Y a vraiment des fois que je me dis que bon, on ne s'aime pas spécialement, ou plutôt je ne lui accorde pas beaucoup d'importance vu que j'y crois pas, en lui, mais parfois je me demande vraiment s'il ne me file pas un sacré coup de main quand même.
"Il", c'est "le bon dieu romain catholique du papàrome", à moins qu'il ne s'agisse d'un autre bon dieu, ou tout simplement d'un pur hasard de la nature. Jugez plutôt. En ce splendide dimanche d'octobre où le soleil brillait pleine poire, on (ma chérie d'amour et vot' serviteur) s'en revenait du joli bourg de "Loket" (près de "Karlovy Vary") où nous avions été invités par miennes accointances aux festivités dites "des vendanges" justement en la forteresse de "Loket" (publie à viendre un jour, peut-être, si j'ai le temps). Rapide parenthèse. Alors autant je voue un amour (peut-être excessif) à la bière, que le vin, bôf, sans plus. Genre si je me fais en tout et pour tout, en cumulant grave, mes 2 bouteilles de vin par an, ben ça vous donne une idée de combien c'est que j'en bois peu. Ceci-dit parfois, en de rares occasions, j'apprécie une lampée de bon rouge avec du fromage qui pue, voire un pichet de bon Riesling avec un wädele-grumberesalat. Et pour avoir vécu quelques paires de semaine en ce beau pays d'Alsace, je me suis développé sans faire exprès suffisamment de papilles gustatives afin de distinguer un vin buvable, d'une immonde vinasse à mouches. Eh bien après avoir gouté, lors de ce fameux week-end, les blancs comme les rouges (une bonne dizaine en tout) présentés en l'occasion au château de "Loket", j'affirme à nouveau qu'en matière de vin, la République Tchèque a du boulot (et du vrai boulot) devant elle. De deux choses l'une, soit les produits présentés ce jour-là étaient des rebus de fond de cuve (à m...) envoyés par les facétieux Moraves aux pignoufs de Bohême (cf. le fameux "Burčák", vin bourru encore plus dégueulasse que du beaujolpif nouveau mélangé à de la pisse de chat que les Praguois boivent comme des Japonais parce que ça fait bien, chic, in), soit il ne s'agit réellement pas d'une farce, auquel cas je me demande vraiment qui peut être suffisamment sot pour acheter ça, sachant à quel point la bière tchèque est excellente par rapport à ça. Et puisque je suis dans ma parenthèse, ce même week-end j'ai découvert une bière que je ne connaissais pas, enfin que je n'avais pas goûtée alors que j'en avais entendu parler: la "Březňák", et je dois dire qu'elle n'est pas mauvaise du tout. Sur mon échellàbière, je lui collerais bien un 7/10. Fin de parenthèse. Et donc ce splendide dimanche, l'on en profita pour visiter de la culture des environs de l'Ouest de la Bohême, et c'est ainsi que l'on prit la direction de "Valeč" dans le but initial d'inviter son castel baroque.
Et c'est au sortir du virage, aux abords du village, en arrivant dans la cuvette juste avant (le village), que je l'aperçue, la magnifique église de la Ste trinité ("kostel Nejsvětější Trojice"). De loin elle présentait ses formes voluptueusement baroques et aguichait l'oeil de l'amateur que je suis. Malheureusement, plus on s'en approchait, et plus l'on pouvait se rendre compte de l'effroyable état de la pauvrette (cf. mes photos): murs décrépis, statues en ruine, vitraux brisés, métaux corrodés, une horreur Thérèse. Je garai la voiture à proximité, et tandis que j'en sortis, je vis comme des gens qui en sortaient aussi, mais de l'église. Quoi, ça se visite d'au dedans? Mais c'est énorme. On arriva devant l'entrée au moment même qu'une délicieuse petite en fermait la porte.
Moi: "Mademoiselle s'il vous plaît, cette splendidéglise se visite?"
Elle: "Oui, il suffit de prendre rendez-vous auprès de l'administration."
Moi: "Ah oui, mais bon, ben c'est qu'on n'avait pas prévu, vu qu'on ne savait même pas que..."
Elle: "Vous voudriez mettre un oeil dedans c'est ça?" Qu'elle finit par dire la jolie guêpe perspicace.
Moi: "Oh oui, oh oui, ça serait tellement adorable de vot' part si l'on pouvait entrer, même un instant. Soyez bonne..."
