Mentionnons d'abord que la cocaïne (de même que les amphétamines) se classe parmi les agents qu'on dit stimulants du système nerveux central. Si une grande part de l'information présentée ici s'applique aussi à la dépendance à l'alcool et aux autres drogues, certaines données concernent spécifiquement cette famille d'agents chimiques.
La dépendance est le fait de chercher à consommer une substance de façon compulsive sans égard aux conséquences négatives (sociales, psychologiques et physiologiques) de cette consommation. La dépendance semble se développer lorsqu'un usage répété de la substance modifie certains neurones (cellules nerveuses) du cerveau. On sait que les neurones libèrent des neurotransmetteurs (diverses substances chimiques) pour communiquer entre eux; chaque neurone peut libérer des neurotransmetteurs et en recevoir (par le moyen de récepteurs). On croit que ces stimulants amènent une modification physiologique permanente de certains récepteurs des neurones, affectant ainsi leur fonctionnement général. De plus, les stimulants du système nerveux central (dont la cocaïne) augmentent le taux de trois neurotransmetteurs dans le cerveau : la dopamine, la norépinéphrine et la sérotonine.
La dopamine. Elle est normalement libérée par les neurones pour activer les réflexes de satisfaction. L'excès de dopamine semble le principal problème de la dépendance, car les réflexes de satisfaction ne se déclenchent plus normalement dans le cerveau.
La norépinéphrine. Normalement libérée en réponse au stress, elle provoque l'accélération du rythme cardiaque, l'élévation de la pression sanguine et d'autres symptômes ressemblant à ceux de l'hypertension. Le sujet expérimente un accroissement de l'activité motrice, avec de légers tremblements dans les extrémités.
La sérotonine. La sérotonine participe à la régulation de l'humeur, de l'appétit et du sommeil. Elle exerce une action calmante sur le corps.
Les recherches récentes indiquent que les drogues génératrices de dépendance altèrent les fonctions cérébrales d'une manière qui persiste après que la personne ait cessé de consommer. Les difficultés de santé, de relations sociales et de travail qui accompagnent souvent l'abus de ces substances ne se terminent donc pas nécessairement à l'arrêt de la consommation. Les spécialistes voient la dépendance comme un problème chronique. Il semble que la cocaïne soit la drogue qui présente le plus grand risque de dépendance, et cela, en raison de son puissant effet euphorique et de sa rapidité d'action.
Origine de la cocaïne
Les feuilles de l'Erythroxyloncoca, une plante originaire du Pérou et de la Bolivie, étaient mâchées par les peuples amérindiens et par les conquistadors qui appréciaient son effet tonique. Cette plante aidait par ailleurs à diminuer la sensation de faim et de soif. Ce n'est que vers le milieu du XIXe siècle que l'on extrait la cocaïne pure de cette plante. À cette époque, les médecins l'utilisaient comme substance tonique dans de nombreux remèdes. De nos jours, la médecine réserve son usage entre autres à la fabrication d'anesthésiants locaux et de sirops contre la toux. Sa présence comme ingrédient dans la boisson originale « coca-cola » est probablement la plus connue (la boisson en est exempte depuis plusieurs années).
Formes de cocaïne
Les personnes qui abusent de la cocaïne la consomment sous l'une ou l'autre des deux formes chimiques suivantes : le chlorhydrate de cocaïne et le crack (freebase). Le chlorhydrate de cocaïne est une poudre blanche qui peut être reniflée, fumée ou dissoute dans l'eau puis injectée par voie intraveineuse. Le crack quant à lui s'obtient par une transformation chimique du chlorhydrate de cocaïne afin d'en obtenir une pâte dure qui se fume.
Prévalence de la dépendance
Le National Institute on Drug Abuse des États-Unis (NIDA) affirme que le nombre total de consommateurs de cocaïne et de crack a diminué depuis dix ans. La surdose de cocaïne est la plus importante cause des admissions liées aux drogues dans les hôpitaux des États-Unis et d'Europe. D'après les données d'enquêtes canadiennes, la prévalence de l'usage de la cocaïne au sein de la population canadienne est de 0,7 %, un taux identique à celui des États-Unis. Suivant ces mêmes enquêtes, les hommes sont deux fois plus nombreux à déclarer consommer de la cocaïne que les femmes.
Symptômes
Les signes physiologiques et psychologiques reliés à l'usage de la cocaïne sont attribuables à ses effets stimulants puissants sur les systèmes nerveux, cardiovasculaire, gastro-intestinal et respiratoire du corps.
- Signes particuliers rattachés à l'usage de la cocaïne :
- une sensation d'euphorie;
- un état de contemplation;
- une poussée d'énergie;
- une accélération de la parole;
- la réduction du besoin de dormir et de manger;
- parfois, une facilité à exécuter des tâches intellectuelles et physiques, mais avec une perte de jugement;
- l'accélération du rythme cardiaque;
- l'élévation de la pression sanguine;
- une respiration plus rapide;
- la bouche sèche.
