Il faudrait vraiment être aveugle et sourd pour ne pas voir la fascination
qu’exerce sur notre président tout ce qui tend au spirituel et au religieux, et
la véritable "mutation physique" que le simple contact d’un haut dignitaire
peut opérer sur lui.
Disons le tout net, j’ai un mal profond à m’y habituer, pas tant par son coté
bigot (qui ne regarde que lui) que part ses aspirations évidentes à faire
entrer des deux pieds dans notre démocratie, les 10 commandements de sa laïcité
à lui.
Il faut dire qu’il est parfaitement épaulé dans cette tâche par
Emmanuelle Mignon (bien connue pour ses idées lumineuses...), la
nonne de service en charge de l’interprétation exacte de ses égarements
mystiques et donc de la rédaction de chacun de ses discours ciblés
"culte".
Discours du pape Benoît XVI et de Nicolas Sarkozy
Et celui de vendredi à l’Elysée aura été un modèle du genre, que
Nicolas-le-pieux, manifestement ébloui par son très
saint ôte, aura ponctué de quelques 24 "Très Saint-Père", soit un peu
plus d’un par minute.
Bien sûr les mots sont choisis à la syllabe prêt, le ton se veut apaisant
presque monastique mais le message est là et bien là. Ses discours antérieurs
avaient préparé le terrain bien avant et n’avaient dupé personne.
Cette visite pontificale et la dimension que le chef de l’état s’évertue à lui
donner va marquer un tournant à mon sens décisif.
Car on peut retourner les allusions, les sous entendus, les demi mots dans tous
les sens, Nicolas Sarkozy est bel et bien en train de
détricoter en douceur notre laïcité dans sa forme actuelle.
Oh pas dans les textes, la loi de 1905 veillant au grain, mais en
voulant nous faire croire que nous en faisons une interprétation erronée, pire,
une utilisation en décalage avec notre société d’aujourd’hui.
Alors pour palier à nos insuffisances, il a naturellement choisi ce grand
rendez-vous papal pour exposer sa vision de la laïcité, cette fameuse "laïcité
positive" qui attend patiemment dans les cartons élyséens depuis quelques
mois.
Une laïcité qui "rassemble et qui dialogue, et pas une laïcité qui
exclut et qui dénonce", nous a-t-il asséné sans sourciller.
Une laïcité "ouverte, une invitation au dialogue, à la tolérance et
au respect" ajoutera-t-il, soulignant que se passer des religions
serait "une folie, une faute contre la culture et la
pensée".
Bigre ! Rien que ça…
Depuis 1905 donc, nous n’aurions cessé de nous appuyer sur des valeurs ineptes
?!
Nous aurions soumis depuis plus d’un siècle les religions pratiquées sur notre
sol à l’arbitraire de l’exclusion et de la délation ?!
Nous les aurions éloignées du dialogue démocratique et dépossédées de leur
droit au respect et à la tolérance ?!...
Nous aurions laissé planer la menace d’une société débarrassée des religions
?!
Tout cela sous le joug d’une laïcité inadaptée ?
Dans le genre malhonnêteté intellectuelle, on peut difficilement faire mieux.
Surtout devant un auditoire de 740 officiels et quelques millions de
téléspectateurs.
Si les religions et croyances qui sont pratiquées dans ce pays ont tellement
été exclues de tout dialogue par nos préceptes laïcs, il serait bon de nous
expliquer comment elles ont pu outrepasser dans bien des domaines les limites
du raisonnable et s’octroyer des libertés qui ont dépassé, et de loin, les
règles d’équilibre qu’on est en droit d’attendre.
Le respect et la tolérance que le président appelle curieusement de ses vœux
dans sa laïcité "2.0", voilà des années que certaines obédiences en usent et en
abusent, profitant pleinement de la terreur que provoque dans nos bonnes
consciences le spectre de la "religiophobie". Spectre que bon nombre agitent
sans hésiter au moindre sursaut de contestation.
Dans quel autre pays le dialogue inter religieux/état est-il plus ouvert et
respectueux qu’en France ?
Que signifie concrètement plus de respect, plus de tolérance, plus de dialogue
?
Si la réponse se traduit par une intrusion plus marquée de l’argumentaire
religieux dans l’élaboration permanente de notre société, non seulement nous
courons au désastre politique mais nous régressons inexorablement, au mépris
des leçons de notre histoire et du spectacle affligeants de ces nations qui ont
laissé de pieux dignitaires présider un peu trop à leur destinée.
Le sujet est sensible dans notre pays, et c’est plutôt une bonne nouvelle.
Quoiqu’on en dise, les français sont très attachés à cette laïcité qu’ils
perçoivent comme le meilleur pare-feu aux divers fondamentalismes de tous
bords.
N’en déplaise au chef de l’état, vouloir faire croire que cette
vénérable institution se doit de s'enrichir de valeurs nouvelles qui ne sont
rien d’autre que les piliers fondamentaux qui la composent depuis des lustres,
c’est nous prendre pour les truffes que nous ne sommes pas !
Si réflexion il doit y avoir sur l’état de notre laïcité, elle doit
porter sur les moyens d’en rappeler énergiquement les contours à ceux qui en
exploitent les moindres failles à des fins prosélytes, et dans l’absolue
nécessité d’y cantonner tout ce beau monde.
Nicolas Sarkozy, on l’a bien compris, compte bien mener de
front quinquennat et croisade spirituelle, et ne s’arrêtera pas en
chemin.
J’ai bien peur qu’à terme il nous colle une dose de "spiritique" à tous les
étages de la république et qu’à l’instar de ses homologues américains, il ne
sache plus prononcer quatre phrases sans y apposer le mot "dieu"…
Nous devrons nous y faire : il est de moins en moins contestable que nous avons
installé au pouvoir un indécrottable cul-béni !.
Souhaitons que la lumière céleste qui semble lui illuminer le plafond le laisse
terminer son (ou ses) mandat(s)dans les meilleurs dispositions intellectuelles
avant qu’elle n’en fasse, comme son illustre prédécesseur socialiste, une sorte
d’ectoplasme mystique convaincu d’être investi d’une divine destinée.
L’avenir va rapidement le dire.
Quant
aux détracteurs de la venue de Benoît XVI sur notre sol, il
est difficile de leur accorder un quelconque crédit.
Chacun peut encenser ou dénigrer ce pape en regard de sa sensibilité propre,
mais pas lui reprocher sa venue sur un sol dont l’histoire est indissociable du
christianisme et qui compte des millions de fidèles.
Bien entendu, on pourra toujours ergoter sur la débauche de moyens, le
protocole, le financement…
Mais qu’aurait-il fallu faire ?
Le laisser à nos portes pour sanctionner ses dérives traditionalistes, ses
accointances avec l’Opus Deï, ses positions débiles sur
l’avortement ou ses hésitations coupables sur les prêtres pédophiles ?
Faire peser sur ses seules épaules le poids des positions discutables défendues
par l’église toute entière depuis des décennies et lui refuser ce que la
république française accorde pompeusement aux plus grotesques chefs d’états de
ce monde ?
Ça n’est pas sérieux…
Et puis voilà qui donnera à la gauche de ce pays, Mélenchon en
tête, une occasion supplémentaire de faire étalage de son dogmatisme pétrifié
et profiter de la tenue, pendant le séjour papal, de la Fête de
l’Humma pour y déverser au porte-voix les bonnes vielles âneries
anticléricales indispensables aux oreilles de tout bon gauchiste qui se
respecte.
L’occasion aussi d’en remettre une couche "à chaud" sur la bête immonde qui
trône sur l’autel élyséen.
Amen.