Eh bien aussi surprenant que cela puisse paraître compte-tenu de l'humeur acariâtre de nombreux indigènes de céans, l'adorable enfant nous laissa entrer. Et même mieux, elle nous expliqua même le pourquoi du comment, cet amour de petite. Y a juste qu'elle n'en savait pas grand chose sur l'église, parce que les archives sur "Valeč" sont plutôt muettes. Les plans de l'édifice n'existent plus, les documents d'origines n'existent plus non plus, c'est tout juste si le bourg, fort de quelques 400 habitants, existe sur les cartes tellement il sent fort la campagne isolée. Bref, il est tellement peu de sources sur ce bourg, qu'il en est encore moins sur notre église. Mais j'ai fouiné, et je vous livre en l'état le fruit de mes recherches, la quête de mes fouilles :-)
Il était une fois le sieur "Jan Kryštof Kager ze Štampachu", propriétaire du domaine de "Valeč" comme du castel. Vers la fin de sa vie, sentant qu'il ne lui en restait plus bezef en ce bas-monde, il demanda à son architecte italien "Giovanni Antonio Biana Rossa" occupé alors à la réfection baroque de sa gentilhommière (au sieur), de bien vouloir penser à une église dans laquelle, et le moment venu, l'on irait stocker la noble viande pour le repos éternel. Le bougre se mit au travail, et construisit entre 1710 et 1728 l'édifice baroque délabré que vous voyez aujourd'hui. Je suis incapable de vous en dire plus sur "Giovanni Antonio Biana Rossa" (parfois "Bianno Rossa"), parce que je n'ai rien dans mes sources, mais alors vraiment rien de rien concernant cet architecte, sinon qu'il serait mort à "Valeč" en 1732. En 1728, l'église fut consacrée, et le 21 novembre de cette même année l'on déposa dans la crypte les dépouilles déjà froides de "Jan Kryštof Kager ze Štampachu" décédé d'impatience en 1718 et de sa femme Catherine-Thérèse, décédée d'ennui en 1721.
Dans les années 1730 à 1733, l'on construisit contre le presbytère une nouvelle entrée dans la crypte composée d'une antichambre néo-classique (au Sud-est). La base de tout cet édifice serait globalement ovale selon mes sources, bien qu'elle semble rectangulaire vue de l'extérieur et d'en haut. La façade Nord-ouest se compose de colonnes ioniques (notez les volutes en grès rose) supportant un tympan triangulaire quasi antique surmonté de saints (St Joseph, St Laurent, et au sommet une allégorie de la Ste trinité) au milieu desquels trône la vierge Marie. De la façade Sud-est déborde le presbytère pentagonal flanqué sur ses flancs de 2 tours qui, avec la tourelle centrale ajourée, représentent à eux 3 la trinité. Dans les niches du presbytère se trouvent 2 statues, un St Jean-Baptiste et St Sébastien, et c'est contre ce presbytère qu'est accolée la fameuse antichambre néo-classique d'accès à la crypte.
Maintenant entrons à l'intérieur. La première vision est absolument épouvantable. L'église au dedans est aussi dévastée qu'en dehors: poussière, saleté, statues mutilées, tableaux décolorés pratiquement irrécupérables. Dans le tableau central de l'autel se trouve par exemple un énorme trou (50 cm par 70 cm), c'est à pleurer. Comment peut-on laisser ruiner de tels chefs-d'oeuvre? Et je ne parle pas des vandales et des pillards qui, selon la délicieuse petite, auraient de nombreuses forfaitures à leur actif (cf. les statues du castel). Fumiers! Douze balles dans votre sale peau de nuisibles que j'te me vous foutrais, sans la moindre forme de procès, à sec avec du sable (le bâton dans l'Q). Y a vraiment des choses qui dépassent mon entendement. Bon, puis si vous levez un peu la tête, alors la vision d'horreur s'adoucit quand même à la vue des splendides fresques restaurées en 2004. Elles seraient l'oeuvre de l'artiste local "Brand" (totalement inconnu, point trouvé dans mes