J'y ai droit !

Publié le 14 novembre 2008 par Malesherbes
Avec le développement de la téléphonie mobile, beaucoup de personnes oublient toute discrétion. Dans les transports publics, certains ne songent plus guère à protéger leur intimité. J’ai ainsi pu surprendre, à mon corps défendant, entre deux personnes très bien mises, l’échange suivant :
- « Tu t’es fait vacciner contre la grippe ? »
- « Non, je n’ai toujours pas reçu le papier de la Sécurité Sociale ».
Pour ma part, sans me préoccuper de l’aide que pouvait m’apporter la Sécu, sans consulter mon médecin traitant, je m’étais déjà rendu dans une pharmacie où, pour six euros vingt-cinq, j’avais acheté une dose de vaccin anti-grippe. En sortant de chez cet éminent dispensateur de médicaments, j’étais allé dans un centre paramédical où un infirmier m’avait vacciné, recevant pour prix de ce service à son tour six euros.
Je suis conscient du fait que malheureusement il y a trop de nos concitoyens pour qui une dépense supplémentaire de douze euros vingt-cinq peut compromettre l’équilibre d’un budget, les mêmes pour lesquels un forfait de cinquante centimes par boîte de médicament peut rapidement constituer un fardeau, les mêmes qui en fin de mois ont du mal à régler pour leurs enfants des notes de cantine à raison d’un euro par repas. Mais, pour en revenir à l’inconnu de l’autobus que j’évoquais plus haut, qu’est-ce donc qui peut l’inciter à risquer ainsi sa santé, alors que je le suppose capable de dépenser en une seule petite sortie au restaurant plusieurs dizaines d’euros ?
Cela me paraît fort simple. Il applique sans doute ce principe maintes fois exprimé : « j’y ai droit ». Je vais maintenant m’éloigner du cas de ce voyageur, cas que je considère cependant assez emblématique, pour élargir mon propos, qui se situe dans la droite ligne de mon précédent billet où je m’autorisais à lier patriotisme et situation fiscale.
Il y a quelques mois, j’avais rencontré un honorable retraité qui, relevant de maladie, devait deux fois par semaine se rendre à la ville distante de dix kilomètres pour y recevoir des soins. Fort heureusement pour lui, il n’était pas invalide et conduisait sans difficulté aucune son automobile. Cela ne l’empêchait pas de faire à chaque fois appel à une ambulance pour se rendre à la ville. Pourquoi ? « Parce que j’y ai droit !»
Dans le même ordre d’idées, il y a une dizaine d’années, un de mes amis occupait une position très importante dans une entreprise qui, soucieuse d’économies, procédait à des réductions de personnel. Il négocia son départ à l’issue de la deuxième vague de suppression d’emplois. Pourquoi ? Pour pouvoir enfin payer moins d’impôts et, bénéficiant à son tour des libéralités accordées aux assistés, percevoir à son tour des indemnités de chômage.
Nombre d’âmes vertueuses dénoncent les fraudeurs qui, selon eux, mettent en péril les finances de la Sécurité Sociale ou des Assedic. Certes, les fraudeurs existent mais je ne suis pas certain qu’ils coûtent plus cher à la collectivité que les pratiques dont je viens de donner quelques exemples. Il est urgent de réhabiliter l’impôt. Dans un pays, il faut faire face à toutes sortes de dépenses, santé, éducation, justice, défense, recherche, etc...Lorsque ce pays a pour devise celle qui est la nôtre, il n’est pour ce faire d’autre moyen que de faire appel à l’impôt. Certes, il importe que celui-ci soit équitablement réparti et judicieusement employé mais c’est précisément le rôle de nos institutions.
Mais, n’en déplaise aux politiques qui prennent pour modèle un John McCain, oui : l’impôt opère une redistribution de ceux qui ont de l’argent vers ceux qui en ont moins. Pour ma part, pour ce qui est de mon niveau de vie, je préfère de très loin les périodes de mon existence où j’ai eu à payer beaucoup d’impôts à celle où leur montant fut sensiblement inférieur.