Les effets de la cocaïne s'accentuent avec la dose. La sensation d'euphorie peut s'intensifier et créer une forte agitation, de l'anxiété et, dans certains cas, de la paranoïa. De fortes doses peuvent entraîner des dommages sérieux et mettre la vie en danger.
Risques pour la santé d'un usage à long terme
- Risques pour le consommateur :
- certaines réactions allergiques;
- perte d'appétit et de poids;
- hallucinations;
- insomnie;
- dommages aux cellules du foie et des poumons;
- problèmes aux voies respiratoires (congestion nasale chronique, dommages permanents au cartilage de la cloison nasale, perte du sens de l'odorat, difficulté à avaler);
- problèmes cardiovasculaires (hausse de la pression sanguine, irrégularité du rythme cardiaque, fibrillation ventriculaire, convulsions, coma, arrêt cardiaque);
- problèmes pulmonaires (douleurs à la poitrine, arrêt respiratoire);
- problèmes neurologiques (maux de tête, excitabilité, dépression profonde, idées suicidaires);
- problèmes gastro-intestinaux (douleurs abdominales, nausées);
- hépatite C en raison de l'échange d'aiguilles;
- infection au VIH (les usagers de cocaïne ont davantage tendance à adopter des comportements à risque, comme l'échange d'aiguilles et les rapports sexuels non protégés).
La cocaïne peut aussi entraîner des complications liées à certains problèmes de santé si la personne en souffre déjà (notamment : maladies du foie, syndrome de la Tourette, hyperthyroïdie).
Mentionnons également que la combinaison cocaïne-alcool constitue la cause la plus fréquente de mortalité liée à l'usage de drogue. - Risques pour le foetus :
- mort (avortement spontané);
- naissance prématurée;
- anomalies physiologiques;
- poids et taille inférieurs à la normale;
- à long terme : troubles du sommeil et du comportement. - Risques pour le bébé nourri au sein (la cocaïne passe dans le lait maternel) :
- convulsions;
- élévation de la pression sanguine;
- accélération du rythme cardiaque;
- problèmes respiratoires;
- irritabilité inhabituelle. - Effets secondaires du sevrage :
- dépression, somnolence excessive, épuisement, maux de tête, faim, irritabilité et difficulté de concentration;
- dans certains cas, tentatives de suicide, paranoïa et perte de contact avec la réalité (délire psychotique).
Personnes à risque
- Les données actuelles démontrent que les personnes manifestant un manque d'assurance, de la dépendance affective ou une attitude passive-agressive sont plus susceptibles de devenir dépendantes de drogues.
- Les chercheurs n'ont pas encore trouvé de « gène de la dépendance », mais croient néanmoins qu'un facteur génétique peut être en cause.
Facteurs de risque
À cause de son effet modificateur extrêmement rapide sur les neurones, la cocaïne peut entraîner une dépendance physique et psychique très forte après un très petit nombre d'utilisations.
Traitement général
Selon le National Institute on Drug Abuse (NIDA), une stratégie de soin doit prendre en considération tous les aspects de la dépendance; conséquemment, les traitements doivent toucher tant la biologie et le comportement que le contexte social. Les traitements devraient être conçus en fonction de chaque individu, car aucun traitement ne peut s'appliquer à toutes les personnes. Par ailleurs, selon un article publié dans la revue médicale The Lancet, en 1996 : « Il n'est pas réaliste de s'attendre à la guérison après un traitement, pas plus qu'il ne le serait pour n'importe quelle maladie chronique. Les changements durables entraînés par l'usage de drogues génératrices de dépendance demeurent après le sevrage et exigent un traitement d'entretien continu - qu'il soit psychosocial, pharmacologique, ou les deux. »
L'approche classique comprend deux aspects
Pour parvenir au sevrage, il faut évidemment d'abord cesser de consommer et mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour ne plus se trouver en contact avec la substance. Si le sevrage entraîne des manifestations graves (délire psychotique ou dépression), il est nécessaire de consulter un médecin. Le traitement de la dépendance comprend des médicaments et des interventions comportementales.
Pharmacothérapie
Pour l’instant, il n’existe pas de traitement pharmacologique de la dépendance. En revanche, des médicaments se sont avérés efficaces pour traiter certains effets secondaires durant le sevrage, comme la dépression ou les crises. Parmi ceux-ci, mentionnons les antidépresseurs, les régulateurs de la dopamine (amantadine, apomorphine, bromocriptine) et les anticonvulsivants. Chez les usagers intoxiqués à la fois aux opiacés (par exemple, l’héroïne) et à la cocaïne, des études ont démontré que la méthadone peut aider à réduire la consommation de cocaïne.