sources) et représentent la glorification du mystère de la trinité (j'te dis pas le boulot). Idem le tableau central de l'autel, celui d'avec le trou, il représente la Ste trinité. Au-dessus est posé un blason (les "ze Štampachu" peut-être?), et encore au-dessus est peinte une vierge Marie secourable. Généralement on dit la vierge auxiliatrice (qui rigole quand elle montre ses cuisses), mais bon, hein, ça fait de suite académiqu'on comprend rien, alors secourable c'est plus "accessible" qu'auxiliateur. Donc l'autel, le retable, les tableaux, le tout est symboliquement protégé sur les côtés par les statues de St Guy et de St Venceslas, les patrons protecteurs de la Bohême (et du fourbi précédent). Les autels secondaires, à gauche et à droite, sont consacrés à Ste Catherine et Ste Barbara (cf. une précédente publie pour la légende). L'orgue date de 1728, et fut construit par l'illustre facteur praguois "Leopold Spiegel" (à Prague vous retrouverez ses orgues en la Lorette, St Michel vieille-ville, et Ste Ursule rue "Národní"). L'instrument fut restauré en 1994, il fut même joué dessus, mais aujourd'hui il mériterait pour le moins un coup de chiffon car depuis que l'église est dans cet état, on ne joue même plus sur son orgue. Bon, et vous voyez un peu la baraka que je reçus ce jour-là de chais pas qui d'en haut? On serait arrivé plus tôt, et la petite aurait encore été à l'intérieur de l'église. On serait arrivé plus tard, et elle en aurait été partie. Pis elle aurait pu m'interdire de photographier, ce que du reste elle tenta bien, mais lorsque je la rassurai que c'était pour moi, pour vous, et pas du tout dans un but mercantile, elle me donna sa bénédiction. Mais vous voyez la fraction de minute au poil sans laquelle cette publie n'aurait pas été?
Signalons encore que devant l'église (au Nord-ouest) se trouve une colonne consacrée à... la Ste trinité (encore). Il semblerait que la construction fut cette fois une volonté de Madame Marie-Joséphine, femme de "Jan Ferdinand Kager z Globenu" (alors propriétaire du domaine), décédée très maturément en 1727. Elle (la colonne, pas Madame) fut acheminée sur "Valeč" en pièces détachée (cf. Ikea) entre 1727 et 1728, et montée jusqu'en 1730 lorsqu'elle fut consacrébénite. Concernant les auteurs de cet obélisque trigonal de 8 mètres de haut, selon les sources, vous trouverez le prodigieux "František Maxmilian Kaňka", le non moins prodigieux "Matyáš Bernard Braun", ou encore son neveu "Antonín Braun". Je n'ai aucune information vraiment fiable aussi je vous laisse choisir. Les statues quant à elles sortent de l'atelier de "Matyáš Bernard Braun" pour sûr, et c'est pour cette raison qu'elles n'y sont plus, sur la colonne. Avant, de bas en haut, vous pouviez voir St Ludmila, St Adalbert ("Sv Vojtěch") et St Prokop. Au dessus St Guy, St Venceslas et St Jean Népomucène, et tout en haut, le plus au dessus, une vierge Marie, un Jésus Christ, et un dieu l'père. Malheureusement, comme l'église, la colonne était (et est toujours) la proie des imbéciles, des fumiers et autres débiles primitifs qui n'ont pas plus de respect pour la propriété collective que pour la beauté artistique, de fait les statues ont dû être retirées. C'est aussi pour cette raison que les 27 statues de "Matyáš Bernard Braun" qui se trouvaient originellement dans le jardin du castel de "Valeč" ont été déplacées dans l'abbaye de Kladruby. Il n'en reste pas moins qu'après le domaine de "Kuks" (publie à viendre, depuis plus d'un an je l'ai sous le coude, mais c'est énorme, pas le temps) parsemé d'allégories du vice et de la vertu, notre bourg est le second point de concentration d'oeuvres du Maître "Braun" au monde (enfin était le second point... maintenant c'est en l'abbaye de Kladruby).
