Peu importe…
Cependant, il faut en tirer un enseignement et quelques conclusions pas toujours bonnes à entendre:
Puisque nous avons laissé se dérouler au cœur même de notre mode sociétal cet interventionnisme religieux conquérant sans le maitriser ni même en modérer les élans, nous nous devrons d’en assumer sans nous plaindre les dommages collatéraux !
En effet, quoi de plus logique à ce que nous assistions quotidiennement à une remise en question de nos principes laïcs les plus établis, quand, par peur de se voir affublé du bonnet de l’intolérance et du sectarisme, nous avons laissé des années durant les désidératas de certains religieux influants les rogner jusqu’à l’os ?
Le débat véhiculé autour de ce renvoi de procès pour cause de ramadan en Ille et Vilaine et les démonstrations d’indignation collective qu’il suscite sont d’une hypocrisie achevée.
Qui peut encore s’étonner en France de ce genre d’aberration quand chaque jour apporte son lot d’exemples plus ou moins révoltants de détricotage en règle de la laïcité ?
A quoi sert-il de s’estomaquer, quand on a laissé frilosité, laxisme et politiquement correct enrober ces questions au point d’avoir laissé béantes des portes dans lesquelles les pressions communautaires se sont ruées ?
L’avocat de ce braqueur, lui, n’a fait que surfer sur ce phénomène, et le moins que l’on puisse en dire est qu’il a été bien inspiré, puisque le procureur général a immédiatement accédé à sa requête, préférant sans doutes renvoyer les désirs de justice des parties civiles aux calendes grecques, plutôt que de risquer de laisser se cristalliser une polémique autour d'un sujet aussi sensible !
Après tout, si pour ménager certaines susceptibilités religieuses nous sommes capables d’accepter de priver nos gosses de viande dans les cantines scolaires, d’interdire certains jours de piscine aux hommes ou d’annuler un mariage pour défaut de virginité, pourquoi serait-il saugrenu d’user des injonctions de l’islam pour mettre au pas cadencé la justice républicaine ?!...
C’est probablement ce genre de raisonnement qui a trotté dans le cerveau opportuniste de maître Choucq.
Au passage, il est amusant de penser que même dans les plus déshumanisées des républiques islamiques, il est hors de question d’exonérer quelque quidam que ce soit de sa parution devant un tribunal pendant les 28 jours de jeune…
Il est donc à craindre malheureusement que les insuffisances de ce procureur vont générer des dizaines de Me Choucq qui s’engouffreront dans cette brèche sans aucune retenue.
En résumé, nous récoltons les fruits trop mûrs de ce que nous avons méticuleusement semé. En nous octroyant pompeusement cette image de pays des droits et des libertés de culte, nous nous sommes imaginé que les contours du raisonnable allaient se dessiner tout seuls et que le bon sens de chacun nous garantirait des débordements.
Présomptueuse naïveté… ou irresponsable connerie.
Sans vouloir passer pour le fataliste de service, il est clair que le mal est fait et qu’un demi-tour n’est pas envisageable, tant le gouvernement qui aura les tripes de redéfinir de vrais cadres à notre laïcité n’est pas prêt de voir le jour.
Il faudra donc s’attendre à ce que les particularismes religieux interviennent de plus en plus souvent dans le déroulement et le fonctionnement de notre société future, avec les non-sens prévisibles qu’ils engendreront !
Quand nous en serons arrivés à légaliser les absences au travail pour cause de pèlerinage, à intégrer le temps de prière dans l’horaire hebdomadaire, à faire disparaitre les croix ostentatoires aux frontons des pharmacies et à vider, par la loi, les maternités publiques de leurs praticiens de sexe masculin, je pense que nous serons encore loin d’avoir tout vu.
Car ceux qui instrumentalisent la religion pour imposer des modes de société moyenâgeux n’ont pas fini d’exploiter notre complaisance coupable.
Les extravagances qu’ils exigeront demain de la république au nom du respect légitime de leur croyance, ne seront que les effets indésirables de notre irresponsable passivité d’aujourd’hui.
Et de toute façon, il sera bien trop tard pour nous retourner et tirer à boulets rouges sur ceux à qui nous avons autorisé les excès.
C’est donc sans réelle surprise que nous accueillons cette affaire du tribunal d’Ille et Vilaine, et c’est sans réelle surprise qu’il faudra accueillir celles que l’avenir nous réserve.
Oh bien sûr nous continuerons de nous indigner et de ne pas comprendre pourquoi ce qui devrait se cantonner exclusivement à la sphère privée devient une succession de contraintes publiques.
Mais qu’avons-nous fait pour endiguer cette vague quand elle a commencé à grossir ?
Nous nous sommes contentés de nous indigner en famille devant l’inéquité scandaleuse de la composition des repas scolaires ou les remous invraisemblables provoqués par un sapin de Noël dans un préau.
Nous avons pesté dans nos salons en apprenant que les dates d’examens scolaires étaient choisies en fonction des fêtes juives, ou que de plus en plus de gynécologues se font casser la gueule à l’hôpital pour avoir ausculté une maman musulmane.
Nous nous sommes tous étonnés entre amis de constater que dans certains quartiers il était devenu impossible de voir 10cm2 de la peau des femmes que nous croisons sur le trottoir.
Pourtant jamais nous n’avons osé braver cette sacro-sainte barrière du jugement populaire et de sa "bien-pensance" moralisatrice, qui risquait de faire de nous des "judéophobes", des "islamophobes" ou des "christianophobes", voire des racistes, des antisémites ou des fascistes.
Nous sommes donc sagement restés au chaud dans nos pénates, en laissant le champ libre aux revendications idéologiques les plus farfelues plutôt que de risquer le masque de ignominie.
Encore une fois, le pratiquant lambda, lui, sera celui qui aura le plus à perdre de cette instrumentalisation de sa religion. Lui qui constitue l’immense majorité de sa communauté et qui concilie sans aucun problème culte et vie sociale, sera la première victime de ces dérives par le discrédit qu’elles jettent sur sa foi.
D’ailleurs, les réactions des musulmans dès l’annonce de cette décision de justice d’Ille et Vilaine sont unanimes. Ils réaffirment dans leur ensemble qu’en aucun cas la pratique du ramadan ne permet de soustraire, même temporairement, un des leurs à la justice.
Leur ferveur à dénoncer cette décision judiciaire insensée témoigne de leurs inquiétudes de voir à nouveau l’islam montré du doigt, et ils ont raison.
En conclusion, tous ensemble nous avons passivement laissé faire, et tous ensemble nous auront beaucoup à y perdre.
Nous avons juste un peu oublié que notre laïcité comme nos croyances ne sont que des illusions si elles outrepassent leurs règles.
Maître Choucq et son procureur général, eux, s’en foutent prodigieusement...