Tous les quignons de survie sont lâchés
Artaud tient la feuille pré-dessinée
de sa vie intégrale.
Peut-être n'a-t-il jamais si peu dessiné, je veux dire peut-être n'a-t-il jamais aussi peu débattu, négocié la teneur en amour
Pour faire ce dessin, j'ai l'impression qu'il restait la boîte à crayons d'un enfant mort, et une feuille dont on n'aurait plus rien fait. Qu'un tel rebut promettait finalement une sauvagerie.
Ce qui fut fait.
Tout est inscrit dans ce revers d'épaule, cette tournure qui vient droit montée du silence d'oubliette.
Un dégagement de pureté qui fait peur, car pour en arriver là,
il faut avoir eu le cœur crevé
et avoir eu sans fin
le mal de sa crevure.Artaud tient la "fois pour toutes" de l'infini. Plus un détail d'époque, de perte pittoresque
C'est l'heure de la main d'œuvre démembrée.
Plus d'interférences articulatoires,
plus de "coin des artistes",
le dessin part, il ouvre la zone de vie
et du ciel nié de ses étoiles
délivre la raison fragile d'être fier.La vie aimée déploie ses rameaux,
et le regard d'Artaud au milieu visse l'offrande suspendue d'une fauverie amoureuse qui, partout, a semé ses lambeaux, dans la rue d'adieu où le soin des uns gît échoué sur la pierre des faux cœurs, où le soin des uns est une sonde filante dans le ciel des autres,ici, la révolte
a su mener ses blessures.
(L'Écrouloir)
Contribution de Marie-Claire Bancquart
L’Écrouloir
un
dessin d’Antonin Artaud
Éditions de Corlevour, 2008
48 p. – 10 €