluder cette vérité incontournable en se cachant derrière le petit doigt de leur fibre réactionnaire. Leurs salamaleques pour s’afficher spontanément au chevet du gréviste (surtout quand il peut constituer un allié électoral) sans distinction de la cause et des effets de son action, ne passe plus auprès de la masse qui doit se battre et se débattre à chaque fois pour assurer son quotidien et celui de sa famille.
Ne pas intégrer ce phénomène serait faire preuve d’une naïveté indéfendable, voire d’une obstination manifeste à vouloir errer dans les méandres de leurs utopies idéalistes.
Nicolas Sarkozy a raison de vouloir passer par la loi pour mettre en place ce qui, si ce pays était raisonnablement réformable, aurait du être opérationnel depuis bien longtemps sans avoir besoin de légiférer.
Et les socialistes devraient s’en réjouir !
Car si ce projet va à son terme, voilà un bâton merdeux de plus à coller au discrédit d’une droite qu’ils accuseront de tous les maux, mais dont ils se garderont bien de détricoter les mesures classées "sensibles" en cas de victoire en 2012.
Service minimum dans les transports et l’éducation nationale, réforme des retraites et des régimes spéciaux, justice, code du travail… Toutes ces "matières dangereuses" à manipuler avec précaution et que les socialistes, en leur temps, ont soigneusement poussées dans le fond du garage et méticuleusement recouvertes de poussière.
Alors de quoi se plaignent-ils ? A quoi riment leurs cris d’Orfraie ?...
Toutes ces réformes qu’il était plus que nécessaire d’engager mais qu’il était urgent de ne pas toucher du doigt, ce gouvernement tant décrié en assume l’impopularité et les risques qui vont avec.
Dans le cas d'un retour aux commandes de l'état, le beau rôle ne serait-il pas celui d’aménager les réformes en place sans avoir eu à en subir le lynchage politique et social réservé à ceux qui les décrètent et les votent?
L’honnêteté intellectuelle voudrait donc qu’à demi mots, les socialistes n’en rajoutent pas des tonnes sur ce service minimum qu’ils savent inéluctable, et qu’ils fassent, pour une fois, passer l’intérêt général de millions de parents avant leurs velléités dogmatiques.
Jouer le jeu des communes solidaires dans l’accueil des enfants ne serait-ce qu’une journée, sans arrière pensée, eut été le signe fort d’une évolution des mentalités au cœur du PS.
Tel ne fut pas le cas.
Probablement leur faudra t-il quelques quinquennats de purgatoire pour atteindre la maturité d’une réelle remise en question.
Malheureusement pour le bon équilibre de ce pays, remise en question et aggiornamento ne sont pas à l’ordre du jour rue de Solferino.
Il suffisait, pour s’en convaincre, d’écouter il y a quelques minutes, Mme Aubry débiter avec un aplomb sidérant un bilan idyllique et les vertus salutaires de ses 35 heures à Laurence Ferrari, et lui faire part sans sourciller de sa honte de voir son pays à la traine économique, raillé et déchu de son rang international.
On l’aura compris, en cause les incohérences des gouvernements de droite et en aucun cas les effets suicidaires de sa loi...
Remise en question on vous dit…