Et pour terminer, quelques tristes éléments historiques. Une des raisons pour laquelle les édifices (comme le bourg) se trouvaient dans un si déplorable état pendant longtemps est d'ordre ethno-politique. Tout d'abord il faut savoir que la région de "Doupovsko" (en dessous des "Doupovské hory", "Duppauer Gebirge" en Germain) est géographiquement éloignée de toute ville. Ensuite "Valeč" se trouve en plein coeur des "Sudètes", région particulièrement "germanisée" vers la fin du XIX ème siècle comme nous le rappelle l'encyclopédie d'Otto à propos du bourg (édition de 1908): "Obyvatelstvo, na sklonku XVIII. stol. částečně české, úplně se poněmčilo." Or bien que l'on considérait les Sudètes comme prospères et industrialisées, ce n'était pas du tout le cas de "Valeč", bourg éminemment agricole et particulièrement pauvre. Sous l'empire austro-hongrois jusqu'en 1918, la population à majorité allemande vivait en cordiale entente avec la population tchèque semble-t-il. Mais les choses prirent une triste tournure à la naissance de la Tchécoslovaquie. Autant les Tchécoslovaques qui vivaient dans les Sudètes baragouinaient l'Allemand (et parfois même couramment), que les Allemands de cette même région ne baragouinaient le Tchécoslovaque que très rarement (l'éternel différent entre colonisateurs et colonisés, combien de Français vivant en Indochine ou au Maghreb parlaient le Vietnamien ou l'Arabe? Heureusement qu'on a l'Anglais aujourd'hui). Lorsqu'après 1918, quelques 5 millions de personnes se retrouvèrent dans un nouvel état dont ils ne comprenaient pas la langue officielle (cf. loi 122 de 1920), les tensions ethniques commencèrent à poindre le vilain bout de leur sale blaire (la population de la Tchécoslovaquie en 1921 était de 13,5 millions, dont 6,5 M de Tchèques, 3 M d'Allemands, 2 M de Slovaques, 0,5 M de Hongrois, 0,5 M de Ruthènes, puis des Polonais, des Croates, des Roumains, etc...). En fait, les régions dont la minorité ethnique représentait au moins 20% de la population conservaient le droit d'utiliser leur langue autant dans l'enseignement que dans l'administration locale (Polonais, Hongrois, Allemand, Russe, Roumain...). Cependant l'administration nationale, la poste comme les chemins de fer tchécoslovaques n'utilisaient qu'une seule et unique langue: le Tchécoslovaque. Et dans les Sudètes, il était des bourgs où la minorité germanophone représentait plus de 90% de la population. Lorsque naquit le SdP, les choses s'envenimèrent gravement entre les Tchèques et les Allemands des Sudètes. Puis il y eut la trahison de 1938 dont on parle apparemment beaucoup en France en ce moment. Puis il y eut la sauvagerie mondiale (1939-1945). Puis il y eut l'expulsion des Allemands des Sudètes (1945-1946). Puis l'on substitua à cette population déportée des Polonais, des Slovaques et des Roms. Puis il y eut l'arrivée de la chienlit con-muniste au pouvoir (1948). Et justement, dès 1949, les camarades fumiers con-munistes créèrent juste derrière notre bourg le "Vojenský újezd Hradiště": 330 km² de terrain d'entrainement militaire, la plus grande zone de notre petite République strictement gardée "secret défense" et totalement interdite à la plèbe. Ainsi en cumulant les divers démé-emménagements de populations, l'activité économique purement agraire, et la quasi-mise au secret militaire de la région, nul surprise que la restauration des monuments historiques n'était pas une priorité pour le bourg de "Valeč". Pour les tchécophones, je vous recommande la lecture de "Josef Škrábek, Včerejší strach" où l'auteur né d'un père tchèque et d'une mère allemande raconte ses souvenirs d'enfance à "Valeč" dans les années 30 jusqu'au début de la seconde guerre mondiale (existe aussi en version allemande sous "Die gestrige Angst"). Pis si un jour j'ai le temps, je reviendrai sur cette sombre période des Sudètes dans le cadre d'une publie sur le hameau de "Skoky" ("Maria Stock" en Allemand) aujourd'hui totalement en ruine et livré aux imbéciles malgré qu'il s'y trouve une splendide église baroque.
Bref, aujourd'hui à "Valeč" les choses ont vraiment changé, et c'est bien. On a par exemple extrêmement bien mangé pour pas cher dans l'unique restaurant du hameau, sur la place. De plus le bourg possède encore d'autres curiosités baroques qui méritent assurément le détour (c.f mes photos). Certaines sont déjà restaurées (le castel, l'église de la place...), d'autres pas (notre église). Tout devrait être terminé vers 2014, et "Valeč" voudrait alors devenir la vitrine baroque de la région, comme le suggère son site officiel: le bourg baroque de "Valeč". Why not après tout, c'est sympa. Ah oui, et le château alors? Ben on ne le visita pas. Il se faisait tard, on devait encore rentrer sur Prague, alors on se dit qu'on se le garderait pour une autre fois, genre. GPS: 50°10'22.574"N, 13°15'0.577"E