Au début de cette semaine, les indices étaient les suivants depuis le début janvier :
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Actions chinoises de Shanghai –60%, CAC et Footsie –40%, S&P500 –30%, Nikkei –24%,
- $ contre € +14%, yen contre € +30%,
- indice CRB des matières premières –28%, pétrole Brent –37% et Baltic Freight (fret international) –91% !
Les marchés nous indiquent donc clairement qu’ils voient venir une récession grave et durable, surtout en Europe, et que les émergents ne vont pas compenser ce que les Etats-Unis ne vont plus consommer. La tradition veut que les marchés amplifient et anticipent l’économie réelle. Ils nous disent donc que nous n’avons encore rien vu et que lorsqu’ils reprendront (environ 6 mois avant le creux de la récession dans l’économie leader, les USA), il sera temps de revenir sur les marchés. Pas avant. Ce qui signifie que le soulagement provisoire de cette fin d’année, marquée par le nouvel optimisme de l’élection d’Obama, les plans de sauvetage du système financier, les baisses de taux et le début de négociations internationales du G20, ne sera que feu de paille. Le marché action a peut-être connu son premier creux d’un mouvement classique en double-creux, dont le suivant sera ou au printemps ou à l’automne 2009. Inutile de se presser pour réinvestir !
L’ampleur des crédits toxiques, des imbrications du risque dans le système et des boites noires que sont les hedge funds et certains paradis fiscaux, ont créé un choc psychologique qui ne va pas se résorber en quelques mois. Or la psychologie retentit sur la vie réelle, on le sait depuis Nietzsche en philosophie, Freud en sociologie et Keynes en économie. Le mot-clé est et reste la CONFIANCE. Une fois celle-ci blessée, son rétablissement est lent, et certaines sociétés sont plus résilientes que d’autres. Il en est ainsi de la société américaine, probablement aussi de la chinoise contemporaine. Le renouveau viendra des Etats-Unis, pour le moment englués dans une passation de pouvoirs rituelle qui prendra plusieurs mois.
Les risques plus élevés et la baisse des capitaux disponibles font que les banques prêtent moins, y compris en France où le bonapartisme d’Etat a beau dire « je veux », les mots ne sont pas les actes. La dernière enquête Banque de France, publiée au 7 novembre, montre que les banques commerciales françaises ont resserré les critères d’octroi de crédits aux entreprises, notamment aux PME. Elles ont haussé leurs marges, raccourci les durées et augmenté les garanties exigées. Si le crédit à la consommation reste à conditions inchangées, l’habitat connaît un durcissement modéré en raison des baisses de prix anticipées qui voient fondre la garantie hypothécaire. Mais c’est surtout la demande qui s’effondre : baisse de la consommation, baisse de la demande de prêt logement. Aux Etats-Unis, c’est la vente d’automobiles qui a chuté au cours des derniers mois.
La Commission européenne puis l’OCDE viennent d'abaisser leurs estimations de croissance mondiale avec récession en fin d'année pour les pays développés, prolongée sur 2009. Si la crise est longue et profonde la déflation des actifs est possible, comme celle qui a affecté l'économie japonaise durant dix ans. L’indice action Dow Jones retournerait à son niveau de 1995, il y aurait plus d'impôts, plus de réglementations, une plus forte intervention gouvernementale et un déficit majeur... Ce qui aboutirait probablement à un retour d’inflation des produits courants dès la sortie de crise, vers 2012. Baisse des actifs et hausse du coût de la vie : ce sera bon pour la génération montante, qui pourra s’endetter ; mauvais pour les retraités, qui verront fondre leurs économies – et réclameront peut-être de pouvoir retravailler à leur rythme ?
La Chine, qui enregistre un nouvel excédent commercial record en octobre (216 md $ depuis le début d'année), pourrait voir ses exportations (+19,2% sur un an en octobre) chuter. D’où son plan de relance massif pour encourager la consommation intérieure et compenser la chute de la demande externe, sous peine de troubles sociaux d’une ampleur inconnue. D’où sa recherche du consensus sur la régulation mondiale, surtout rien de révolutionnaire ! La France autoritaire n’a guère que la Russie et M. Chavez pour être d’accord avec ses propositions napoléoniennes de contrôle d’Etat. Le reste du monde est plus sagement libéral, se souvenant que jamais un fonctionnaire n’a remplacé la rencontre de l’offre et de la demande pour assurer l’équilibre de prospérité. Le G20 enclenchera un processus de réflexion, mais inutile d’en attendre l’instauration d’une « économie mixte » comme on l’entend ci ou là.
Nous l’avons dit, les étapes nécessaires du redressement doivent être franchies une à une : rétablir la confiance dans le système financier, abaisser les taux des crédits, aménager la fiscalité et le soutien aux ménages, enfin mettre en place un projet politique de relance Etat par Etat, faute d’accord par zone. Rien de cela ne se fait en un jour, mais c’est la direction annoncée et la volonté affichée qui comptent : les marchés anticipent ! Dès qu’ils auront le sentiment qu’une voie est tracée et qu’on est à nouveau sur des rails, la hausse reviendra. Pas avant. D’ici là, rien à faire sur les marchés, sauf pour les traders fiévreux et pour la presse toujours en mal de zapping. Les vrais investisseurs feront comme les sages hérissons : ils hiberneront jusqu’au printemps prochain.