Aux Etats-Unis, la bataille fait rage entre lobbies de l'eau en bouteille et groupes environnementalistes : à la clé, un marché de plus de 16 milliard de dollars...
De nombreux medias sont revenus sur la publication le 15 octobre dernier d’un rapport sur la qualité de l’eau en bouteille par le Environnemental Working Group (EWG) - groupe de recherche américain à but non lucratif-. Selon les conclusions du rapport, chacune des dix eaux en bouteille testées contient en moyenne huit produits chimiques tels que la caféine, du nitrate ou de l’arsenic. Par opposition, l’Association internationale de l’eau en bouteille (IBWA) prétend que les tests n’ont démontré aucune présence de produits chimiques interdits mais n’a pas été en mesure de produire des preuves.
EWG avance que l’eau contenue dans des bouteilles produites par les supermarchés Wal Mart ne présente aucune différence chimique avec l’eau du robinet. Cette organisation ne cherche pas à démontrer que l’eau en bouteille est de moins bonne qualité que l’eau du robinet mais qu’elle n’est peut-être pas meilleure. Le groupe environnemental a adressé une notification avec l'intention de poursuivre Wal-Mart. Selon Tony Winnicker - porte-parole de la Commission de services collectifs publics – « l'étude apporte davantage d'évidences que le mythe est souvent un mensonge. »
Parallèlement, le L.A. Times consacre un article au débat entre l’eau en bouteille et l’eau du robinet et plus particulièrement concernant leur sûreté. L’eau du robinet semblerait l’emporter.
Le quotidien revient notamment sur la dernière enquête de The Associated Press, qui, peu avant le rapport de l'EWG, révélait pour sa part la présence de traces de produits pharmaceutiques dans l’eau du robinet. Les opposants à l’eau en bouteille rappellent en réponse que l’industrie de l’eau en bouteille puise dans les mêmes sources que l’eau municipale et est donc sujette elle aussi à cette contamination. Ils ajoutent que tandis que les réseaux publics d’eau sont régulièrement examinés parfois plusieurs fois par jour, l’administration alimentaire et pharmaceutique (FDA) n’exige de la part des compagnies d’eau en bouteille de déterminer le taux de contamination seulement qu’« une fois par semaine, une fois par an, voire une fois tous les quatre ans. »
Ces batailles d'experts ont bien entendu leurs déclinaisons locales ainsi en Floride, le département Eau et Eaux usées du Comté de Miami-Dade (Miami-Dade Water and Sewer Department (WASD)) a diffusé pendant 5 semaines des films publicitaires afin de promouvoir l'eau du robinet, déclarée comme « peu coûteuse, plus pure et plus sûre que l'eau en bouteille. » Cette campagne a provoqué la réaction de Nestlé, qui menace de poursuivre Miami-Dade en justice pour « publicité mensongère. » Selon Jim McClellan - porte-parole de Nestlé - : « c'est une attaque sur l'intégrité de la compagnie et sur le produit que nous fabriquons et cela est fait d'une manière flagrante et erronée. » John Renfrow - directeur du Miami-Dade Water and Sewer Department - a défendu le droit du comté de valoriser son eau du robinet : « fondamentalement, le message est que notre eau est très bonne. » Wenonah Hauter - présidente de Food & Water Watch18 - a considéré l’attitude de Nestlé comme « honteuse et outrageuse » car elle essaie « d’effrayer ses concurrents » et invite les internautes à signer une pétition contre la compagnie.
L'ampleur de ce combat eau en bouteille / eau du robinet est telle que le paysage économique de l'eau commence à se redessiner – non sans retombées sociales : selon le New York Times, PepsiCo, propriétaire de la marque d’eau en bouteille Aquafina a décidé de licencié 3.300 personnes et de fermer six de ses usines de mise en bouteille du fait de la baisse des ventes d’eau en bouteille. Parallèlement, au cours des six premiers mois de l’année, les ventes nationales de filtres à eau ont augmentées de 16%.