Interventions comportementales
Il s'agit ensuite de trouver une aide psychothérapeutique pour prévenir les rechutes.
La thérapie cognitivo-comportementale, appelée aussi approche « behaviorale », se base sur l'idée que les processus d'apprentissage jouent un rôle déterminant dans le développement d'un comportement mésadapté; par conséquent, toute personne peut désapprendre un comportement et en apprendre un autre, mieux adapté (à ses besoins actuels). Les nouveaux comportements appris durant le counseling permettent à l'individu d'utiliser la stratégie adéquate (différente d'une personne à l'autre) pour :
- éviter tout contact avec la substance;
- faire face aux états de manque;
- reconnaître les signes avant-coureurs d'un état de manque et trouver les moyens de l'éviter;
- résister à l'impulsion de consommer de nouveau.
Selon le NIDA, l'expérience démontre que les habiletés acquises durant les thérapies de ce type demeurent accessibles aux dépendants après la fin de leur traitement. Dans plusieurs cas, le counseling avec les membres de la famille et les proches s'avère également nécessaire afin d'aider ceux-ci à communiquer de façon appropriée avec la personne dépendante et à la soutenir dans sa démarche.
Le NIDA recommande également des séances de psychothérapie spécialement adaptée aux besoins des toxicomanes. L'accent doit être mis sur le rôle que joue la drogue en relation avec les sentiments et les comportements, et à trouver des solutions sans recourir à la drogue. L'approche doit couvrir deux volets :
- du soutien pour aider les personnes à parler de leurs expériences personnelles;
- des techniques de communication pour aider les personnes à identifier les problèmes de relations interpersonnelles et à agir sur ces problèmes.
Le soutien des pairs (autres dépendants qui ne consomment plus) est important dans le processus de rétablissement. La plupart des groupes de soutien utilisent l'approche des 12 étapes, élaborée il y a plusieurs dizaines d'années pour les alcooliques et pratiquée abondamment à travers le monde pour toutes sortes de dépendances. Pour les consommateurs de cocaïne, le mouvement s'appelle Narcotiques Anonymes (NA). Il existe plus de 350 groupes NA au Québec, et près de 20 000 à travers le monde, qui tiennent des réunions au moins une fois par semaine. Le travail des 12 étapes comprend une analyse des racines psychologiques de la dépendance.
Note. Pour les personnes dont la dépendance est considérable ou qui vivent des problèmes psychosociaux graves liés à leur toxicomanie, les séjours en centre de désintoxication permettent de combiner le sevrage, le counseling et le groupe de soutien dans un même environnement, sous supervision.
Approches complémentaires
Ibogaïne.
Acupuncture.
Ibogaïne. L’ibogaïne est un alcaloïde extrait d'un arbuste (Tabernanthe iboga) de la forêt équatoriale et originaire de l’Afrique de l’Ouest. Dans une synthèse d’études publiée en 1998, l’auteur indique que des groupes américains et européens de soutien aux toxicomanes clament que l’ibogaïne permettrait une longue abstinence de substances psychostimulantes comme la cocaïne. Des recherches sur les animaux ont été effectuées afin d’élucider le mode d’action de cette substance sur le cerveau. Ces recherches en laboratoire permettent d’espérer que l’ibogaïne puisse aider au sevrage de la dépendance aux drogues. Néanmoins, à notre connaissance, aucune étude clinique contrôlée sur l’humain n’a encore été publiée.
Par ailleurs, des études effectuées sur des rats indiquent qu’un dérivé de l’ibogaïne (le 18-Methoxycoronaridine ou 18-MC) serait tout aussi efficace, mais provoquerait moins d’effets secondaires que l’ibogaïne (tremblements, dommages au cervelet, ralentissement du rythme cardiaque). Une équipe du Albany Medical College (N.Y.), qui étudie l'ibogaïne depuis un certain temps, expérimente maintenant avec ce dérivé.
Acupuncture. Les données scientifiques actuelles indiquent que l’acupuncture n’est pas plus efficace qu’un placebo pour aider au sevrage de la cocaïne. Cette affirmation se base sur quatre études randomisées et contrôlées avec un placebo, publiées entre 1999 et 2002. L’une de ces études portait sur 620 adultes dépendants à la cocaïne. D’après nos recherches, un effet thérapeutique a été observé seulement durant une étude, qui portait sur 82 personnes dépendantes.
Sites d’intérêt
États-Unis
National Institute on Drug Abuse
www.nida.nih.gov
Groupes de soutien
Consulter la liste des groupes de soutien Cocaïnomanie.
Bonne journée,
Marie-Claude
ref: Passeport.sante